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Bernard Debré : « Former des gens, les aider, les servir »

janvier 27, 2016 9:58, Last Updated: janvier 31, 2016 11:56
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Bernard Debré, professeur d’urologie et homme politique, a publié le 10 janvier Un homme d’action, son autobiographie. Petit-fils de Robert Debré, l’un des fondateurs de l’Unicef, fils de Michel Debré, ancien Premier ministre et rédacteur de la Constitution de la Ve République, et frère jumeau de Jean-Louis Debré, actuel Président du Conseil constitutionnel, son parcours l’a mené des salles d’opération des hôpitaux aux fonctions ministérielles et parlementaires. Connu tant pour son engagement dans de nombreuses missions humanitaires à l’étranger que pour son franc-parler, Bernard Debré nous a éclairé sur certaines de ses prises de position actuelles.

Vous avez été l’un des premiers à vivement réagir en 2009, dès l’annonce de la commande de 95 millions de vaccins antigrippe A, en plus de 35 millions de réserves. La peur d’un virus déclenchant une pandémie est-elle encore d’actualité en France ? Les leçons de 2009 sur la gestion de ce genre de cas ont-elles été tirées ?

On a effectivement toujours peur d’un virus qui serait un virus mutant d’un virus normal, ou une chimère – ce qui s’est passé pour H1n1, et qui deviendrait extrêmement résistant. En ce qui concerne les politiques, au sujet des virus… je leur demanderais gentiment qu’ils se mêlent de leurs affaires et qu’ils laissent les médecins, bactériologistes et épidémiologistes travailler. On a vu ce que cela donnait : nous avons été en France le premier pays au monde à faire des réserves de Tamiflu alors que l’on savait que cela ne servirait à rien. Quand les politiques ont voulu s’en mêler, peut-être pour une question de gloire, cela a été la catastrophe. Les médecins, les épidémiologistes qui étaient là, c’est à eux de prendre en main un certain nombre de décisions et de les faire bien sûr avaliser, s’il le faut, par les politiques. Ce n’est pas aux politiques de prendre une décision. Ils n’y connaissent rien, la preuve.

Il y a également la peur d’une super bactérie qui résisterait à tous les antibiotiques… Est-ce la même chose ?

C’est très différent. Les virus sont contagieux. Les bactéries, ce sont des microbes. Il y en a certains, comme le staphylocoque, les streptocoques, etc. qui ne sont pas contagieux tel qu’on se l’imagine. Il y a des risques effectivement que certains microbes deviennent multi résistants, donc là, on peut avoir effectivement un certain nombre de problèmes à l’hôpital public, mais en réalité ce ne sont pas du tout les mêmes approches.

Il faut faire très attention, effectivement, parce qu’il peut y avoir dans certaines zones des microbes multi-résistants qui peuvent entraîner la mort. Mais nous avons encore des médicaments qui sont actifs, des groupes de médicaments, des multitraitements.

C’est un problème beaucoup, beaucoup moins grave en théorie qu’un virus muté tels qu’on les a vus. Alors oui, nous avons des recherches à faire sur les microbes, ces recherches avancent et il n’est pas impossible que nous trouvions grâce au génie génétique un certains nombre d’antibiotiques ou de médicaments qui bloquent le microbe, quel qu’il soit. On aurait donc une solution à la résistance multiple de certains microbes. Mais nous sommes toujours très anxieux à propos d’un certains nombres de virus qui pourraient se diffuser largement.

Vous aviez écrit en 2013 le guide des 4 000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux, un livre à succès qui a suscité une controverse dans certains milieux. 42 acteurs du monde médical, en lien avec l’industrie pharmaceutique, ont ensuite sorti un livre-réponse critiquant votre travail.

