À l’occasion du sommet extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne, des agriculteurs ont bloqué plusieurs rues de Bruxelles. Jeudi matin, les manifestants se sont déplacés dans la capitale belge avec un millier de tracteurs et autres engins agricoles, a indiqué la police. La plupart des participants à cette action de protestation seraient originaires de Belgique.
Lors du sommet extraordinaire de l’UE, les discussions porteront principalement sur un paquet d’aide pour l’Ukraine d’un montant de 50 milliards d’euros sur quatre ans. Les Européens veulent ainsi préserver l’Ukraine de l’effondrement économique.
Manifestations d’agriculteurs à Bruxelles
Environ 1300 tracteurs sont présents dans la capitale belge, a annoncé la police jeudi. En raison des vastes barrières autour du bâtiment du sommet, les protestations se sont concentrées autour du Parlement européen. Les manifestants y ont allumé des fumigènes et allumé le feu sur des palettes.
« Nous devons aussi en parler lors du sommet », a déclaré le Premier ministre belge Alexander De Croo en faisant référence aux protestations des agriculteurs. « Leurs revendications sont en partie justifiées ». Mercredi, la Commission européenne avait fait une série de concessions, notamment une prolongation du droit de cultiver des surfaces en jachères. « Je pense que cela devrait être prolongé davantage », a souligné le Premier ministre en évoquant la perte de revenus dont se plaignent les agriculteurs.
Le président français Emmanuel Macron devait discuter des préoccupations des agriculteurs lors d’une réunion à deux avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Il est soumis à une forte pression politique intérieure en raison des protestations.
« La Commission européenne devrait défendre les intérêts des agriculteurs européens plutôt que ceux des Ukrainiens »
Le chef du gouvernement hongrois, Viktor Orbán, a rencontré des paysans manifestants la veille du sommet et en a publié une vidéo sur le service en ligne X. « C’est une erreur si l’Europe n’écoute pas la voix du peuple », a-t-il écrit en commentaire.
« La Commission européenne devrait plutôt défendre les intérêts des agriculteurs européens que ceux des Ukrainiens », selon les propos de son Parti. Orbán est critiqué au sein de l’UE pour avoir bloqué un plan d’aide à l’Ukraine.
Les agriculteurs réclament moins de bureaucratie et des subventions plus élevées. « Stop Mercosur » pouvait-on en outre lire sur l’une des pancartes, une allusion à l’accord de libre-échange prévu avec l’Amérique du Sud. Selon la police, la plupart des participants à cette action de protestation venaient de Belgique, mais on s’attendait également à ce que des agriculteurs viennent de France et d’Allemagne.
Les organisations agricoles belges ABS (Algemeen Boerensyndicaat), FWA, FAJ participent aux manifestations. Les agriculteurs réclament de meilleures conditions pour la culture, la production et le maintien d’un revenu décent. Les agriculteurs reçoivent énormément de soutien de la part de la population, et pas seulement en Belgique. Une manifestation d’enfants avec des tracteurs a également eu lieu à Strasbourg.
Dégradation du marché due aux produits agricoles ukrainiens
Face aux protestations des agriculteurs, la Commission européenne a proposé une protection contre les importations de denrées alimentaires ukrainiennes. Depuis 2022, les produits ukrainiens sont exemptés de droits de douane et de contingents. Depuis lors, les importations de produits ukrainiens moins chers ont massivement augmenté, laissant les agriculteurs locaux sur le carreau.
Les importations de sucre ont augmenté de 1000%, les œufs de 130% et la volaille de 50%. La plupart du temps, ces produits ne sont pas fabriqués selon les normes européennes. L’agriculture ukrainienne est souvent plus efficace grâce à une main-d’œuvre bon marché, des sols de terre noire très productifs et une production selon des normes nettement inférieure aux normes européennes, comme le montre la polémique sur les céréales bon marché avec la Pologne et d’autres États d’Europe de l’Est.
Ce sont surtout la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie, la Bulgarie et la Roumanie qui protestent depuis des semaines contre cette mise à mal du marché intérieur.
La Commission européenne a maintenant proposé « un mécanisme de protection renforcé » afin que des « mesures correctives » puissent être prises rapidement en cas « d’impact négatif » pour un ou plusieurs États membres. Un « blocage automatique des exportations » devrait être mis en place si les importations dépassent un certain niveau.
Selon l’organisation patronale ukrainienne, « les exportations d’œufs, de sucre et de viande de poulet [de Kyiv] ne constituent pas une menace pour le marché européen et jouent même un rôle stabilisateur ». Ils ne sont pas d’accord avec les nouvelles propositions de la Commission européenne.
Autre point de discorde : la mise en jachère
Les exploitations agricoles sont tenues par la politique agricole commune de l’UE de mettre en jachère 4% de leurs surfaces. Dans le cas contraire, elles ne recevront pas de subventions.
