Dans le numéro de juin 2022 de Virologica Sinica, des chercheurs de l’Institut de virologie de Wuhan (WIV) ont signalé avoir assemblé de manière efficace un large fragment du génome du virus de la variole du singe dans le but de mettre au point un test PCR pour la variole du singe.
Cet article du WIV n’est pas particulièrement accrocheur à première vue, mais il suscite des doutes lorsqu’on réfléchit à son objectif et à ses approches.
Premièrement, le développement d’un test PCR est une pratique bien maîtrisée et courante en biologie moléculaire et ne nécessite pas un grand fragment du virus comme modèle ou contrôle positif. Deuxièmement, du point de vue de la biotechnologie, assembler un grand génome viral en laboratoire n’est pas une mince affaire. Ces deux éléments ne collent pas : pourquoi se lancer dans une entreprise difficile de biologie synthétique pour atteindre un objectif si simple ?
Que fait réellement le WIV ?
Dans cet article du WIV, les chercheurs connaissent très bien le problème de la biosécurité et ils expliquent donc pourquoi ils ont dû fabriquer le fragment de virus en laboratoire. « L’infection par le MPXV [variole du singe] n’ayant jamais été associée à une épidémie en Chine, le matériel génomique viral nécessaire à la détection par qPCR n’est pas disponible. »
En d’autres termes, comme il n’y a pas de variole du singe en Chine, ils n’ont pas accès au virus naturel. Ainsi, pour développer un test PCR pour la variole du singe, ils ont dû en fabriquer un fragment en laboratoire. Les chercheurs ont également déclaré avoir fabriqué moins d’un tiers du fragment génomique du virus de la variole du singe, ou en termes plus techniques, une longueur de 55 kb. Si le fragment MPXV est utilisé comme modèle pour les amorces, des fragments d’ADN de plusieurs centaines de kilobytes à 1 kb de longueur sont généralement suffisants. Si le fragment est nécessaire pour le contrôle positif, il n’est pas nécessaire qu’il ait une longueur de 55 kb. Le génome entier du virus du SRAS‑CoV‑2 ne fait que 29 kb de long environ.
Il convient de noter qu’à l’époque des recherches du WIV, des épidémies de variole du singe ont été constatées depuis longtemps dans de nombreux pays d’Afrique et du monde entier. De plus, la séquence génétique du virus de la variole du singe existe déjà. Les chercheurs du WIV pouvaient simplement utiliser la séquence disponible pour obtenir des fragments plus courts dans le commerce, de manière très rentable et en gagnant du temps. Il est courant de développer des tests PCR sans génome ou fragment de virus de grande taille.
Enfin, les médias chinois ont auparavant déjà signalé que d’autres entreprises chinoises ont réussi à développer des tests PCR pour la variole du singe avec un minimum d’efforts.
Un rapport du Beijing Economic Technological Development Area daté du 30 mai 2022 indique que plusieurs entreprises ont développé des kits de test PCR pour la variole du singe. L’une d’elles est BioChain, dont les recherches n’ont duré que 17 jours, du 8 mai, date à laquelle une équipe ciblée a été formée, au 24 mai, date à laquelle le kit de test a reçu le marquage CE (Conformité Européenne) de la Commission européenne. Ce kit répondait donc aux exigences de sécurité, de santé et de protection de l’environnement de l’Union européenne.
La clé de ce développement rapide réside dans la base de données d’identification moléculaire des agents pathogènes (PMDB) de la société. En comparant les séquences génomiques du virus du monkeypox contenues dans la PMDB aux séquences génomiques complètes connues du monkeypox ou de l’orthopoxvirus, ils ont pu identifier la séquence génétique spécifique des souches du virus du monkeypox. Ils ont ensuite été en mesure de développer rapidement le test PCR en un mois.
Par ailleurs, Beijing Kinghawk Pharmaceutical Co. Ltd. a annoncé le 27 mai un kit de test similaire, qui a également reçu le marquage CE. Selon l’article, l’équipe a commencé ses recherches à la mi‑mai et elle s’est principalement appuyée sur les informations contenues dans des travaux de recherche publiés.
