Budget : derniers instants décisifs avant le 49:3 et une censure du gouvernement

Par Germain de Lupiac
1 décembre 2024 16:57 Mis à jour: 3 décembre 2024 12:59

L’étau de la censure va se resserrer d’un dernier cran sur Michel Barnier en début de semaine. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) sur lequel l’Assemblée nationale va devoir se prononcer est truffé d’irritants pour les oppositions : allègements de cotisations patronales, désindexation partielle des retraites, déremboursements de médicaments, etc.

Sans majorité, le Premier ministre pourrait utiliser le « 49.3 », qui permet l’approbation d’un texte sans vote. Mais il s’exposerait à une motion de censure votée par le RN dès mercredi, si certaines lignes rouges sont dépassées.

« La censure n’est pas inéluctable. Il suffit que M. Barnier accepte de négocier », a affirmé Marine Le Pen dans un entretien à La Tribune Dimanche, reprochant que le RN, premier parti à l’Assemblée nationale, n’ait pas été approché plus tôt pour « participer à l’élaboration d’un budget ».

Même si le budget de la Sécu a fait l’objet d’un accord entre députés et sénateurs, le gouvernement peut encore modifier son texte jusqu’au dernier moment.

L’ombre de la censure

Le gouvernement est-il prêt pour autant à de nouveaux gestes ? Alertant « sur la facture de la censure » dans un entretien au Parisien, le ministre des Comptes publics Laurent Saint-Martin a estimé que le texte était le fruit d’un compromis entre sénateurs et députés. « Censurer ce texte reviendrait à censurer un accord démocratique ».

Le ministre craint que la chute du gouvernement provoque une hausse des taux d’intérêts de la dette, plombant ainsi la capacité de l’État « à protéger le pouvoir d’achat ».

Si la gauche et le Rassemblement national unissent leurs voix, le gouvernement à toutes les chances de tomber, relançant le pays dans l’instabilité politique de l’été.

Reçue pour la première fois à Matignon la semaine dernière, la cheffe des députés RN dit rester « constructive », mais prévient le Premier ministre que s’il refuse de négocier avec le RN d’ici ce lundi, ce serait lui qui prendrait alors « la décision du déclenchement de la censure ».

Les contours du texte et des nouvelles taxes

Pilier du « barniérisme », le Sénat a terminé ce week-end l’examen du volet « recettes » du budget de l’État pour 2025. Après une semaine de débats, les sénateurs ont globalement approuvé l’essentiel des mesures phares du gouvernement, en quête de 60 milliards d’euros d’économies pour relever des finances publiques en berne et ramener le déficit à 5 % du PIB en 2025, contre 6,1 % en 2024.

Plusieurs impôts nouveaux – ou renforcés, ont été créés dans l’examen du texte à l’Assemblée, parfois issus d’alliances de circonstance entre la gauche et le centre. Exemples parmi d’autres : taxe temporaire sur les très hauts revenus, contribution exceptionnelle des grandes entreprises, transformation de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) en impôt sur la fortune improductive (revu et élargi), fiscalité des GAFAM, révision du crédit impôt recherche, etc.

Mais la classe moyenne n’est pas non plus épargnée : désindexation partielle des retraites, déremboursements de médicaments, taxe sur l’électricité, malus automobile renforcé, fiscalité augmentée sur les billets d’avion et les chaudières à gaz, hausse de la TVA sur les bouteilles d’eau minérale, etc. Ces dispositifs ont pourtant passé sans encombre ou presque le filtre sénatorial, alors qu’ils alourdissent la pression sur les Français plutôt que d’élaborer des pistes d’économie.

Sur l’augmentation de la taxe sur l’électricité, censée rapporter plus de trois milliards d’euros, le Sénat avait anticipé le recul de Michel Barnier, qui a finalement renoncé à son relèvement au-delà du niveau d’avant la crise énergétique.

Le Sénat a en outre fait plusieurs gestes en direction des collectivités locales, pour un total de plus d’un milliard d’euros. Il devrait s’attaquer ensuite aux multiples missions budgétaires thématiques, promettant des économies sur les dépenses sur l’Aide médicale d’État (AME) en faveur des immigrés sans papiers, la formation des enseignants, le « Pass culture » ou le Service national universel, etc. – économies dont on ne connaît pas encore l’étendue avant le Budget « recette ».

