Budget 2025, l’indispensable freinage des dépenses publiques

Par Ludovic Genin
10 octobre 2024 07:19 Mis à jour: 10 octobre 2024 22:35

Depuis son discours de politique générale, Michel Barnier n’a cessé de dramatiser les enjeux de la « crise financière » qui guette la France pour mettre les forces politiques face à leurs responsabilités à l’approche des débats budgétaires.

Un « freinage » est « indispensable ». « Sinon on va droit vers une crise financière […] Elle est devant nous, il faut la prévenir », a mis en garde le Premier ministre en marge du Sommet de l’élevage à Cournon-sur-Auvergne, dans le Puy-de-Dôme, le 4 octobre.

Il avait déjà dénoncé une dette « colossale » trouvée en arrivant à Matignon ainsi qu’un déficit public dépassant 6 % du PIB cette année. Son budget pour 2025 va être présenté ce 10 octobre en Conseil des ministres, avant son passage devant les Assemblées.

Barnier en terrain miné

« On anticipe un examen cauchemardesque », mais « on y est prêt » : le gouvernement se prépare à des discussions ardues sur les textes budgétaires à l’Assemblée, face à une gauche hostile, un Rassemblement national à l’affût et un « socle commun » qui multiplie les « lignes rouges ».

Le gouvernement doit présenter ce 10 octobre ses projets de loi de finances (PLF) et de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), avec un retard inédit de neuf jours, projets de loi qui seront le point de départ d’un parcours législatif périlleux devant normalement s’achever au plus tard le 22 décembre.

La présentation intervient au lendemain d’une réunion houleuse du groupe macroniste Ensemble pour la République (EPR), présidé par Gabriel Attal, avec M. Barnier, faisant dire à un député que les discussions budgétaires seront « très difficiles », avec un socle commun LR/camp présidentiel « très fragile ».

Pour le PLF comme pour le PLFSS, nul n’imagine que le gouvernement puisse s’exonérer d’un passage au 49.3 – cette arme constitutionnelle qui permet de faire adopter un texte sans vote -, face à une assemblée fragmentée en trois blocs, et alors que le gouvernement s’est fixé pour ambitieux objectif de réduire le déficit de 60 milliards d’euros.

« Ce qui change […] c’est que nous disposons au Sénat d’une majorité sur laquelle on peut s’appuyer », souligne un conseiller gouvernemental, qui pointe le caractère « coûteux politiquement et usant psychologiquement pour le Premier ministre » d’une litanie de 49.3.

Il s’agit pour Michel Barnier de justifier ses mesures de « redressement » des finances publiques déjà contestées, avec 40 milliards de réductions de dépenses et 20 milliards d’impôts supplémentaires.

Une opposition vent debout

À l’Assemblée, le Premier ministre Michel Barnier devra composer avec l’opposition frontale de la gauche, qui a défendu sans succès le 8 octobre une motion de censure contre lui.

Dans son discours, le premier secrétaire du PS Olivier Faure a dénoncé un budget « en trompe-l’œil », avec « vingt milliards demandés aux puissances de l’argent », de manière « temporaire », quand des efforts pérennes seront demandés à « tous les autres ».

Le Rassemblement national s’est montré plus conciliant, ayant refusé de joindre ses voix à celles de la gauche pour faire tomber le gouvernement. Sa cheffe de file Marine Le Pen a cependant rejeté la semaine dernière le décalage de six mois au 1er juillet de l’indexation des retraites, une mesure qui permettrait d’économiser quatre milliards d’euros.

Le camp présidentiel ne devrait pas non plus économiser ses flèches, singulièrement les députés EPR. L’ancien ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin n’a eu de cesse ces derniers jours de dénoncer les hausses d’impôts prévues, allant jusqu’à dénoncer un projet de budget « inacceptable ». Gabriel Attal a appelé également à ne pas « charger trop la barque sur les impôts », agissant en coulisses pour tenter de peser sur les décisions du nouveau Premier ministre.

Le MoDem devrait à son habitude se montrer favorable à des mesures allant dans le sens de plus de « justice fiscale » (taxation des superdividendes, des rachats d’actions, fiscalité sur le capital). Quant au président du groupe LR, Laurent Wauquiez, il a mis sur la table la semaine dernière un plan pour dégager cinquante milliards d’économies, dénonçant au passage la « situation catastrophique » des finances publiques après sept ans de macronisme.

La Justice, l’Intérieur et la Défense non concernés par les réductions de dépenses

Le budget 2025 maintiendra « une hausse des effectifs sur la justice, sur l’intérieur et sur la défense », a assuré le 9 octobre la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon en réponse à des craintes exprimées par le ministre de la Justice, Didier Migaud.

« Notre engagement, ce sera de maintenir une hausse des effectifs sur la justice, sur l’intérieur et sur la défense », a déclaré Mme Bregeon, sans détailler cependant le niveau de cette hausse.

Le budget de la Justice « ne sera pas satisfaisant », avait estimé le garde des Sceaux Didier Migaud, affirmant cependant être « mobilisé » pour que « les engagements principaux soient tenus, notamment au niveau des effectifs » de magistrats ou encore de greffiers.

