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Brexit: les friteries irlandaises en ont gros sur la patate

décembre 4, 2020 16:21, Last Updated: décembre 4, 2020 16:21
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Dans la plus ancienne friterie de Dublin, un employé plonge des pommes de terres britanniques dans l’huile bouillante. En sortiront des frites croustillantes prisées des Irlandais, qui risquent fort de devenir bientôt de l’histoire ancienne à cause du Brexit.

Comme bien d’autres en Irlande, cette échoppe de la chaîne Leo Burdock ouverte en 1913 préfère utiliser des pommes de terre importées du Royaume-Uni, plutôt que la production locale, pour réaliser ce snack essentiel au prisé Fish and chips. De telles frites sont réputées croustillantes à l’extérieur et moelleuses à l’intérieur.

Le gouvernement irlandais a prévenu  récemment restaurateurs et fast-foods: lorsque la période de transition du Brexit prendra fin au 31 décembre, les importations de la tubercule en provenance du Royaume-Uni seront, en l’état actuel, interdites.

80.000 à 100.000 tonnes de pommes de terre britanniques

Jusqu’à cette date, le Royaume-Uni, qui a quitté officiellement l’UE en janvier dernier, reste soumis aux règles européennes. Mais après, les importations risquent de s’arrêter net, alors que 80.000 à 100.000 tonnes de pommes de terre font le chemin chaque année des champs britanniques aux échoppes irlandaises de frites à emporter, que les locaux appellent affectueusement « chippers ». 

Le directeur régional, Derek Duggan, pose pour une photo avec un sac de frites fraîchement coupées et une portion de Fish and chips à l’extérieur du magasin Leo Burdock dans le centre de Dublin le 2 décembre 2020. Photo de Paul Faith / AFP via Getty Images.

« Cette situation est problématique, parce que l’approvisionnement pour janvier est incertain », déplore Derek Duggan, manager à Leo Burdock, interrogé par l’AFP.

Famine de pommes de terre de 1845 à 1849

D’autant plus qu’en Irlande, pays européen historiquement pauvre où la pomme de terre constitue un aliment de base, la possibilité d’une pénurie revêt une importance hautement symbolique. L’Irlande a subi la tristement célèbre « famine de pommes de terre » de 1845 à 1849, qui avait entrainé la mort d’un million de personnes et fait fuir vers l’étranger deux autres millions.

-Une partie du poisson-frites du magasin Leo Burdock Fish and Chips dans le centre de Dublin est mangée à la main, le 2 décembre 2020. Photo de Paul Faith / AFP via Getty Images.

Londres et Bruxelles sont en ce moment lancés dans des négociations de la dernière chance, mais il reste peu de temps pour conclure et ratifier un accord sur leur future relation commerciale avant janvier.

Frontière entre Royaume-Uni et Irlande

Sans « deal » pour régir leur relation, les deux parties échangeront selon les seules règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), synonymes de droits de douane et de grandes perturbations à la frontière entre Royaume-Uni et Irlande.

Pour que les importations de pommes de terre britanniques se poursuivent, il faut que l’Union européenne accorde au Royaume-Uni un statut de « pays tiers » autorisant ses produits alimentaires, un processus qui « ne commencera qu’à l’issue des négociations commerciales » post-Brexit, selon le ministère irlandais de l’Agriculture.

-Un client quitte le magasin Leo Burdock Fish and Chips du centre de Dublin le 2 décembre 2020. Photo de Paul Faith / AFP via Getty Images.

Dans le Leo Burdock du centre de Dublin, deux employés préparent avec des gestes précis des boites de Fish and chips, saupoudrant délicatement leurs produits de la dose de sel et de vinaigre idoine, en attendant l’échéance qui inquiète.

Pas assez de pomme de terre  pour calmer l’insatiable appétit des irlandais

« Le marché irlandais produit de bonnes pommes de terre », concède M. Duggan. Mais il craint que les agriculteurs ne produisent pas le bon type ni assez de cet aliment pour calmer l’insatiable appétit pour les frites en Irlande.

Derek Duggan affirme que pour un connaisseur, il existe une différence très marquée entre les pommes de terre britanniques et leurs homologues irlandaises, due à la différence des sols et des techniques agricoles.

-Conor Fitzpatrick pose avec un bol de chips fraîchement coupées prêts pour la friteuse dans le magasin Leo Burdock du centre de Dublin le 2 décembre 2020. Photo de Paul Faith / AFP via Getty Images.

« Si vous voulez comparer avec le vin, c’est un peu comme avoir un sauvignon blanc venant de Nouvelle-Zélande plutôt que de France », plaisante l’homme vêtu de l’uniforme blanc des « chippers ». 

Outre la pomme de terre, les interminables discussions entre Européens et Britanniques au sujet de l’accès aux zones de pêche après le Brexit – grand point d’achoppement des négociations- font craindre aux Irlandais de se retrouvés aussi privés de poisson.

Pêcheurs privés d’accès aux eaux britanniques

En cas de « no deal », leurs pêcheurs pourraient être totalement privés d’accès aux eaux britanniques, que Dublin exploite pour le moment abondamment. Ce qui compromettrait le couple phare des « chippers »: le fameux Fish and chips.

« On s’adaptera et on fera face à tout ce qui arrivera », déclare, fataliste, Derek Dugan. « Mais on espère que les gens, surtout les homme politiques britanniques, entendront raison ».

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