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Biden s’appuie sur les politiques de Trump pour se montrer plus sévère à l’égard de la Chine

Les droits de douane sont un outil efficace, mais les États-Unis doivent également développer une "stratégie géopolitique d'envergure et cohérente" pour faire face à Pékin, estiment les experts
mai 20, 2024 3:42, Last Updated: mai 20, 2024 18:50
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Le 14 mai, l’administration Biden a annoncé son intention d’augmenter de manière significative les droits de douane sur les véhicules électriques chinois, les puces, les produits en acier et en aluminium, les batteries lithium-ion, les cellules photovoltaïques et les fournitures médicales.

Selon des responsables de la Maison-Blanche, les droits de douane s’appliquent à environ 18 milliards de dollars (16,5 milliards d’euros) d’importations annuelles en provenance de Chine et augmenteront jusqu’à 25 %, soit le triple du niveau actuel, selon un calendrier échelonné entre 2024 et 2026.

Les responsables ont également indiqué que tous les droits de douane existants prélevés sous l’administration Trump – sur environ 300 milliards de dollars (275 milliards d’euros) de marchandises en provenance de Chine par an – resteront en place, voire augmenteront.

Le total des importations américaines en provenance de Chine s’élevait à environ 430 milliards de dollars en 2023, selon le Census Bureau.

La représentante américaine au Commerce, Katherine Tai, a déclaré que la dépendance de la chaîne d’approvisionnement à l’égard de la Chine rendait l’ensemble de l’économie américaine « sensible » à la coercition du régime chinois, qui est « prêt à utiliser ces dépendances à des fins militaires ».

Les nouveaux droits de douane ne s’appliquent pas aux importations de marques chinoises expédiées depuis un pays tiers, comme les véhicules électriques chinois produits au Mexique. Le 14 mai, Mme Tai a demandé aux journalistes de « rester à l’écoute » sur cette question, suggérant que l’administration pourrait prendre d’autres mesures.

« L’idée que l’on pouvait avoir un commerce ouvert illimité avec la Chine, sans courir de risque, a disparu », a déclaré James Lewis, directeur du programme des technologies stratégiques au centre d’études stratégiques et internationales (Center for Strategic and International Studies), un groupe de réflexion.

Selon lui, l’administration Biden a fait du bon travail en reconnaissant que « la technologie et l’économie sont aussi importantes, sinon plus, que la puissance militaire traditionnelle » et qu’il est nécessaire de restreindre l’accès de la Chine à ces technologies.

« Ce sont les deux choses les plus importantes : reconstruire des partenariats pour soutenir un ordre fondé sur des règles et réduire les liens technologiques avec la Chine », a déclaré M. Lewis à Epoch Times.

Lael Brainard, directrice du Conseil économique national, a déclaré aux journalistes, lors d’un appel téléphonique précédant l’annonce, que l’augmentation des droits de douane était conforme à la politique du président Joe Biden, qui consiste à « gérer de manière responsable la concurrence avec la Chine ».

Elle a ajouté que l’administration travaillait avec d’autres pays pour « répondre à nos préoccupations communes concernant les pratiques déloyales de la Chine ».

« La Chine utilise le même schéma que par le passé pour alimenter sa propre croissance au détriment des autres en continuant à investir, malgré une capacité chinoise excédentaire, et en inondant les marchés mondiaux d’exportations dont le prix est sous-évalué en raison de pratiques déloyales », a poursuivi Mme Brainard.

« La Chine est tout simplement trop grande pour respecter ses propres règles. »

Stephen Ezell, vice-président chargé de la politique mondiale d’innovation au sein du groupe de réflexion Information Technology and Innovation Foundation, basé à Washington, a déclaré à Epoch Times que la hausse des droits de douane « montre certainement que l’administration Biden est prête à se montrer plus sévère à l’égard de la Chine […], en particulier dans les secteurs des technologies de pointe qui sont très importants pour l’économie et la sécurité nationale des États-Unis ».

Il a révélé que les nouvelles politiques tarifaires représentaient « un renforcement significatif de la position de l’administration Biden sur la Chine par rapport à ce qu’elle était certainement au début de son mandat ».

Lors de sa campagne pour l’élection présidentielle de 2020, Joe Biden, alors candidat, avait critiqué les droits de douane appliqués par le président Donald Trump sur les produits chinois et s’était engagé à les supprimer s’il prenait ses fonctions. Cependant, il les a tous maintenus.