Le rapporteur général du Budget au Sénat, Jean-François Husson (LR), a promis « plusieurs milliards d’économies » face à un « état d’urgence budgétaire », tout en assurant que la chambre haute, soutien du gouvernement, tentera de conserver la « cohérence » du projet initial de Michel Barnier.

Les lignes rouges du RN, maître des horloges

Minoritaire, le gouvernement multiplie les compromis pour tenter d’échapper à une motion de censure. Après un recul sur les retraites ou les cotisations patronales, le gouvernement a accepté de ne pas augmenter une taxe sur l’électricité afin de satisfaire le Rassemblement national.

Malgré tout, Marine Le Pen ne semble pas à même de renoncer à une censure du gouvernement. Parmi ses « lignes rouges » se trouvait celle de ne pas augmenter les taxes sur l’électricité – accepté par Michel Barnier -, mais aussi l’annulation de la désindexation partielle des retraites sur l’inflation – représentant trois milliards d’économies – au 1er janvier et du déremboursement des médicaments, toujours sur la table.

« Les dernières annonces de Michel Barnier ne sont pas financées par des économies structurelles. Elles aggravent donc un déficit déjà abyssal et ça n’est pas acceptable », a écrit sur X la présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale.

« En l’état, le budget de M. Barnier va précipiter la crise financière générée par sept ans de macronisme, dont les défaillances d’entreprises, la hausse du chômage et les tensions sur les marchés financiers ne sont que les prémices », ajoute-t-elle.

« Nous attendons de voir le projet de budget de la Sécurité sociale lundi pour en tirer les conséquences. Si le texte n’a pas évolué et que le gouvernement décide d’un 49.3, nous voterons la censure », a lancé le député Jean-Philippe Tanguy dans Les Échos.

À ce stade, les concessions du Premier ministre – abandon de la hausse de la taxe sur l’électricité au-delà de son niveau d’avant-crise, promesse de réforme de l’AME, – ne suffisent pas. Michel Barnier a « jusqu’à lundi » pour répondre à ces « lignes rouges » et éviter ainsi la censure, a-t-elle prévenu dans Le Monde.

Il faut « faire des économies sur les politiques publiques, pas sur le dos des Français »

Michel Barnier « crée toutes les conditions de la censure » du gouvernement d’ici la fin de l’année, a estimé pour sa part le vice-président du Rassemblement national Sébastien Chenu.

« Ce budget va impacter les Français, on ne va rien résoudre et donc c’est un très mauvais budget », a jugé M. Chenu. « Les habitants, ils nous disent ça suffit, ça suffit de nous faire les poches ! Faites passer le message. Le message, c’est quoi ? C’est la censure », a-t-il affirmé.

« Nous avons dit qu’il faut faire des économies, non pas sur le dos des Français mais sur des politiques publiques qui sont menées, l’immigration, etc… Il n’y a rien qui a bougé, il n’y a rien qui a été retenu », a-t-il expliqué.

« Moi, je plaide pour qu’on puisse censurer », a-t-il insisté, tout en renvoyant la décision finale à Marine Le Pen, présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale.

Le ministre de l’Économie appelle à la « responsabilité »

Le ministre de l’Économie Antoine Armand a appelé « chacun à ses responsabilités » samedi, alors que le gouvernement est en pleine crise politique.

« L’absence de budget, l’instabilité politique entraînerait une augmentation soudaine et substantielle des coûts de financement de la dette française », a fait valoir le ministre lors d’un point presse au lendemain du maintien de la note de la France par l’agence S&P.

« Dans ce moment crucial, au-delà des clivages partisans, dans l’intérêt général, notre pays a besoin d’un budget », a-t-il plaidé.

« Au fond, on peut se poser une question quand celles et ceux qui avaient certaines lignes rouges en annoncent d’autres au fur et à mesure », a commenté Antoine Armand.

« Nous avons encore quelques jours […] de débat démocratique. Que ce débat se tienne avec, au centre du jeu, le fait de ramener la France à un déficit sous les 5 %, bien loin des postures », a encore appelé le ministre.

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