Si les Européens réimposent des sanctions, l’Iran pourrait se doter de l’arme nucléaire, met en garde son chef de la diplomatie Abbas Araghchi dans un entretien au Guardian, avant des pourparlers avec trois pays critiques sur ce dossier.
La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, associés aux États-Unis, sont à l’origine d’un texte condamnant la semaine dernière le manque de coopération supposé de l’Iran sur le nucléaire, lors d’une réunion de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). En riposte, Téhéran a annoncé mettre en service de « nouvelles centrifugeuses avancées » pour son programme nucléaire. Les autorités n’ont toutefois jamais fermé la porte à des discussions.
Téhéran défend un droit au nucléaire à des fins civiles mais nie vouloir se doter d’une bombe atomique, ce que soupçonnent les pays occidentaux. L’ayatollah Ali Khamenei, au pouvoir depuis 1989 et ultime décideur dans les dossiers sensibles du pays, a interdit dans un décret religieux (fatwa) tout recours à l’arme atomique.
« Il y a un débat en ce moment en Iran sur le fait que c’était peut-être une mauvaise politique », a déclaré Abbas Araghchi dans un entretien publié jeudi par le quotidien britannique The Guardian. Si les Européens réimposent des sanctions contre Téhéran, « ils auront alors convaincu tout le monde en Iran que, oui, cette doctrine est erronée », insiste-t-il.
Selon l’agence de presse officielle Irna, le représentant iranien Majid Takht-Ravanchi doit rencontrer jeudi à Genève le numéro deux de la diplomatie européenne, Enrique Mora, à la veille des pourparlers sur le nucléaire avec la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni.
L’Iran souhaite se rapprocher des Européens
Les discussions se dérouleront à quelques semaines du retour en janvier à la Maison Blanche de Donald Trump, artisan d’une politique dite de « pression maximale » à l’encontre de l’Iran durant son premier mandat (2017-2021).
Pour Téhéran, le but de ces pourparlers est d’éviter une situation « doublement désastreuse » qui placerait l’Iran de nouveau face à la « pression maximale » des États-Unis avec en plus celle des Européens, indique à l’AFP le politologue Mostafa Shirmohammadi. Pour l’heure, « l’Iran n’a pas les Européens de son côté, en raison d’une série d’allégations dont un soutien militaire à la Russie dans sa guerre contre l’Ukraine », souligne M. Shirmohammadi depuis Téhéran. L’Iran, qui rejette catégoriquement ces accusations, espère ainsi arrondir les angles avec les Européens. Tout en faisant preuve de fermeté.
Le ministre iranien des Affaires étrangères a évoqué mardi la mise en service de « plusieurs milliers de centrifugeuses perfectionnées ». M. Araghchi, qui a supervisé en 2015 les négociations sur le nucléaire entre son pays et les grandes puissances, n’a pas précisé le calendrier.
Selon le porte-parole de l’Organisation atomique iranienne, Behrouz Kamalvandi, le processus complet peut prendre de « quatre à six mois ». Les centrifugeuses sont des machines qui enrichissent l’uranium transformé en gaz, en le faisant tourner à très grande vitesse, permettant l’augmentation de la proportion de matière fissile isotope (U-235) pour différentes utilisations.
En 2015, l’Iran avait conclu à Vienne un accord avec la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Chine, la Russie et les États-Unis pour encadrer son programme nucléaire. Le texte prévoyait en contrepartie un allègement des sanctions internationales contre Téhéran.
Un durcissement des États-Unis
Mais en 2018, Donald Trump a retiré unilatéralement son pays de l’accord — auquel se conformait Téhéran, selon l’AIEA — et rétabli de lourdes sanctions à l’encontre de l’Iran. En représailles, Téhéran a considérablement augmenté ses réserves de matières enrichies et porté le seuil à 60%, proche des 90% nécessaires pour fabriquer une arme atomique, en vertu de la définition de l’AIEA. « Nous n’avons pas l’intention d’aller au-delà de 60% pour le moment », a assuré M. Araghchi au Guardian.
L’accord sur le nucléaire, désormais coquille vide que des négociations ont échoué à ranimer et qui arrivera à échéance en octobre 2025, plafonnait ce taux à 3,67%.
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