Je pense que cette administration ne dispose toujours pas d’une stratégie globale associant l’économie, la sécurité nationale et la politique commerciale.
— Stephen Ezell, vice-président chargé de la politique mondiale d'innovation, Information Technology and Innovation Foundation

Christopher Balding, expert de l’économie chinoise à la Henry Jackson Society, un groupe de réflexion basé au Royaume-Uni, a déclaré que les nouveaux droits de douane étaient « très compréhensibles », car les droits de douane ne sont qu’un dispositif d’une boîte à outils limitée, s’agissant de lutter contre les pratiques commerciales déloyales de la Chine.

MM. Ezell et Balding considèrent tous deux que l’augmentation des droits de douane est un pas dans la bonne direction, mais que les droits de douane ne sont qu’un élément d’une stratégie plus large.

M. Ezell a déclaré qu’il aimerait voir une « grande stratégie géopolitique cohérente » sur la manière dont les États-Unis et leurs alliés font face à la menace chinoise.

« Je pense que cette administration ne dispose toujours pas d’une stratégie globale associant l’économie, la sécurité nationale et la politique commerciale. J’aimerais qu’elle le fasse. »

Le président Joe Biden annonce de nouvelles mesures pour protéger les travailleurs et les entreprises américaines des pratiques commerciales déloyales de la Chine, dans le Rose Garden de la Maison-Blanche, le 14 mai 2024. (Mandel Ngan/AFP via Getty Images)

Étouffer la Chine

Outre les pénuries de fournitures médicales, la pandémie de Covid-19 a révélé la dépendance des États-Unis à l’égard de la Chine en ce qui concerne les puces électroniques – qui sont à la base de tout, allant des smartphones aux avions de chasse. Les confinements imposés par le gouvernement pendant la pandémie ont entraîné des retards dans les expéditions et la congestion des ports, ce qui a réduit l’offre. La construction automobile américaine a également été ralentie par la pénurie de puces.

En août 2022, le Congrès a adopté la loi bipartisane CHIPS and Science Act, soutenue par le président Biden, qui a promis près de 53 milliards de dollars (49 milliards d’euros) aux fabricants nationaux de semi-conducteurs. Le bureau du programme CHIPs a depuis annoncé environ 30 milliards de dollars (27 milliards d’euros) de subventions et 25 milliards de dollars (23 milliards d’euros) de prêts aux fabricants de semi-conducteurs.

Le renforcement de la capacité nationale en matière de semi-conducteurs est un élément clé de la tentative de l’administration Biden de « surpasser » la Chine.

Parallèlement, la Maison-Blanche a intensifié ses efforts en matière de sécurité nationale afin de bloquer le flux de technologies sensibles vers la Chine.

En octobre 2022, l’administration a mis en place de nouveaux contrôles d’exportation radicaux afin de restreindre l’accès de la Chine aux puces semi-conductrices de pointe fabriquées à partir de technologies américaines, que ces puces soient ou non fabriquées aux États-Unis. L’objectif était de bloquer l’accès de l’armée chinoise à cette technologie critique au cœur des systèmes d’armes avancés.

Des employés fabriquent des puces dans une usine de semi-conducteurs à Nantong, dans la province de Jiangsu, dans l’est de la Chine, le 17 mars 2021. (STR/AFP via Getty Images)

Un an plus tard, l’administration a considérablement renforcé ces contrôles à l’exportation en abaissant le seuil de performance pour englober davantage de puces et en élargissant la liste des équipements à semi-conducteurs contrôlés pour s’aligner sur l’accord trilatéral que les États-Unis ont conclu avec le Japon et les Pays-Bas.

Au début de l’année 2023, lorsque M. Ezell a lu des rapports selon lesquels le principal institut de recherche sur les armes nucléaires de Chine devait acheter des ordinateurs personnels par l’intermédiaire de tiers pour utiliser leurs puces en raison des contrôles américains sur les exportations de semi-conducteurs, il a considéré qu’il s’agissait d’une « victoire ».

« Nous ralentissons la capacité de la Chine à concevoir des armes nucléaires. C’est une victoire pour le contrôle des exportations américaines. »

Le CHIPS Act a également encouragé les investissements privés dans les semi-conducteurs aux États-Unis, que l’association industrielle des semi-conducteurs (Semiconductor Industry Association) estime à plus de 200 milliards de dollars (184 milliards d’euros).

Le campus de fabrication de puces électroniques de Micron Technology Inc., dans le centre de l’État de New York, représente un investissement historique de 100 milliards de dollars (92 milliards d’euros). Le mois dernier, l’entreprise a obtenu une subvention fédérale de 6,1 milliards de dollars pour ce projet (5,6 milliards d’euros).

Toutefois, selon William Lee, économiste en chef du Milken Institute, un groupe de réflexion économique basé en Californie, les gagnants choisis par le gouvernement peuvent ou non l’emporter sur le marché.

