Il présidait autrefois à la sombre destinée d’un territoire grand comme la Grande-Bretagne: samedi, le « califat » du groupe Etat islamique (EI) a rendu son dernier souffle dans la poussière de son ultime réduit de Baghouz, aux confins orientaux de la Syrie.
A quelques mètres des bords de l’Euphrate, un drapeau noir du « califat », autoproclamé en 2014 par l’EI sur de vastes territoires en Syrie et Irak, a été déchiré et piétiné. Non loin, des ceintures d’explosifs ont été abandonnées par les jihadistes. Le drapeau des Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance dominée par les Kurdes qui mène depuis des mois l’offensive avec la coalition internationale menée par Washington, flotte désormais en haut d’un bâtiment du village de Baghouz.
« Il y a trois jours encore, on essayait de progresser mètre par mètre », indique à l’AFP Rami, un combattant. Maintenant « nous en avons fini avec l’EI et son drapeau noir, et nous avons mis le nôtre à la place », ajoute le jeune homme de 33 ans. Sur le toit d’une bâtisse abandonnée, l’ambiance est détendue parmi les combattants des FDS. Un petit groupe d’hommes a déjà troqué l’uniforme militaire pour des jeans ou des survêtements.
Ashkarani, combattant de 25 ans originaire d’un petit village de Deir Ezzor, raconte qu’une fois la victoire sur l’EI assurée, il a tiré en l’air avec ses dernières cartouches. « On a mis de la musique, on a commencé à danser », dit un autre de ses camarades en riant. Ashkarani s’est empressé d’informer sa fiancée de la victoire. « Je lui ai dit qu’on avait fini et qu’on allait rentrer. Elle était heureuse. On va se marier dans dix ou vingt jours ».
Il y a deux jours seulement, les combattants des FDS effectuaient encore des opérations de ratissage dans le dernier réduit qu’avaient occupé les jihadistes: un campement informel. Tout à coup, raconte Ashkarani, trois kamikazes munis de ceintures d’explosifs sont sortis d’un tunnel. « Ils couraient, on a eu peur. On en a tué un, les deux autres se sont fait exploser », raconte-t-il. L’un de ses camarades a été blessé. « Il est à l’hôpital à Qamichli, c’est une blessure légère », assure le jeune homme, pantalon de sport retroussé sur ses mollets, sandales au pied.
« Grâce à Dieu, on en a fini avec l’EI, nos cœurs et nos esprits sont en paix », lâche un autre combattant originaire de la province de Deir Ezzor qui refuse de donner son nom. « Les batailles étaient difficiles, il y a eu des morts des deux côtés », ajoute le jeune homme de 23 ans engagé depuis quatre mois dans le secteur. Autour de lui, ses camarades égrènent les noms des victimes qu’ils connaissaient. Le campement qu’occupaient les jihadistes, au pied d’une colline, est dévasté.
Battus par le vent, au milieu de carcasses de voitures calcinées, des draps et des couvertures épaisses étendues sur des tiges de fer ou des arbustes, faisaient office de tentes. Certaines dissimulent parfois des tranchées profondes, où se terraient les jihadistes et leurs familles.
Marmites, bassines en plastique, poêle de chauffage jonchent le sol. Des vêtements déchirés sont accrochés à des arbustes. Sur les murs de Baghouz, les tags des combattants des FDS à la gloire des factions hétéroclites qui composent l’alliance arabo-kurde côtoient les inscriptions des jihadistes. Si les FDS ont annoncé samedi la fin du « califat », quelques explosions d’obus et sifflement des snipers se font encore entendre samedi matin. Un nuage de fumée blanche s’élève au pied d’une colline.
Des combattants des FDS, le bas du visage parfois dissimulé par un foulard, sont toujours stationnés sur les toits de quelques bâtisses dans le secteur, ou embusqués derrière des sacs de sable. Béret rouge sur la tête, la police militaire des FDS s’est déployée en nombre restreint, établissant ici et là des barrages de contrôle dans des rues ravagées. Mais hormis les FDS, Baghouz est un village fantôme. Quelques ânes blancs seulement, perdus au milieu des terrains vagues, et des meutes de chiens qui errent au milieu des ruines en journée et aboient toute la nuit.
D.C avec AFP
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