Le Conseil de l’Ordre nous avait condamnés, puis il est revenu totalement sur sa condamnation, la supprimant. Pourquoi ? Parce que tout le monde a le droit d’écrire un livre sur la médecine ! Il y en a tous les jours des dizaines et des dizaines, plus ou moins bien d’ailleurs. Comment maigrir, comment grossir, comment mieux vieillir, mieux manger… Il y a beaucoup d’arnaques et personne ne dit rien ! Il y a des médecins qui passent à la TV tous les jours pour dire « je vais vous donner le menu » sans que le Conseil de l’Ordre n’ait jamais rien dit.

De plus, nous avions dit ce que nous pensions d’un certain nombre de médicaments et tout s’est révélé exact, sans aucune exception. D’ailleurs, certains médicaments ont depuis été supprimés. Aujourd’hui encore, nous en avons eu la démonstration avec l’expérimentation dramatique qui a eu lieu à Rennes (l’accident thérapeutique qui est survenu lors d’essais cliniques en phase 1, cinq patients sont dans un état grave et un est mort, ndr). Nous avions déjà tiré la sonnette d’alarme sur ce type de médicaments, un inhibiteur cannabinoïde, ou les statines (médicament anticholestérol, ndr). On nous a répondu : « Monsieur, c’est absolument scandaleux ! »

Eh bien, toutes les grandes universités du monde nous ont donné raison. Même des prix Nobel ! Nous avons eu raison d’écrire cet ouvrage. 30 ou 40 médecins ont écrit un livre pour essayer de faire plaisir aux laboratoires.

Ils n’y sont pas arrivés car le livre ne s’est pas vraiment vendu. Les laboratoires avaient demandé que les médicaments ne soient pas attaqués. Il y avait quand même plusieurs grands noms parmi les auteurs, dont un qui avait été jusqu’à présent l’un des directeurs de l’Agence française de sécurité alimentaire et sanitaire (ANSES) et qui était dans une situation un peu louche parce qu’il disait qu’il était libre de tout lien avec un laboratoire, sauf que sa femme était vice-présidente ou très haut placée dans un laboratoire.

Un autre nous avait attaqués, alors que c’était un prescripteur du Médiator. Nous avons ses ordonnances : tout cela n’était pas très net. Cela a fait un flop de leur côté, alors je ne vais pas tirer sur les ambulances. Nous avons eu raison sur à peu près tout mais il reste encore des points à éclaircir.

Vous vous interrogez aussi sur la place et l’usage des médicaments antidépresseurs…

Ces médicaments peuvent entraîner des suicides et des meurtres. C’est l’histoire du pilote de la Germanwings (qui avait écrasé son avion dans les Alpes en 2015, ndr), il prenait des antidépresseurs. C’est l’histoire de John Virapen, ancien patron repenti du laboratoire Eli Lilly en Suède, qui a publié un livre sur le Prozac, Médicaments : effets secondaires, la mort.

Nous sommes en train de travailler sur un certain nombre d’effets secondaires de médicaments antidépresseurs qui n’ont jamais, jamais fait l’objet de publications alors que, tenez vous bien… dans les études pratiquées par les grands laboratoires, tout a été marqué, mais tout a été dissimulé ! Et j’ajoute qu’il y a eu un procès contre GlaxoSmithKline qui a été fait aux États-Unis. GSK a été condamné à payer 3 milliards de dollars parce qu’il avait dissimulé des résultats. Donc, sans vouloir avoir la vérité sur tout, nous sommes, avec Philippe Even et ceux qui nous ont rejoints, extrêmement préoccupés par l’évolution de la médecine.

Nous avons travaillé sur ce problème qui vient d’arriver à Rennes, au sujet de cet homme qui est mort en phase 1 : nous sommes très perplexes, parce que le laboratoire Dial, que l’on dit être un grand laboratoire, est en fait un micro-laboratoire, 75 personnes, soit 1/4000e du poids de Sanofi. Comment se fait-il que ce laboratoire ait pu faire des phases précliniques ? ce n’est pas possible.