Des années de subventions importantes en Chine rendent difficile la concurrence avec ces entreprises d’État.

Des produits semi-conducteurs Maxone sont présentés lors d’une exposition à Shanghai le 22 mars 2024. (Rebecca Bailey/AFP via Getty Images)

« Chaque administration, qu’il s’agisse de Biden ou de Trump, ou quel que soit le vainqueur de la prochaine élection, si elle veut lutter contre la concurrence de la Chine en subventionnant ou en créant davantage de délocalisations, devra dépenser beaucoup d’argent, parce qu’à l’heure actuelle, il n’y a pratiquement pas de producteurs américains », a déclaré M. Lee à Epoch Times.

Les États-Unis ont développé la technologie des semi-conducteurs, mais ont externalisé la fabrication et l’emballage vers d’autres pays. Taïwan, la Corée du Sud et le Japon se taillent aujourd’hui la part du lion dans la fabrication des puces, et les Pays-Bas disposent des équipements de fabrication de puces les plus avancés. Selon l’association de l’industrie des semi-conducteurs, les entreprises américaines de fabrication de puces sont toujours à la pointe de la recherche, du développement et de la conception, ou occupent des positions très compétitives dans ces domaines.

M. Lee a déclaré qu’un droit de douane sur les importations pourrait ne pas faire grimper les prix suffisamment pour encourager les fabricants américains à produire davantage. Par conséquent, les droits de douane nécessiteront des subventions supplémentaires et une déréglementation pour stimuler la compétitivité des entreprises nationales.

Un réseau d’alliances

Sur le front diplomatique, Ray Powell, directeur du Centre pour l’innovation en matière de sécurité nationale de l’université de Stanford, a déclaré que l’administration Biden avait le mérite d’avoir réalisé ce que les États-Unis voulaient faire depuis longtemps : construire un réseau serré d’alliés.

« Prendre nos relations d’alliance, en particulier celles du bassin Indo-Pacifique, du modèle de moyeu et de rayon, où les États-Unis sont le moyeu et chacune des alliances est un rayon séparé, et le transformer en un treillis, presque comme un maillage », a-t-il déclaré à Epoch Times.

La stratégie de sécurité nationale de 2017 de l’administration Trump s’est détournée de la guerre mondiale contre le terrorisme pour se concentrer sur la concurrence avec la Chine et la Russie, une orientation que l’administration Biden avait poursuivie. La stratégie du président Trump visait à renforcer les alliances dans la région indo-pacifique et le président Biden est allé plus loin.

M. Powell a déclaré que le sommet États-Unis-Japon-Corée du Sud qui s’est tenu en 2023 et qui a conduit au premier dialogue trilatéral indo-pacifique à Washington en janvier 2024, bien que symbolique, était une « grande affaire » parce qu’il a obligé les deux pays asiatiques à surmonter les griefs de la Seconde Guerre mondiale qui ont dominé leurs relations pendant si longtemps.

Le mois dernier, le sommet États-Unis-Japon-Philippines à Washington a également été important, a déclaré M. Powell. Les trois pays ont exprimé leurs « vives inquiétudes » face au « comportement dangereux et agressif de la Chine en mer de Chine méridionale ».

Le régime chinois, qui revendique illégalement la quasi-totalité de cette voie d’eau contestée, a construit un réseau d’îles artificielles et d’installations militaires dans la région. Les navires chinois se sont montrés de plus en plus agressifs à l’égard des navires des pays voisins, en particulier des Philippines.

Un navire des garde-côtes chinois tire au canon à eau sur un navire affrété par la marine philippine qui effectue une mission de réapprovisionnement de routine pour les troupes stationnées sur le Second Thomas Shoal, en mer de Chine méridionale, le 5 mars 2024. (Ezra Acayan/Getty Images)

Quelques jours avant le sommet, les Philippines, l’Australie, le Japon et les États-Unis ont effectué leur toute première patrouille conjointe en mer de Chine méridionale.

Des partenariats économiques ont été mis en place dans le cadre de programmes de sécurité. Les États-Unis vont ouvrir une succursale de la banque de développement à Manille et sont en pourparlers avec les Philippines au sujet d’un partenariat pour leur initiative mondiale d’infrastructure et d’investissement – le programme d’infrastructure mondial de l’Amérique pour contrer l’initiative chinoise « Belt and Road » (Ceinture et Route).

Outre l’Asie, l’administration a mis en place une série de partenariats mondiaux, notamment l’AUKUS, des partenariats de sécurité trilatéraux avec l’Australie et le Royaume-Uni, et le Conseil du commerce et de la technologie entre les États-Unis et l’Union européenne.

