Benjamin Netanyahu forme une coalition avec les ultra-nationalistes

25 mai 2016 07:00 Mis à jour: 25 mai 2016 10:30

Le Premier ministre israélien a pris de court tous les analystes ainsi que la communauté internationale en choisissant le 22 mai de nommer l’ultranationaliste Avigdor Lieberman au ministère de la Défense, dans un effort pour créer une coalition qui devrait lui permettre de garder les rênes du pouvoir. La surprise est d’autant plus grande en Israël que les négociations étaient très avancées avec Isaac Herzog, le dirigeant du parti de centre-gauche Union Sioniste, également chef de l’opposition à la Knesset, le Parlement israélien.

Real-politik et le cas Lieberman

Netanyahu fait face au besoin critique de renforcer sa fragile coalition, dominée par des partis religieux et par la droite radicale israélienne. Jusqu’à la semaine dernière, il ne disposait que de 61 voix à la Knesset (qui comprend 120 députés) ; son accord avec le parti Yisrael Beiteinu (« Israël notre maison ») et avec le médiatique Avigdor Lieberman, lui permet d’en sécuriser 67. Lieberman a déjà été ministre des Affaires étrangères dans deux précédents gouvernements Netanyahu, et est un personnage médiatique et polarisant dont les remarques tranchées ont fait la réputation. Favorable à la peine de mort pour les Palestiniens convaincus de terrorisme, il pense aussi nécessaire d’attaquer la bande de Gaza pour y éliminer complètement le Hamas, et a évoqué l’idée de décapiter les « traîtres» parmi les arabes israéliens. À la différence de certains membres du Likoud de Netanyahu, et en particulier du ministre de la Défense sortant, Lieberman est par contre favorable à la création d’un État palestinien – ce qui ne l’a pas empêché de qualifier de « terrorisme diplomatique » la campagne du dirigeant de l’autorité palestinienne Mahmoud Abbas pour obtenir le statut d’État devant les Nations unies. Enfin, et c’est peut-être l’une des explications de sa position ouverte sur la création d’un État palestinien, l’imprégnation religieuse de sa vision politique lui fait proposer de transférer les populations arabes israéliennes dans les zones sous contrôle palestinien afin de créer un État d’Israël purement juif.

En 2015, M. Lieberman avait refusé de faire campagne conjointe avec le Likoud, puis de rejoindre le gouvernement Netanyahu, sur lequel il n’avait, jusqu’au milieu du mois de mai, pas tempéré ses critiques. Ses éclats de voix ne compensaient cependant pas la baisse de représentation du parti Yisrael Beiteinu à la Knesset, qui est passé de 15 sièges en 2009 à 6 en 2015.

La nouvelle coalition gouvernementale est une surprise d’autant plus grande qu’il y a un mois à peine, le Likoud et Yisrael Beiteinu étaient à couteaux tirés : après des tirs de roquettes depuis Gaza, Lieberman avait exigé une action militaire d’envergure dans la bande, et avait en réponse été raillé sur son absence d’expérience militaire. « La seule chose qui ait jamais sifflé près de ses oreilles est une balle de tennis », grinçait le Likoud dans sa réponse, en ajoutant que Lieberman « n’a jamais emmené un seul homme à la bataille et n’a jamais pris, de toute sa vie, une seule décision opérationnelle ».

Le changement brutal de position de Netanyahu n’est pas digéré par tous au sein du Likoud. À la télévision Channel2, Benny Begin, membre de la Knesset et du Likoud, brise le silence en indiquant que la nomination de Lieberman est « une absurdité » : « Tout ce qu’il a pu faire à ce jour montre une irresponsabilité complète vis-à-vis de la sécurité et de tous les citoyens d’Israël ».

Annonce de la démission de Moshe Ya’alon

Illustration supplémentaire de l’agitation au sein du Likoud, dès l’annonce des négociations avec Yisrael Beiteinu, vendredi 20 mai, le ministre de la Défense Moshe Ya’alon a démissionné de son poste, portefeuille ministériel le plus important dans le gouvernement israélien : « J’ai dit au Premier ministre ce matin que, du fait de sa conduite récente, et du fait de mon absence de confiance en lui, je démissionnerai à la fois du gouvernement et de la Knesset pour prendre une pause dans ma vie politique », a-t-il expliqué sur Twitter.

La nomination de Lieberman est « une absurdité ».

-Benny Begin, membre de la Knesset et du Likoud

Cette mise en retrait de la vie politique n’est cependant que provisoire, l’objectif étant de se préparer à un nouveau combat contre « l’extrémisme, la violence et le racisme dans la société israélienne, qui menacent les capacités de guérison nationale ».

« Je n’ai donc pas l’intention de quitter la vie politique et publique, et reviendrai dans le futur pour le gouvernement d’IsraëI », a ajouté Ya’alon dans une intervention devant les médias, à laquelle participait le Wall Street Journal.

Le chemin à venir

Benjamin Netanyahu a répondu publiquement au message de Ya’alon et regretté que celui-ci ait refusé le poste de ministre des Affaires étrangères qui lui était offert. Le Premier ministre en a profité pour nier toute « crise de confiance » entre les deux hommes et expliqué avoir eu « besoin d’élargir le gouvernement, pour amener la stabilité à Israël ».

Le remaniement gouvernemental intervient en pleines négociations d’Israël avec les États-Unis sur la poursuite des transferts de technologies militaires américains qui permettent à Israël de maintenir un niveau d’armement très supérieur au reste de la région. Le départ de M. Ya’alon, très respecté dans l’armée israélienne qu’il a dirigée, pourrait être un frein à ce processus. « C’est un triste jour pour Israël, qui a perdu un guerrier porteur de principes moraux, un des meilleurs ministres de la Défense que le pays ait eu », a commenté pour le site Defensenews.com le Général Eyal Ben-Reuven, membre de la Knesset du parti Union Sioniste. Mais les commentaires les plus vigoureux sont venus par l’ancien Premier ministre Ehud Barak qui, interviewé par Channel 10, a tiré à boulets rouges sur Benjamin Netanyahu : « Nous avons déjà subi les conséquences de ministres de la Défense mal nommés. Nous aurons à payer le prix de cette nomination, et je prie pour qu’il ne soit pas trop lourd. » Continuant sur sa lancée alarmiste, M. Barak a indiqué que « le ministre de la Défense sortant, Moshe Ya’alon, a été la victime d’une purge. Vous verrez que dans les premiers mois, Lieberman donnera une impression de modération. Mais tôt ou tard, cependant, vous verrez le prix que nous devrons payer. » – « Des extrémistes ont pris le pouvoir en Israël », conclut-il.

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