Ensuite, on nous explique que la molécule a été inventée au Portugal, est partie en Hongrie où elle a été façonnée, en Italie, pour être expérimentée à Rennes. C’est un produit qui a déjà été retiré par les Américains et par Sanofi sur le marché. Quand on regarde sur le tableau d’affichage de l’agence nationale de sécurité du médicament, l’ANSM, on ne voit pas ce médicament, on ne voit pas cette expérimentation, c’est très bizarre…

L’année dernière, il y a eu un débat sur la nationalisation des corps par rapport au don d’organe. Une loi sur la santé (amendement 46 TER) ferait de tous les Français majeurs des donneurs d’organes présumés consentant à moins qu’il n’y ait un refus exprimé. Qu’en pensez-vous ?

J’y suis violemment opposé ! J’ai déjà fait des transplantations, donc je connais cette affaire : dans ce domaine, c’est toujours très délicat. Il vaut voir le contexte : ce sont généralement des jeunes, qui meurent brutalement. Il faut l’annoncer à la famille, c’est très difficile. Mais là, vous imaginez qu’on va dire à la famille : « Votre frère est mort, mais on va prélever des organes… on vous prévient, vous n’avez rien à dire ! » Et si la famille ne veut pas, que va-t-elle faire, va-t-elle tambouriner contre la porte de la salle d’opération pendant qu’on opère ?

Il suffit de parler, d’expliquer, de compatir et cela se passe quasiment toujours bien. Mais là… s’imaginer que le corps appartienne à l’État sans que la famille n’ait rien à dire, c’est du totalitarisme ! Je le regrette infiniment, mais il y a des religions, il y a des croyances, des volontés. Le fait que l’on s’inscrive, pendant que l’on est encore en vie, sur un registre en donnant son accord, bien sûr qu’il faut le faire et le développer. C’est là un acte altruiste. Mais quand on ne l’a pas fait, il ne faut pas y toucher. Quand on prélève, il faut faire attention à la famille, avoir un minimum d’humanité, c’est la moindre des choses.

Il y a pire, car maintenant il y a une registre des refus. C’est stigmatisant, c’est comme de dire : « Ah monsieur, vous êtes inscrit sur la listes des refus, vous refusez de donner vos organes…? » C’est scandaleux ! On est dans le totalitarisme. Mais ce ne sera pas applicable. Comment voulez-vous… moi, en tant que médecin préleveur, si je dis à la famille : « Je me fiche de vous, je prélève », je me fais assassiner par la famille.

Vous avez connu un tel cas ?

Bien sûr, j’avais une belle-sœur qui est tombée dans la rue, elle a eu une rupture d’anévrisme. Et le médecin ne savais pas qui j’étais – j’étais déjà professeur à l’époque – et il me dit : « La loi Caillavet m’autorise à prélever donc je vous préviens, je prélèverai ». Je lui ai répondu : « Viens ici. D’abord je suis professeur d’université, je suis chef de service alors tu vas me parler autrement. Je lui dis que bien sûr j’accepterai, mais si tu commences à parler aux familles en disant «je, je, je, vous n’avez pas le droit de dire quoi que ce soit », ça ne va pas. Il y a effectivement la loi Caillavet, mais c’est inacceptable de parler aux gens comme cela. J’ai fait des prélèvements, puis des greffes. Quand on prélève, on fait toujours très attention à la famille.

Quels sont les enjeux qui vous préoccupent à présent ? Y a-t-il une autre cause, un objectif qui vous attend ?

En ce moment, il y a des problèmes à court terme, comme la déchéance de nationalité. C’est une absurdité, pour une raison relativement simple : c’est déjà écrit dans la loi. Je ne vois pas pourquoi on en fait toute une tartine pour le mettre dans la Constitution, ce qui ne change absolument rien, et ce serait plus dangereux qu’on ne le croit. Mon objectif, pour plus tard, pour plus longtemps, c’est de continuer à former des gens, à les aider, à les servir. Comme je l’ai toujours fait. Je vais dans les hôpitaux, je rends visite aux malades, je vais en Chine, dans d’autres pays. Je n’ai pas d’autres objectifs, si ce n’est aider.

 

Un homme d’action : de l’hôpital à la politique, Bernard Debré, Editions Stock, 22 €.(Aucune)

 

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