Cela indique que la conception d’un test PCR pour le MPXV n’est en aucun cas une tâche ardue.
Si ces entreprises moins connues peuvent y parvenir, pourquoi le WIV a‑t‑il choisi la voie difficile et inutile de la construction d’un grand fragment du génome du virus ? Le but réel de l’assemblage du génome par le WIV était probablement d’utiliser la nouvelle technologie synthétique appelée clonage TAR (Transformation‑associated recombination).
L’article du WIV indique qu’ « un fragment génomique de 55 kb du virus de la variole du singe englobant des cibles de détection primaires pour la PCR quantitative a été assemblé par TAR en utilisant pGFCS dans VL6‑48B ».
Encore une fois, être capable d’assembler une partie considérable d’un grand génome du virus de la variole du singe par TAR est remarquable. Tout cela sert‑il uniquement à concevoir un test PCR ?
En réalité, les chercheurs du WIV sont pleinement conscients des problèmes de sécurité. Ainsi, ils ont écrit dans leur article que, puisqu’ils n’ont cloné que « moins d’un tiers du génome du virus de la variole du singe », il s’agit d’une « sécurité intégrée qui élimine pratiquement tout risque de récupération en un virus infectieux ».
Pour paraphraser, puisqu’ils n’ont fabriqué qu’un tiers du virus, il n’y a pas lieu de s’inquiéter de la fabrication de l’ensemble du virus. Apparemment, les pairs examinateurs ont été satisfaits de cette explication.
Il convient de mentionner que Virologica Sinica est géré par la Société chinoise de microbiologie, et que la tristement célèbre « femme chauve‑souris » Shi Zhengli du WIV en est la rédactrice en chef.
Biologie synthétique
La biologie synthétique s’est développée rapidement au cours de la dernière décennie. La première cellule bactérienne synthétique a été construite en 2010 par le Dr Daniel Gibson au J. Craig Venter Institute de San Diego, en Californie. Depuis lors, bien des méthodes de synthèse et d’assemblage de l’ADN ont été développées.
Ces dernières années, la biologie synthétique a trouvé des applications dans la biodétection, la thérapeutique et la production de biocarburants, de produits pharmaceutiques et de nouveaux biomatériaux. Toutes ces possibilités ont rendu les programmes de biologie synthétique importants, prometteurs et dangereux à la fois.
Comme une épée à double tranchant, si cette technologie tombe entre les mains de personnes dépourvues de repères moraux et ayant des antécédents de pratiques contraires à l’éthique, elle pourrait être source de problèmes.
Bébés génétiquement modifiés
En 2018, le scientifique chinois He Jiankui a déclenché une controverse bioéthique en annonçant qu’il avait créé les premiers bébés humains génétiquement modifiés. He Jiankui travaillait à l’époque à l’université du Sud des Sciences et de la Technologie à Shenzhen, en Chine.
Il a utilisé la technologie d’édition génétique CRISPR (CRISPR/Cas9) pour modifier l’ADN des génomes des embryons. En novembre 2018, il a annoncé la naissance de jumelles modifiées par le génome via des vidéos Youtube. Apparemment un troisième bébé est né en 2019. L’expérience aurait été menée dans le secret avec des parents consentants, selon les rumeurs.
Un rédacteur du MIT Technology Review, spécialisé dans la biomédecine, a exposé le projet confidentiel en dévoilant que le Pr He avait fait des demandes pour mener un essai clinique et que celles‑ci était apparues sur les registres chinois. Donc les autorités chinoises et l’université où travaillait He Jiankui étaient à priori au courant.
Enfin, après la naissance des jumelles, le Quotidien de Peuple (la gazette du PCC) n’a pas manqué de louer ses recherches. Il s’agissait, selon le journal, d’une « percée historique dans la mise en pratique de la technologie d’édition de gènes pour prévenir des maladies ».
