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BNP Paribas soupçonnée de « complicité de crimes de guerre au Soudan » : des victimes témoignent

mars 21, 2022 10:29, Last Updated: mars 21, 2022 11:20
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Quatre Soudanais qui ont fui leur pays après y avoir subi des persécutions ont été entendus au tribunal judiciaire de Paris dans l’enquête visant BNP Paribas pour des soupçons de « complicité de crimes de guerre et de crime contre l’humanité » au Soudan, selon un communiqué diffusé le 18 mars de la FIDH.

Il s’agit d’une « étape cruciale », se sont réjoui leurs avocats, Mes Clémence Bectarte et Emmanuel Daoud, qui ont obtenu en 2020 l’ouverture d’une information judiciaire après une plainte conjointe avec la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et neuf Soudanais.

Sollicité par l’agence France Presse (AFP), BNP Paribas a répondu n’avoir « aucun commentaire à apporter sur cette procédure qui suit son cours ».

Des milliers de civils et activistes torturés

Les juges d’instruction enquêtent sur le rôle de la banque française au Soudan dans les années 2000. En particulier lors de la guerre civile qui a fait depuis 2003 plus de 300.000 morts et 2,5 millions de déplacés, selon l’ONU, dans la province du Darfour sous le régime d’Omar el-Béchir (1989-2019).

Selon la plainte des ONG, le régime a pu, avec l’argent de la BNP, « financer ses actions ainsi que des milices qui menaient des attaques et pillages dans des villages » ou les services de renseignement « qui ont emprisonné de façon arbitraire et torturé des milliers de civils et activistes originaires du Darfour et autres régions marginalisées ».

Parmi eux ces victimes, Omar A. (nom modifié) âgé de 40 ans, réfugié aux États-Unis depuis 2010.

Originaire du Darfour et membre de la tribu Four, ce militant raconte avoir été visé de façon répétée, à partir de 2002, par l’ex-Service national de renseignement et de sécurité soudanais (NISS), pour sa collaboration avec des organisations internationales de défense des droits humains.

Des « armements militaires très sophistiqués »

En 2009, il a été enlevé à Khartoum. « J’ai été arrêté et torturé par les services de renseignement et de sécurité soudanais. Ils m’ont ciblé en raison de mon travail, j’aidais les gens du Darfour qui souffrent aux mains de ce service. Après cette dernière arrestation en 2009, j’ai senti que je n’étais plus en sécurité dans mon pays et je suis parti. Ils m’ont transféré dans les services de renseignement militaire et torturé », a-t-il affirmé.

« Là j’ai vu de mes propres yeux l’incroyable équipement militaire du régime », se rappelle-t-il. « Les Soudanais sont pauvres, pourtant le gouvernement et les services de sécurité avaient accès à des armements militaires très sophistiqués, des satellites, etc. Comment est-ce possible ? » 

« Je me disais : le gouvernement ne peut pas être seul, il y a quelque chose derrière », dit-il. « Sans argent, ils ne pouvaient pas avoir accès aux marchés des armes ».

Comme trois autres réfugiés soudanais, il a raconté son histoire aux magistrats et enquêteurs dans l’espoir « d’obtenir justice et que ça serve de leçon, pour cette banque et toutes les autres qui financent des dictatures quelles qu’elles soient ».

Le Soudan a annoncé en 2021 son intention de remettre Omar el-Béchir, destitué en 2019, à la Cour pénale internationale (CPI) qui le réclame pour « génocide » et crimes contre l’humanité lors du conflit au Darfour.

« Les témoignages des parties civiles rappellent la brutalité du régime d’Omar el-Béchir et met en lumière la nécessité de poursuivre les acteurs ayant permis ces crimes, notamment les institutions financières », argumente Kristin Rosella, associée chez Global Diligence LLP, cabinet de conseil juridique anglosaxon qui assiste les victimes.

BNP Paribas a plaidé coupable aux États-Unis

En 2014, BNP Paribas a plaidé coupable aux États-Unis de violation des embargos américains contre le Soudan, Cuba et l’Iran et payé une amende record de 8,9 milliards de dollars.

Le groupe bancaire est également visé par une enquête judiciaire en cours à Paris, accusé par plusieurs ONG d’avoir financé en 1994 un achat d’armes au profit de la milice hutu au Rwanda.

 

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