Budget 2025 : l’impôt déguisé du nouveau malus pour les voitures thermiques

Par Ludovic Genin
18 octobre 2024 07:54 Mis à jour: 19 octobre 2024 11:39

Le nouveau malus sur l’achat des voitures neuves polluantes va toucher presque tous les véhicules à essence et diesel à partir du 1er janvier 2025, selon le projet de budget du gouvernement présenté en Conseil des ministres, le 10 octobre.

Le projet de loi de finances veut réformer deux malus auto payés par les automobilistes au moment de l’immatriculation du véhicule, le malus CO2 et le malus au poids, qui voient tous deux leurs seuils de déclenchement abaissés. Les nouveaux malus devraient ramener 300 millions d’euros de recettes supplémentaires dans les caisses de l’État.

Les paramètres des bonus et malus 2025 sur l’achat de voitures pourront être « ajustés » lors du débat parlementaire, ont affirmé les ministres de l’Économie et de l’Industrie, en insistant sur le fait que la filière automobile doit continuer à être soutenue.

Pour certains, ces nouveaux malus inclus dans le Budget 2025 ne sont rien d’autre qu’un impôt déguisé, alors que le gouvernement assurait ne pas les augmenter.

Malus alourdi pour les voitures thermiques

Les voitures neuves émettant plus de 112 grammes de CO2 par kilomètre (g / km) seront taxées à l’immatriculation (pour un achat ou pour une location longue durée) à hauteur de 50 euros par gramme de CO2 supplémentaire. La barre sera ensuite abaissée progressivement à 106 grammes en 2026 et 98 grammes en 2027.

En d’autres termes, dès 2025, les Peugeot 208 essence seront taxées entre 550 et 750 euros au titre du malus écologique. En 2026, avec un taux de CO2 qui diminue, toutes les nouvelles immatriculations de voitures thermiques essence et diesel seront taxées entre 100 et 1050 euros, selon les modèles. En 2027, le niveau de CO2 diminuant encore, le malus représentera entre 500 et 1450 euros.

De l’autre côté des gammes automobiles, les véhicules les plus polluants seront de plus en plus taxés, jusqu’à 90.000 euros à l’achat en 2027 pour les grosses berlines, SUV et modèles sportifs émettant plus de 185 grammes en 2027, selon le projet de budget. Selon le gouvernement, ce malus est augmenté pour « respecter les engagements nationaux et européens en matière de décarbonation des transports routiers ».

Outre le malus CO2, le malus masse sera aussi alourdi : les voitures pesant plus de 1500 kilogrammes seront taxées à partir de 2026 (contre 1600 jusqu’ici), entre 10 et 30 euros par kilogramme en trop.

L’enveloppe du bonus censé encourager l’achat de voitures électriques neuves passe, quant à elle, de 1,5 à 1 milliard d’euros. Si les détails des dispositifs n’ont pas été publiés, ils financeront « en priorité les ménages les plus modestes », indique le gouvernement, sans préciser si le leasing social pour les voitures électriques sera renouvelé, alors que le prix des voitures électriques reste toujours inabordable pour les classes moyennes.

Le « programme d’économies » touche aussi les entreprises, qui bénéficiaient d’un abattement de ce malus masse sur tous les véhicules hybrides non-rechargeables : il sera réservé aux seuls véhicules « performants sur le plan environnemental ».

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Une « erreur » et une « double peine » pour le patron de Stellantis

Le patron du constructeur automobile Stellantis, Carlos Tavares, a qualifié d’ « erreur » et de « double peine » l’alourdissement du malus sur les voitures à essence et diesel annoncé par le gouvernement dans le cadre du Budget 2025.

« Je pense que c’est une erreur, c’est une double peine, il n’est pas utile de rendre les véhicules thermiques inabordables, c’est une pénalité pour la liberté de mouvement des classes moyennes, 70 % de nos concitoyens ont besoin de leur voiture pour leur vie de tous les jours, notamment pour aller travailler », a souligné M. Tavares.

Il juge que « porter atteinte à la liberté de mouvement par l’aspect économique de nos classes moyennes est une erreur ». « C’est pas comme ça que nous allons régler le problème », affirme-t-il, « il faut commencer par travailler sur la réduction du prix des véhicules électriques, pour rendre cette mobilité tout à fait abordable, mais aussi pour combattre l’offensive chinoise ».

« Je ne pense pas que soit une bonne mesure, elle n’arrange personne, ni les citoyens ni les entreprises, je comprends que ça fait des recettes fiscales supplémentaires, mais je pense aussi que l’automobile a déjà fait preuve de beaucoup de générosité en matière de création de recettes fiscales », a poursuivi le patron de Stellantis.

« A force de charger les constructeurs automobiles, ils finiront un jour par mettre un genou à terre », a-t-il ajouté, soulignant que « 14 millions de personnes en Europe vivent de l’automobile ».

« Le malus va toucher […] un nombre plus grand de véhicules. »

Le nouveau ministre de l’Économie est déjà venu assurer les industriels de son soutien au Sommet de l’automobile, en marge du Mondial de Paris.

« Vous ne pouvez pas vous retrouver dans un étau serré, constitué d’une part par les pénalités (européennes) sur trop peu de véhicules électriques, et d’autre part par les pénalités sur trop de véhicules thermiques », a déclaré le ministre de l’Économie Antoine Armand aux représentants de la filière. « Les injonctions contradictoires ne peuvent pas éternellement reposer sur ceux qui créent des emplois et de l’activité économique dans le pays. »

Parallèlement, « le débat parlementaire devra permettre d’ajuster les paramètres du malus automobile », a souligné M. Armand. Ce budget est « toujours perfectible, c’est le principe d’un budget », et a été élaboré « dans des délais extrêmement brefs », a-t-il expliqué.

Interrogé sur le projet de budget présenté la semaine dernière, le ministre de l’Industrie Marc Ferracci  a admis que « le malus va être étendu, il va toucher, dans la version initiale de ce projet de loi de finances, un nombre plus grand de véhicules. » Il propose cependant que des « équilibres différents » soient trouvés, avec « un peu moins de malus ».

Un « impôt déguisé »

« C’est la double peine », a également lancé lors d’une conférence de presse Luc Chatel, président de la Plateforme automobile (PFA), qui représente constructeurs et équipementiers. D’un côté, les ventes de voitures électriques patinent, et « de l’autre on va nous taxer sur l’activité historique (moteurs à essence et diesel), qui fait encore 85 % du marché », a-t-il expliqué.

L’alourdissement du malus sur les voitures les plus polluantes serait un « impôt déguisé » pour les automobilistes et une menace pour l’industrie, a-t-il déclaré. Luc Chatel a dénoncé devant les sénateurs ce changement de barème. Selon lui, ces nouvelles recettes trahiraient en effet le principe de « peréquation », entre le malus sur les véhicules polluants et le bonus sur les véhicules moins polluants.

Il s’agirait désormais de taxer non plus « les 20 % les plus pollueurs » mais « monsieur et madame Tout-le-monde », a lancé le représentant des constructeurs et des équipementiers. Le secteur demande « de la stabilité, de la lisibilité, de la simplicité » dans ces mesures d’incitation fiscale, sous peine de rester « incompréhensibles » pour les acheteurs, selon M. Chatel.

« C’est un impôt sur l’automobiliste qui se prépare », a-t-il estimé.

« Nous sommes à la veille de situations extrêmement graves dans la filière automobile », juge le président de la PFA. L’industrie automobile « va mal » et « on a l’impression que les politiques détournent leur regard ». Il manque « au niveau français comme au niveau européen une politique de long terme » sur cette industrie.

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