Le besoin de production d’énergie en Europe n’a peut-être jamais été aussi grand : les liens avec la Russie sont rompus, ceux avec l’Afrique et le Moyen-Orient sont fragilisés par les offensives chinoises. Toute la communauté européenne affronte donc simultanément une diminution massive de ses options pour importer l’énergie et les matières premières, et un besoin accru de produire. Il faut plus d’électricité pour ré-industrialiser l’Europe et l’extraire de l’ornière de ses dépendances stratégiques. Il faut, croit-on, plus d’électricité pour la multiplication des usages liés aux technologies du numérique – même si leur empreinte carbone dépassera bientôt celles des véhicules à essence. Il faut, enfin, plus d’électricité pour l’ensemble des mobilités, dont la voiture électrique qui devrait devenir la référence de nos quotidiens et remplacera définitivement les véhicules thermiques à partir de 2035.
Tous les constructeurs suivent maintenant le chemin ouvert par Tesla et font le marketing de ces solutions de déplacement rêvées comme écologiquement responsables. Rien n’est pourtant moins sûr aujourd’hui : les études européennes, relayées en France par les experts de l’IFPEN, montrent que la voiture électrique a un impact carbone quasi-équivalent à celui des véhicules thermiques, dans toutes les situations sauf une : l’utilisation massive du nucléaire pour produire l’électricité. La voiture électrique n’a donc réellement été écolo que dans un seul pays d’Europe : la France, du fait de la composition de son « mix » énergétique.
Tout ceci était vrai jusqu’à la fin de l’année dernière, quand le nucléaire fournissait 70 % de l’électricité en France, soit plus que dans n’importe quel autre pays du monde. Mais ce chiffre a brutalement été divisé par deux : les pannes d’EDF, le plus grand exportateur d’électricité en Europe, ont fait chuter la production d’énergie nucléaire de la France à son plus bas niveau depuis près de 30 ans. La France en est aujourd’hui arrivée au stade où elle va sérieusement devoir envisager des coupures de courant cet hiver.
Derrière cette situation, deux explications. La première et la plus conjoncturelle est que le coronavirus a fait reporter de deux ans les entretiens prévus pour plusieurs dizaines de réacteurs nucléaires : la moitié du parc nucléaire français, soit 38 réacteurs, est aujourd’hui à l’arrêt. Parmi eux, 12 réacteurs le sont probablement pour plusieurs années car d’inquiétantes fissures ont été constatées dans les circuits de refroidissement des réacteurs. Les 16 autres sont encore en phase de diagnostic et certains pourraient – au vu de leur âge comparable – se retrouver dans la même situation.
Là est la seconde et douloureuse explication : la France a massivement construit des réacteurs nucléaires dans les années 70 et 80, puis les a laissés vieillir dans le même temps qu’elle laissait ses expertises s’évaporer avec le départ en retraite de ses principaux ingénieurs. Elle a aussi, délibérément, gelé les investissements pour rajeunir le parc, entre autres pour éviter les controverses politiques. Résultat, un parc nucléaire vieillissant dont la production annuelle chute depuis 15 ans et qui cumule les urgences de maintenance. Emmanuel Macron a promis en février de relancer « l’aventure nucléaire » de la France et dévoilé un plan de 52 milliards d’euros pour construire de nouveaux réacteurs, dans le cadre d’une stratégie visant en partie à réduire les émissions de carbone du pays tout en assurant sa sécurité énergétique. Mais cette nouvelle génération de réacteurs ne se déploiera qu’à partir de 2035. Il faut donc imaginer des solutions pour les 12 années à venir.
Bloomberg révèle que du côté des spéculateurs, pour qui même une nouvelle de ce genre est une opportunité, les prix de l’électricité en France pour l’hiver prochain se négocient avec un large premium par rapport à ceux de l’Allemagne voisine, reflétant les craintes que le pays puisse avoir du mal à répondre à la demande en cas de pic de consommation. La situation, au vu du rôle majeur de la France dans la production d’électricité en Europe, alerte même le New-York Times et le Financial Times qui y consacrent de longues analyses.
Il faudrait presque s’interroger sur le sens caché à trouver derrière cette coïncidence d’une rupture d’approvisionnements extra-européens combinée à celle de la production européenne elle-même. Comme il a fallu les confinements du Covid-19 pour découvrir la possibilité de travailler différemment, la pénurie d’énergie à venir doit-elle nous apprendre par la force à nous concentrer sur les besoins essentiels ? C’est-à-dire, l’amélioration énergétique des logements plutôt que la 5G, la consommation raisonnée plutôt que les achats compulsifs ? Pour les gouvernements, elle est évidemment le signal du besoin d’une vraie stratégie souveraine à cinquante ans, car le coût pour les finances publiques du manque d’action des années passées va être bien supérieur à celui d’investissements qui auraient été faits à temps.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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