Après l’annonce d’une spectaculaire alliance militaire dans la zone indo- pacifique, Joe Biden continue à avancer ses pions dans la région, mais dans un format plus « informel », en recevant vendredi les Premiers ministres d’Inde, du Japon et d’Australie.
Le président américain, en quête d’alliances face à la Chine, veut réveiller ce format diplomatique, dit « Quad ».
Après un sommet virtuel en mars, il le réunit donc à nouveau, pour la première fois en personne et à si haut niveau. Sont invités Scott Morrison (Australie), qu’il a déjà rencontré en tête-à-tête cette semaine, Narendra Modi (Inde) et Yoshihide Suga (Japon), auxquels il consacrera aussi des entretiens bilatéraux vendredi.
Nul doute que Paris, pris de court par l’annonce toute fraîche d’une alliance militaire entre Etats-Unis, Australie et Royaume-Uni, suivra de près le duo Biden-Modi, à l’heure où la France compte beaucoup sur l’Inde comme partenaire dans la région.
Ebauché après le tsunami dévastateur de 2004 et formalisé en 2007, le « Dialogue quadrilatéral de sécurité » a longtemps été somnolent.
Présenter le « Quad » sous un jour consensuel
En le ranimant, Joe Biden poursuit en quelque sorte le « pivot vers l’Asie » de la politique étrangère américaine, déjà cher à Barack Obama.
Mais après l’annonce spectaculaire du partenariat militaire AUKUS avec le Royaume-Uni et l’Australie – et de son contrat de sous-marins qui a fait enrager la France – Washington veut présenter le « Quad » sous un jour consensuel.
Il s’agit d’un cénacle « informel » et « intime » destiné à « développer de meilleurs canaux de communication », ont indiqué de hauts responsables de la Maison Blanche lors d’un entretien avec des journalistes.
Il n’y a pas de visée « militaire » ont-ils martelé, assurant que le « Quad » serait « complémentaire » d’autres initiatives régionales, en réponse à une question sur son articulation avec l’ASEAN.
L’ASEAN redoute l’offensive américaine
Certains membres de cette organisation réunissant dix nations de l’Asie du Sud-Est redoutent en effet que l’offensive américaine dans la région ne conduise à une escalade avec la Chine.
Vendredi, selon les hauts responsables, le « Quad » devrait surtout insister sur des chantiers économiques, environnementaux, et sur la lutte contre la pandémie.
Les quatre partenaires veulent lancer une initiative pour protéger les approvisionnements de semi-conducteurs, ces composants électroniques indispensables tant aux machines à laver qu’aux avions ou aux smartphones, que nombre d’industriels dans le monde peinent à se procurer actuellement.
Ils entendent aussi parler, en vrac, de 5G, de cybersécurité, d’échanges universitaires, de projets dans l’espace, de pêche, de vaccins…
« Pour Washington, le défi est de dépasser le seul paradigme sécuritaire et d’améliorer nettement la position économique de l’Amérique en Asie du Sud-Est », estime Jonathan Stromseth, spécialiste de la région, dans une note publiée par l’institut de réflexion Brookings.
Prendre face à la Chine des positions franches
Il estime que l’effort pour ranimer le « Quad » est « emblématique » de « l’approche de l’administration Biden face à la Chine, présentée comme concurrentielle quand il le faut, coopérative quand c’est possible, et dans la confrontation quand c’est nécessaire. »
Joe Biden, s’il a gardé face à la Chine une ligne dure peu ou prou comparable à celle de Donald Trump, aborde différemment la confrontation avec Pékin.
Le président américain, qui veut dépasser le seul face-à-face entre les deux super- puissances, espère réveiller le jeu des alliances, et inciter ses partenaires traditionnels à prendre face à la Chine des positions franches.
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