Un berger, bâton à la main, chien au pied, surveille des brebis réparties à flanc de montagne dans une vallée alpine. Cette image de carte postale cache souvent des conditions de travail et de logement qui ont du mal à évoluer.
Étienne Jobard et Simon Thomas, 33 ans, commencent leurs cinq mois de gardiens de troupeau dans le vallon sauvage du Fournel, qui s’étend le long d’une rivière encaissée entre montagnes boisées et sommets enneigés dans le parc national des Écrins.
Ils passeront un mois et demi, entre le printemps et l’automne, dans une cabane vieillotte de 40m2 sommairement équipée : lits superposés, gazinière, antique cuisinière à bois, table et placard à provision.
A côté, une pièce dédiée au matériel : produits vétérinaires pour les 1500 brebis et quelques chèvres, croquettes pour 11 chiens, bonbonnes de gaz… Une cabane de 5m2 sert de deuxième chambre.
« Avoir un minimum de confort, ce n’est pas du luxe, c’est de la dignité »
Ce qu’ils demandent ? « Une douche, des chiottes, l’eau courante à l’intérieur », résume Simon Thomas.
L’eau, qu’ils ramènent avec des bidons, vient d’un chalet voisin. Ils se lavent en plein air avec une douche solaire portative, chaude uniquement par beau temps. Une chaise percée au-dessus d’un trou creusé au sol fait office de toilettes.
« Avoir un minimum de confort, ce n’est pas du luxe, c’est de la dignité », considère Étienne Jobard, en soulignant les lourds horaires de travail, de 5-6h du matin à 22-23h, et les heures de marche pour faire pâturer les animaux dans des terrains escarpés.
Xavier Belakhosvsky, 58 ans, dont 36 comme berger, a vu les choses évoluer. « Quand j’étais jeune, je m’en foutais, je voulais de la rusticité », témoigne-t-il à l’AFP. Mais « avec l’âge, le logement est devenu important ».
« Quand on reste sale, ce n’est pas bon pour le moral »
Si les bergers sont des amoureux de la montagne et des animaux, « quand on reste sale, ce n’est pas bon pour le moral », complète-t-il depuis son alpage dans le Mercantour.
Les bergers salariés, payés par les éleveurs pour garder leurs bêtes, ont « un métier très précaire », explique Olivier Bonnet, coordinateur au Centre d’études et de réalisations pastorales Alpes-Méditerranée (Cerpam).
Avec le retour du loup, le travail se fait souvent en binôme dans des cabanes parfois conçues pour une personne. Il a fallu installer des abris dans les pâturages les plus en altitude. Transportés par hélicoptère, ils font à peine quelques mètres carrés.
La région Provence-Alpes-Côte d’Azur, l’Isère et la Drôme comptent un millier de ces cabanes, dont « 80% nécessitent des travaux plus ou moins urgents si on veut les mettre aux normes », indique Olivier Bonnet. S’il existe une politique de rénovation depuis 25 ans, il reste « un rattrapage ».
Les travaux, subventionnés à 75%, voire 100%, peuvent être complexes car ces logements appartiennent rarement aux éleveurs, mais aux communes rurales, à l’Office national des forêts (ONF) ou à des particuliers.
De nouvelles cabanes de berger en Ariège
En Ariège, la problématique de la prédation n’est pas la source du problème mais tend à l’accentuer localement, admet Christophe Cambou, directeur de la fédération pastorale de l’Ariège. « Pour les bergers en estive, les besoins en hébergement sont avant tout liés au fort développement de l’emploi explique ce dernier, ce dont on a fait part à Émilie Bonnivard lors de sa venue dans le département fin 2021. En Ariège, on compte en effet aujourd’hui 90 équivalents temps plein en estive ce qui représente à peu près 110 bergers vachers – contre 45 en 2007. » Mais bien sûr, la présence d’ours sur le territoire rend ce besoin encore plus urgent. « Certains quartiers éloignés des cabanes principales nécessitent d’avoir des abris secondaires. »
Et à Pravouta
« Un berger reposé, c’est un berger d’attaque pour travailler »
Vincent Bellot, patron des deux jeunes bergers, appuie leur demande d’amélioration du logement. « Un berger reposé, c’est un berger d’attaque pour travailler », indique l’éleveur en faisant ses foins. Il sait aussi qu’aux yeux de l’inspection du travail, il est responsable des conditions d’hébergement.
La mairie d’Argentière-la-Bessée (Hautes-Alpes), propriétaire de la cabane, a un budget de 200.000 euros sur dix ans pour ces travaux, qui ont déjà servi à faire construire deux autres cabanes, indique Sandrine Reymond, adjointe au maire. « On essaye de satisfaire tout le monde mais ce n’est pas évident » avec un budget contraint, dit-elle.
« Je ne me sens pas respectée »
Marie, bergère dans l’Isère, veut aussi « la fin du travail gratuit ». Pendant cinq mois cet été, elle prévoit d’être sur le pont « sept jours sur sept », avec une seule pause de quatre jours, quand son contrat prévoit 44 heures de travail et un jour de repos hebdomadaire. « Je ne me sens pas respectée », raconte la femme de 35 ans.
Si la rémunération peut dépasser 2000 nets mensuels, elle englobe les congés payés et des primes. Ramené au taux horaire », « on est payé au Smic la plupart du temps », dénonce-t-elle, quand les salaires sont subventionnés à 80% dans les zones de présence des loups.
Marie explique continuer ce métier passion grâce au soutien des syndicats de troupeaux (SGT) qui depuis quelques années, portent les voix de ces « travailleurs isolés ».
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