Créé sous l’ère Trump, le Quad, ou dialogue quadrilatéral de sécurité (Quadrilateral Security Dialogue) avec l’Australie, l’Inde et le Japon, a tenu sa toute première réunion sous l’administration Biden en mars 2021.

Il ne s’agit pas d’un alignement global contre la Chine, mais d’une volonté de dire : ‘Si vous avez à faire un choix, vous aller choisir les États-Unis avant la Chine.’
— James Lewis, directeur de programme, Centre d'études stratégiques et internationales

Dans le cadre d’AUKUS, annoncé en septembre 2021, les États-Unis partagent avec l’Australie la technologie nécessaire à la construction de sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire. Alors que Quad et AUKUS se concentrent sur la sécurité de la défense de la région indo-pacifique, la plateforme du Conseil du commerce et de la technologie États-Unis-UE est axée sur la sécurité économique et la compétitivité.

« Il ne s’agit pas d’un alignement global contre la Chine, mais d’une volonté de dire : ‘Si vous avez à faire un choix, vous aller choisir les États-Unis avant la Chine' », a déclaré M. Lewis. « Et c’est un problème majeur pour les Chinois. »

Depuis le 11 septembre, les États-Unis ont dépensé 6000 milliards de dollars (5500 milliards d’euros) pour les deux guerres en Irak et en Afghanistan.

Selon M. Lewis, les gens ont tendance à sous-estimer l’influence de ces guerres sur la façon dont la Chine, l’Iran et d’autres pays adversaires étrangers perçoivent les États-Unis et leur puissance. « M. Biden a donc dû reconstruire. »

Ce sur quoi l’administration a moins progressé, selon M. Lewis, est la manière de « remplacer ou de restaurer les organisations mondiales existantes, tels que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, l’Organisation mondiale du commerce ou le FMI, ou tous ces endroits où la Chine a été invitée à entrer et qui les utilise à son avantage ».

Cette dernière initiative vise-t-elle à attirer des voix ?

Les experts ont des avis divergents sur la question de savoir dans quelle mesure les droits de douane imposés par le président Biden à la Chine visent à attirer des voix lors de l’élection présidentielle de cette année.

Toutefois, qu’il s’agisse ou non d’un moyen de gagner des voix, ils s’accordent à dire que le président Biden met en œuvre sa politique à l’égard de la Chine à un moment où la sensibilisation de l’opinion publique américaine à la menace chinoise a atteint un niveau tout à fait nouveau qu’il y a quatre ans.

La police militaire chinoise défile sur la place Tiananmen avant la session d’ouverture du Comité consultatif politique du peuple chinois à Pékin, le 3 mars 2000. (Stephen Shaver/AFP via Getty Images)

Selon un récent sondage du Pew Research Center, 81 % des Américains ont aujourd’hui une opinion défavorable de la Chine, contre 73 % un mois avant l’élection présidentielle de 2020. M. Lee a également indiqué que le thème de la menace chinoise était de plus en plus présent dans la culture populaire, notamment dans les romans.

M. Balding ne pense pas que la politique étrangère dominera l’esprit des électeurs lors de l’élection présidentielle. Toutefois, il a déclaré : « Il est très clair que les gens considèrent que le monde est plus dangereux aujourd’hui qu’il y a quatre ans. »

Selon M. Ezell, les mesures prises par l’administration visent à la fois à adopter une position plus ferme à l’égard de la Chine et à obtenir davantage de voix lors des élections.

M. Lewis est d’un avis différent. Selon lui, l’opposition à la Chine a été un « thème constant » des membres du groupe de réflexion sur la sécurité nationale de l’administration Biden, même avant l’élection présidentielle de 2020.

« Nous nous sommes rendu compte que les anciennes structures et les anciennes menaces pour la sécurité ne reflétaient pas les réels dangers. Je pense que c’est sur ce point que l’administration Biden essaie de moderniser la politique étrangère américaine. »

M. Lee a déclaré que la nouvelle base tarifaire de 18 milliards de dollars était négligeable par rapport à la base de 300 milliards de dollars des droits de douane existants. Il considère qu’il s’agit d’une mesure purement électorale.

Toutefois, il a félicité le président Biden d’être revenu à un programme démocrate plus traditionnel, qui soutient les travailleurs et leurs droits, ajoutant que le président Trump avait repris ce programme et l’avait élargi pour y inclure les emplois américains.

« Biden et Trump chantent la même chanson sur la Chine. C’est juste que Biden est dans la première et la troisième strophe, et que Trump est dans la deuxième strophe. »

« Mais c’est la même chanson. »

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