Dans le budget présenté, « il y aura une attention particulière sur trois sujets qui sont les sujets régaliens sur la justice, sur l’intérieur et sur la défense », a assuré Mme Bregeon.

Le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, a estimé quant à lui qu’il ne devait pas y avoir de « tabou » dans le budget pour 2025 afin de redresser les finances publiques, se défendant toutefois de toute « cure d’austérité » ou « matraquage fiscal ».  « Notre pays est dans une situation qui est grave, il faut la regarder avec lucidité », a-t-il déclaré.

Michel Barnier a dit vouloir « jouer collectif » et « ouvrir le dialogue le plus large possible », en n’écartant pas d’asseoir son autorité de Premier ministre du pays. « C’est moi qui fixe la ligne », a-t-il assuré la semaine dernière, en assumant des hausses d’impôts pour quelque « 300 entreprises » ainsi que pour « les personnes les plus fortunées ».

Serrage de vis drastique sur la Sécurité sociale

Avec des comptes dans le rouge, le budget de la Sécurité sociale (PLFSS) n’échappera pas à l’effort de réduction du déficit public, voulu par le gouvernement Barnier. Le déficit de la Sécu a dérapé. En juin, la Commission des comptes de la Sécurité sociale a estimé qu’il s’établirait à 16,6 milliards d’euros en 2024, contre 10,5 initialement programmés dans le budget adopté l’an dernier. Selon Les Échos, sans mesures d’économies, le déficit pourrait même approcher les 25 milliards en 2025.

Le gouvernement prévoit donc un tour de vis drastique, comme pour le budget de l’État et des collectivités locales. Selon les indications qu’il a fournies la semaine dernière, la Sécurité sociale devra trouver environ 13 milliards d’euros d’économies l’an prochain, soit un tiers des 40 milliards annoncés pour l’ensemble de la sphère publique.

Pour économiser 4 milliards d’euros, le gouvernement a annoncé qu’il reporterait de six mois la revalorisation des retraites, qui augmentent habituellement en janvier en fonction de l’inflation. Les arrêts de travail sont aussi dans le viseur. Les dépenses liées, en forte hausse, pourraient « dépasser 17 milliards d’euros » en fin d’année, selon le directeur de l’Assurance maladie, qui a récemment appelé à transformer le système. L’Assurance maladie espère aussi économiser 420 millions d’euros via la lutte contre la fraude.

Elle voudrait enfin réduire les hospitalisations évitables et limiter le gaspillage des produits de santé. Les hôpitaux et les établissements médico-sociaux sont en situation difficile. Le déficit public des hôpitaux devrait atteindre 2 milliards d’euros en 2024, selon la Fédération des hôpitaux publics. Elle réclame pourtant une hausse de 6 % de l’enveloppe dédiée par rapport à celle de l’an dernier, à 111,9 milliards d’euros.

Les collectivités devront participer à l’effort budgétaire

Comme l’État et la Sécu, les collectivités locales sont priées de contribuer à l’effort budgétaire en 2025, pour 5 milliards d’euros. Elles ont déjà annoncé n’accepter « aucune » ponction.

Le principal dispositif prévu est un fonds d’épargne qui serait imposé aux 450 « plus grosses » collectivités, pour un coup de frein de 2,8 milliards d’euros sur la dépense. Cette épargne serait « restituée » ultérieurement, selon des modalités encore à définir, et vingt départements « sensibles » en seront épargnés. Autre annonce, un gel de la revalorisation annuelle des recettes de TVA touchées par les collectivités, ce qui économiserait entre 1,3 et 1,5 milliard d’euros.  La troisième mesure proposée par l’État pèserait sur le fonds qui sert normalement à compenser la TVA acquittée par les collectivités. Cela devrait rapporter 800 millions d’euros.

Dans un contexte où les collectivités locales sont à cran ces dernières semaines, depuis qu’un document de Bercy, sous l’ancien ministre Bruno Le Maire, les a accusées d’avoir dégradé le déficit public à hauteur de 16 milliards d’euros cette année, et que la Cour des comptes a suggéré d’y supprimer quelque 100.000 emplois, le projet de loi est attendu au tournant.

« Les Régions ne peuvent être la solution à un État trop dépensier et inefficace », a réagi de son côté Carole Delga, présidente de Régions de France et de la région Occitanie, arguant dans un communiqué que les régions « portent aujourd’hui 12 % de l’investissement public sur tous les territoires pour seulement 1 % de la dette nationale ».

Pour l’Association des petites villes de France (APVF), s’il est « absolument nécessaire de redresser les comptes de la nation », ces efforts ne doivent pas se faire au « prix de l’investissement des collectivités ».

La dette des collectivités ne représente que 208 milliards d’euros sur les 3228 milliards de la dette publique dans son ensemble, a soutenu pour sa part M. Laignel. Les collectivités comptent désormais sur le débat parlementaire pour amender dans un sens plus favorable le projet de loi de finances.

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