Selon certains médias, trois institutions nationales, parmi d’autres non citées, ont financé l’expérience du Pr He : le ministère des Sciences et de la Technologie, la Commission d’innovation scientifique et technologique de Shenzhen et l’université du Sud des Sciences et de la Technologie, où He Jiankui était professeur.
Finalement ces travaux ont engendré un tollé dans la communauté internationale. L’université du Sud des Sciences et de la Technologie a dès lors déclaré n’être au courant de rien. Le Parti communiste chinois (PCC) a prétendument enquêté et découvert que le Pr He et deux collègues avaient décidé d’eux-mêmes envers et contre tous de mener cette expérience en secret.
Le 30 décembre 2019, He Jiankui et deux collaborateurs ont été reconnus coupables d’avoir « falsifié des documents d’examen éthique et induit en erreur leurs collègues médecins. Ces derniers ont implanté sans le savoir des embryons génétiquement modifiés chez deux femmes ». Dès lors le PC est hors de cause. He Jiankui a été condamné à trois ans de prison. Il a été libéré en avril 2022.
Michael W. Deem, professeur américain de bio‑ingénierie à l’université Rice, conseiller au doctorat du Pr He, a fait l’objet d’une enquête par l’université Rice. Depuis nous n’avons plus d’informations.
L’université de Stanford a également enquêté sur les Prs William Hurlbut, Matthew Porteus et Stephen Quake, les principaux mentors de He Jiankui dans l’édition de gènes. L’enquête a conclu qu’ils « n’avaient aucun lien avec cette recherche, financier ou organisationnel ».
Finalement, la controverse s’est apaisée puisque He Jiankui et deux de ses collègues ont été envoyés en prison. Aucune autre entité ou personne n’a été impliquée. Affaire classée.
Vraiment ?
Ambiguïté éthique
À travers cette histoire, nous voyons que l’éthique concernant la biologie de synthèse est dés plus ambigües.
Il n’existe aujourd’hui aucune réglementation internationalement reconnue pour garantir la biosécurité dans le domaine de la biologie synthétique, et c’est inquiétant.
Coopérer avec la Chine
Un événement très médiatisé sur la biosécurité laisse particulièrement perplexe.
En juillet 2019, l’université Johns Hopkins et l’université de Tianjin ont organisé conjointement une réunion à Washington D.C., intitulée « Biosécurité et sécurité biologique à l’ère de la biologie synthétique : perspectives des États‑Unis et de la Chine ».
La raison pour laquelle l’université Johns Hopkins, une institution de renommée mondiale, unissait ses efforts à ceux de l’université de Tianjin est inexplicable.
Selon son site Web, le Centre de recherche et de stratégie sur la biosécurité de l’université de Tianjin a été fondé en septembre 2016 sous l’égide du ministère chinois de l’Éducation suivant une recommandation de Xi Jinping, qui voulait « renforcer les capacités de la nation en matière de biosécurité ».
Le directeur du Centre faisait partie du programme Mille talents du PCC. Ce programme a attiré des dizaines de milliers de scientifiques étrangers pour qu’ils apportent en Chine, de manière clandestine, les dernières avancées dans leurs domaines d’expertise respectifs.
La réunion d’une journée a donné lieu à un rapport (pdf) qui ne contient rien de substantiel. Les participants à la réunion ont convenu que « la biotechnologie a le potentiel d’avoir un impact positif sur les économies internationales, la durabilité, la santé humaine et la sécurité. Cependant, la structure actuelle de gouvernance internationale des sciences biologiques est mal équipée pour gérer les risques liés aux technologies biologiques émergentes tout en favorisant la recherche et le développement bénéfiques. L’amélioration de la gouvernance nécessitera des investissements accrus et un effort mondial concerté pour créer des normes qui soutiennent la biosécurité et la sécurité. »
Albert Einstein a dit un jour : « L’esprit humain doit prévaloir sur la technologie. » Einstein semble avoir prophétisé l’avancée technologique moderne. En effet, la biologie de synthèse est sans aucun doute une des plus grandes réalisations technologiques de l’histoire humaine récente. Mais, sans une conscience claire et des principes éthiques, elle risque d’être désastreuse pour l’humanité.
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