« Le banquier des pauvres » et lauréat du prix Nobel de la paix Muhammad Yunus s’est dit prêt mardi à prendre la tête d’un gouvernement intérimaire au Bangladesh, au lendemain de la fuite de la Première ministre Sheikh Hasina, qui l’avait ciblé dans ses discours et sur le plan judiciaire.
Muhammad Yunus doit sa renommée mondiale au prix Nobel de la paix qui a récompensé en 2006 sa contribution au développement économique de son pays.
L’économiste a aidé à l’éradication de l’extrême pauvreté au Bangladesh en proposant des microcrédits à des dizaines de millions de femmes en milieu rural, par l’intermédiaire de sa Grameen Bank, co-lauréate du prix Nobel.
« Les êtres humains ne sont pas nés pour souffrir de la misère, de la faim et de la pauvreté », avait déclaré M. Yunus en recevant le Nobel. Après la remise de son prix, il avait envisagé la création d’un parti avant d’abandonner rapidement son projet, ce qui avait suscité une inimitié persistante de la part de l’élite au pouvoir.
Le gouvernement de Mme Hasina, dont le mandat a duré 15 ans et s’est soldé par sa démission précipitée lundi et la reprise en main du pays par l’armée, s’est montré de plus en plus ferme dans sa répression de l’opposition politique, et la popularité de l’économiste avait fait de lui un rival potentiel.
Porté par les étudiants
Les chefs de file de la protestation étudiante, dont les contestations ont conduit lundi à l’éviction de Mme Hasina, souhaitaient que Muhammad Yunus dirige un gouvernement intérimaire.
Le prix Nobel de la paix s’est dit prêt mardi à en prendre la tête, dans une déclaration écrite à l’AFP. « J’ai toujours mis la politique à distance (…) Mais aujourd’hui, s’il faut agir au Bangladesh, pour mon pays, et pour le courage de mon peuple alors je le ferai », a-t-il souligné, tout en appelant à l’organisation d' »élections libres ».
Muhammad Yunus a été visé par une centaines d’affaires judiciaires et a fait l’objet d’une campagne agressive menée par une organisation de prédication musulmane dirigée par l’État, qui l’a accusé de promouvoir l’homosexualité.
Le gouvernement l’a forcé à quitter la Grameen Bank en 2011, une décision contestée par M. Yunus mais confirmée par la plus haute juridiction du pays. Ses partisans ont attribué son éviction à Mme Hasina, qui l’accusait de « sucer le sang des pauvres » avec ses taux d’intérêt.
En janvier, M. Yunus et trois de ses collaborateurs ont été condamnés à six mois d’emprisonnement par un tribunal de Dacca pour avoir enfreint le droit du travail. Ils ont été libérés sous caution dans l’attente de l’appel et nient les accusations.
Les soutiens de M. Yunus comme l’ONG Amnesty International ont considéré que l’affaire était motivée par des raisons politiques.
M. Yunus est né le 28 juin 1940 dans un milieu aisé de Chittagong. Son père était un orfèvre prospère. Il a raconté qu’il avait été surtout influencé par sa mère, Sofia Khatun, qui aidait constamment les pauvres demandant la charité.
« La pauvreté était flagrante, je ne pouvais pas m’en détourner »
De retour au pays en 1971 après des études d’économie aux États-Unis, il a pris les rênes du département d’économie de l’université de Chittagong. Ses travaux ont immédiatement ciblé la pauvreté accentuée par la grande famine de 1974.
« La pauvreté était flagrante, de toutes parts, je ne pouvais m’en détourner », a-t-il raconté en 2006. « Il m’était difficile d’enseigner de belles théories d’économie dans une salle de classe universitaire (…) Il fallait que je fasse quelque chose d’immédiat pour aider les gens autour de moi ».
Selon la Fondation Nobel, sa toute première initiative a consisté à prêter son propre argent à des vanniers démunis. L’idée était de faciliter l’accès à des petits crédits aux personnes trop pauvres pour bénéficier des prêts bancaires traditionnels.
Au fil des ans, son initiative a pris la forme de la Grameen Bank, qu’il a fondée en 1983 et qui s’est développée avec succès.
« Nous avons créé un monde sans esclavage, un monde sans variole, un monde sans apartheid. Créer un monde sans pauvreté serait le plus grand de tous ces accomplissements et qui les renforcerait », prêche-t-il. « Un monde dans lequel nous pourrions tous être fiers de vivre ».
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