Autoentrepreuneurs : une clarification du statut nécessaire

26 janvier 2017 07:00 Mis à jour: 24 janvier 2017 14:20

Malgré le succès du régime auprès des actifs, 33% des autoentrepreuneurs cessent leur activité dans les trois ans.

Rémi, 29 ans, arpente tous les soirs la capitale pour Deliveroo, une boîte qui propose la livraison de plats de restaurants à domicile. Dans 20 minutes, le jeune homme a résumé son expérience : il travaille un peu plus de 4 heures par soir et 2 heures le week-end, et effectue 8 ou 9 courses pour lesquelles il touche à peu près 970 euros brut en tout par mois. À côté, il a monté une entreprise d’impression textile qui lui rapporte 1 200 euros par mois.

Pour entrer chez Deliveroo, Rémi a dû s’enregistrer comme autoentrepreneur. « C’est obligatoire. C’est l’ubérisation du travail. Officiellement, je ne suis pas salarié de Deliveroo, je leur facture un service », déclare t-il. Cette ubérisation a un coût : ses outils de travail, vélo et smartphone sont à sa charge, il ne cotise pas à une assurance et choisit de ne pas déclarer ses revenus. S’il lui arrive un accident, ce sera « pour sa pomme », il assume. « Au début, c’est bien, tu es content, tu gagnes de l’argent. Au bout de trois mois, tu commences à être fatigué mentalement par le fait de jongler entre deux boulots », confie-t-il, ajoutant qu’il lui faudra « arrêter très bientôt » son activité avec la plateforme.

Il est impossible de pousser le travail indépendant sans une couverture sociale. »

-Pierre Danon, ancien patron de Numericable

Deliveroo et Rémi n’ont pas une relation d’employeur-employé, mais de plateforme-collaborateur. Autrement dit, la plateforme permet uniquement une mise en relation client-restaurateur-livreur ; elle dédouane au passage l’employeur (ou plutôt, son gérant) de certains devoirs, et lui permet de décider unilatéralement des conditions d’embauche, de l’attribution des courses, des primes éventuelles. En cas d’accident d’un de ses coursiers, elle enverra un autre collaborateur récupérer la course.

Ces règles du jeu sont posées dès le départ. Pour être rentables, les plateformes ont des coûts très bas pour les clients, et sans la manne que représente une main-d’œuvre peu coûteuse et peu contraignante, peut-être n’existeraient-elles simplement pas. Cette fragile équation résume sans doute à elle seule l’un des problèmes les plus importants rencontrés par ceux qui souscrivent au statut du RSI.

Une simplification nécessaire

Cela n’empêche pas de faire rêver les actifs, en particulier les jeunes. Le nombre d’autoentrepreneurs frôle aujourd’hui le million en France et de nombreuses success stories existent. Elles évoquent les mêmes avantages : pouvoir gérer soi-même sa carrière, cumuler les activités, ne pas répondre à une hiérarchie ou profiter de la simplicité du régime. En octobre dernier, un sondage mené par Opinionway pour l’Observatoire de l’Autoentrepreneuriat indiquait que 62% des 18-34 ans aimeraient monter leur propre entreprise ou se mettre à leur compte.

En mai 2016, les statistiques de l’INSEE montraient pourtant que les réussites d’autoentrepreuneurs étaient plutôt signées par les seniors et ceux qui ont déjà eu une première expérience d’emploi : un peu moins de 45% des moins de 30 ans ne déclarent aucun chiffre d’affaires dans les deux ans suivant l’immatriculation de leur entreprise, contre 29% chez les seniors. De plus, 62% des inscrits en tant qu’autoentrepreuneurs démarrent une activité quelques mois plus tard et seuls 30% sont encore actifs au bout de trois ans.

En 2017, le régime du RSI change. Le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale prévoit une série de mesures pour améliorer la protection sociale des autoentrepreuneurs, tel que le relèvement du plafond du chiffre d’affaires, à 33 100 euros contre 32 900 en 2016, un allongement du délai de l’ouverture d’un compte bancaire dédié à l’entreprise, une structure unique de pilotage pour gérer les cotisations avec l’URSSAF.

Des ajustements correspondant à la demande des autoentrepreuneurs. Mais encore insuffisants d’après les experts. « Le système de couverture sociale du Régime social des indépendants (RSI) ne fonctionne pas. Or, il est impossible de pousser le travail indépendant sans une couverture », explique Pierre Danon, ancien patron de Numericable.

Outre la couverture sociale réclamée par les indépendants ayant recours à ce régime, le statut lui-même mériterait d’être clarifié. Les dispositifs fiscaux et législatifs encadrant les autoentrepreneurs n’ont cessé d’être modifiés depuis 2012. Le 13 mars 2015, Nicolas Sarkozy, qui avait lancé la mesure, évoquait avoir un « caillou dans la chaussure » au sujet du « problème de concurrence déloyale entre l’autoentrepreneur, qui n’a pas d’obligation, et l’artisan ».

Pour François Hurel, le président de l’Union des Auto-Entrepreneurs (UAE), le régime doit encore être modifié : « Une évolution d’autant plus nécessaire que l’économie collaborative et numérique fait de plus en plus appel aux travailleurs indépendants ».

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