Cette mesure est également très contestée par les agriculteurs européens, notamment les agriculteurs français qui protestent. La Commission européenne a maintenant proposé une dérogation partielle pour l’année 2024. Les principales organisations agricoles européennes, le Copa et la Cogeca, saluent cette proposition.
En cas d’adhésion de l’Ukraine à l’UE, le pays devrait recevoir environ un quart du budget de l’UE pour la politique agricole commune (PAC) pour la période 2021-2027, ce qui pourrait représenter quelque 96,5 milliards d’euros. Cela signifierait que l’Ukraine serait de loin le plus grand bénéficiaire de la politique agricole de l’UE.
L’adhésion de l’Ukraine à l’UE « conduirait à l’extinction de l’agriculture familiale en Europe », a averti le président de l’Union des agriculteurs allemands, Joachim Rukwied. Il faudrait intégrer dans l’UE une agriculture qui « présente des structures totalement différentes, allant jusqu’à des exploitations de plusieurs centaines de milliers d’hectares ».
Les politiques et les associations sont largement d’accord pour dire qu’il est impossible de poursuivre la politique agricole commune dans sa forme actuelle avec l’Ukraine.
Pour les grandes surfaces ukrainiennes, les paiements directs (versés par hectare de surface agricole utile) ne seraient par exemple déjà pas supportables financièrement, car les exploitations agricoles moyennes sont plusieurs fois plus grandes que celles de l’UE.
Les diplomates européens accusent Viktor Orbán de chantage
Le plan de soutien financier à l’Ukraine, d’un montant de 50 milliards d’euros pour la période allant jusqu’à fin 2027, aurait déjà dû être décidé lors d’un sommet européen régulier en décembre dernier. Le chef d’État hongrois Viktor Orbán avait alors opposé son veto, empêchant ainsi un accord.
Avant le sommet, Viktor Orban a déclaré dans une interview au magazine français Le Point que la Hongrie était disposée à participer à la recherche d’une solution. La condition est toutefois de décider chaque année si l’on veut continuer à envoyer de l’argent ou non.
D’autres États membres, comme l’Allemagne, s’y opposent toutefois. L’une des raisons est qu’ils veulent garantir à l’Ukraine un soutien à long terme. Il s’agit en outre de priver la Hongrie de ses droits de veto. Les diplomates de l’UE reprochent ainsi à Viktor Orbán de tenter d’utiliser une politique de veto pour libérer des fonds européens lui revenant, gelés pour des raisons liées à l’État de droit.
Viktor Orbán rejette cette idée. Il fait également référence aux élections européennes qui auront lieu en juin. Promettre dès maintenant 50 milliards d’euros à l’Ukraine pour la période allant jusqu’à fin 2027 pourrait, selon lui, donner aux citoyens l’impression que leur voix ne compte pas, argumente-t-il en faisant référence aux critiques de l’aide à l’Ukraine.
Si aucune solution n’est trouvée lors des discussions avec Victor Orbán, les autres États de l’UE veulent agir dans le cercle des 26, c’est-à-dire sans la Hongrie. Dans le même temps, il est probable qu’il y ait alors des discussions sur d’éventuelles mesures visant à retirer à la Hongrie son droit de vote lors des décisions de l’UE.
Conflit au Proche-Orient et aide militaire à l’Ukraine
Le conflit au Proche-Orient et l’aide militaire de l’UE à l’Ukraine seront également abordés lors du sommet extraordinaire de l’UE. Le chancelier fédéral d’Allemagne, Olaf Scholz a récemment lancé un débat sur les aides militaires. Il critique le fait que d’autres grands pays de l’UE prévoient pour l’année en cours nettement moins d’argent que l’Allemagne pour les livraisons d’armes et de munitions.
Selon le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères Josep Borrell, l’Ukraine peut espérer recevoir cette année une aide militaire européenne d’une valeur d’au moins 21 milliards d’euros. Par rapport à ce qui a été fourni jusqu’à présent, cela signifierait une accélération de l’aide, a-t-il précisé mercredi après une réunion informelle des ministres de la Défense de l’UE à Bruxelles.
Au cours des deux dernières années, depuis le début de la guerre d’agression russe, la valeur totale des aides militaires européennes à l’Ukraine s’est élevée à environ 28 milliards d’euros. Elles comprennent des armes, des munitions et d’autres équipements militaires.
Josep Borrell a en outre souligné que le chiffre de 21 milliards d’euros pour 2024 ne se basait pas sur les informations fournies par les 27 États membres de l’UE. Cela pourrait donc encore augmenter. Josep Borrell n’a pas précisé quels pays de l’UE n’avaient pas encore communiqué de données. La collecte des chiffres doit également servir de base à la discussion suggérée par le chancelier fédéral lors du sommet européen extraordinaire.
Selon ses propres indications, le gouvernement fédéral a prévu pour 2024 environ 7,5 milliards d’euros de budget pour les livraisons d’armes à l’Ukraine. D’un point de vue purement mathématique, cela correspond à une part de plus d’un tiers des aides européennes déclarées jusqu’à présent.
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