La tolérance au sens classique du terme reposait sur la croyance que les opinions religieuses concurrentes – même celles considérées comme fausses et absurdes – devaient être entrevues avec ouverture, car la libre expression et le débat d’idées divergentes sont essentiels à la recherche de la vérité.
Or, selon les prémisses contemporaines de la théorie postmoderne, la vérité est relative et ceux qui affirment la détenir le font par soif de pouvoir et de contrôle.
Cela peut aider à comprendre les actions juridiques actuelles visant à limiter la liberté religieuse et les libertés de pensée et d’expression qui y sont associées afin d’atteindre des objectifs politiques au nom de la « diversité » et la « tolérance ».
Le dictionnaire de Cambridge définit la tolérance comme la « volonté d’accepter des comportements et des croyances différents des siens, même si l’on n’est pas d’accord ou si l’on ne les approuve pas ». Ainsi, la vérité peut être connue, et la meilleure façon de la trouver serait d’adopter une attitude de dialogue et d’ouverture d’esprit, la liberté d’expression permettant de discerner le faux.
Personne ne peut être considéré comme libre s’il ne lui est pas possible d’exprimer librement une opinion. Il s’agit de l’essence de la tolérance, au sens classique du terme. Toutefois, le relativisme moral de notre époque remplace progressivement cette vision traditionnelle de la tolérance par une approche postmoderniste qui nie toute possibilité de vérité objective.
Le philosophe anglais John Locke a été l’un des premiers penseurs modernes à aborder la question de l’intolérance religieuse. Sa célèbre défense de la tolérance a incontestablement inspiré la rédaction de la Constitution américaine, où le libre exercice de la religion est inscrit au premier amendement.
Locke formule son éloge sur la tolérance religieuse en des termes résolument bibliques. Un thème central de ses écrits relève que l’intolérance est incompatible avec les enseignements de Jésus-Christ.
Si ni le Christ ni les apôtres n’ont forcé quiconque à entrer dans le « Royaume des cieux », Locke conclut qu’aucun gouvernement ne peut forcer les individus à embrasser la « vraie foi » et à être sauvés.
Cet éloge de la tolérance, repris par d’autres philosophes éminents de la tradition libérale classique, n’est certainement pas fondée sur un quelconque doute quant à ce qu’est la vérité ou une quelconque sympathie à l’égard d’autres croyances à tolérer.
En fait, selon Locke, même les opinions « fausses et absurdes » devraient être tolérées.
Fermer le marché des idées
Dans la conception classique, la tolérance se manifeste par la tolérance envers les opinions divergentes, car le libre échange d’idées divergentes est essentiel à la recherche de la vérité.
En revanche, les sociétés occidentales contemporaines s’éloignent progressivement du libre échange d’idées et tendent davantage vers le prémisse que toutes les idées sont également valables.
Une fois que la société glisse vers un tel postulat moralement relativiste, elle commence à se transformer en un censeur d’opinions et de déclarations allant à l’encontre de l’hypothèse selon laquelle toutes les religions sont également valables. Remettre en question un tel postulat revient à commettre un grand « péché » et à se rendre coupable de l’acte ultime d’intolérance.
Prenons l’exemple de la loi sur la tolérance raciale et religieuse (Racial and Religious Tolerance Act, RRTA) promulguée il y a vingt ans par l’État de Victoria en Australie.
Dans sa visée d’instaurer une « démocratie multiculturelle », cette loi établit que, dans le processus d’identification d’une intolérance présumée, « il n’est pas pertinent de savoir si la personne qui a porté un jugement sur la race ou la croyance ou l’activité religieuse d’une autre personne ou d’une catégorie de personnes était ou non incorrecte au moment où l’infraction est présumée avoir eu lieu ».
En d’autres termes, une personne peut commettre une « intolérance » religieuse selon la loi, même sans en avoir eu l’intention !
Ce n’est pas vraiment la « société tolérante » dans laquelle la plupart d’entre nous aimeraient vivre. Comme l’a fait remarquer Peter Kurti, chercheur principal au Centre d’études indépendantes de Sydney :
« [Les Australiens] perdent rapidement de vue les principes fondamentaux de la tolérance selon John Locke. Le concept de la tolérance a évolué pour devenir un signifiant d’acceptation et d’affirmation. Ceux qui ne s’affirment pas sont considérés comme intolérants, et ceux qui expriment des opinions ‘intolérantes’ sont condamnés pour avoir tenu un ‘discours de haine’. La dénonciation, la condamnation et l’humiliation publique sont des tactiques de plus en plus utilisées par les défenseurs des nouvelles orthodoxies. »
Pourquoi une loi telle que la RRTA de l’État de Victoria déterminerait-elle que la vérité d’une affirmation n’est pas pertinente aux fins de son application ?
Parce que cette loi aborde les affirmations de vérité d’un point de vue moralement relativiste.
Au lieu de permettre la liberté d’expression, principe cardinal de toute société tolérante, cette loi postmoderne supprime le libre échange d’idées religieuses pour atteindre certains objectifs politiques.
Être d’accord sur le fait de ne pas être d’accord est introuvable
La « tolérance » visée par ce type de loi est plutôt antidémocratique dès lors que l’on comprend que la religion est rarement une simple affaire privée. Au contraire, le discours religieux est, par nature, souvent mêlé à des opinions, des perspectives, des philosophies et des pratiques politiques.
Selon Nicholas Aroney, professeur de droit australien, « les croyances et les pratiques religieuses (ainsi que les croyances irréligieuses) ne sont pas rares à alimenter les perspectives, les philosophies et les pratiques politiques ou à y être liées ».
Cependant, certaines lois anti-discrimination sont imbriquées aux principes fondamentaux de la philosophie postmoderne. Ces lois sont conçues pour supprimer tout discours pouvant subjectivement être interprété comme une incitation à la haine envers certaines catégories de personnes à protéger.
Comme le notent Alexander Millard et John Steenhof, deux avocats australiens de la Human Rights Law Alliance, « ces lois se sont révélées être des outils tyranniques qui ne tiennent pas compte de la vérité et de l’importance d’un débat public ouvert pour [maintenir] une société démocratique saine et florissante ».
Naturellement, il n’est pas difficile de soutenir le discours de ceux qui pensent et agissent comme nous. Le problème se pose lorsqu’il y a fervent désaccord. C’est à ce moment que le niveau de tolérance d’une personne peut être réellement mis à l’épreuve.
Aussi important que soit le droit à la liberté religieuse, il est également important que la protection de cette liberté n’implique pas une quelconque forme de loi sur le blasphème qui supprime le droit d’une autre personne de critiquer, de nier et même de ridiculiser toute croyance ou exercice religieux, tant que cela est fait sans incitation à la violence.
En conclusion, la tolérance au sens classique du terme a été violée par cette législation postmoderne.
Les dogmes postmodernes selon lesquels la vérité est toujours relative ont clairement justifié les efforts juridiques contemporains visant à limiter la liberté religieuse au nom de la promotion d’une prétendue « diversité » et d’une prétendue « tolérance ».
Il est permis de penser que ces efforts visant à proscrire la liberté d’expression au nom de la promotion de la « nouvelle tolérance » de la diversité, et qui cherchent à protéger les croyances de certains groupes contre la remise en question par des opinions et des contre-visions « offensantes », ne sont rien d’autre qu’une perversion complète de la signification authentique de la tolérance.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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