Budget : une nouvelle épidémie de taxes créées à l’Assemblée nationale

Par Ludovic Genin
19 novembre 2024 07:23 Mis à jour: 19 novembre 2024 22:52

Lors de l’examen du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale, les nombreuses modifications décrochées par le Nouveau Front populaire (NFP) ont assorti le texte de nouvelles taxes sur les superprofits, les superdividendes, les rachats d’actions, le patrimoine des milliardaires, etc., en plus des taxes déjà présentes dans le projet initial. Le texte a été rejeté en toute logique dans l’hémicycle, avant son examen au Sénat.

Devant le concours Lépine de nouvelles taxes, Michel Barnier a annoncé qu’il engagera « probablement » la responsabilité de son gouvernement sur le Budget par l’article 49.3 de la Constitution, qui permet une adoption du texte sans vote.

Le rapporteur général du Budget Charles de Courson a craint de son côté que ce nouveau train de taxes aggraverait en réalité les recettes de l’État, créant également un phénomène d’overdose fiscale touchant une majorité de Français.

Le bilan du passage du Budget à l’Assemblée

Malus pour les deux roues bruyants, taxe sur les rachats d’actions, renforcement de la taxe sur les transactions financières : l’Assemblée nationale a adopté la semaine dernière un florilège de taxes contre l’avis du gouvernement.

Lancée dans une course contre la montre pour finir l’examen de la partie recettes du budget de l’État, alors que celui sur la Sécu arrive en ce début de semaine au Sénat, l’Assemblée nationale n’a fait que créer de nouvelles taxes.

Les taxes sur les transactions financières ont été augmentées par un amendement proposé par La France insoumise visant à créer un mécanisme d’impôt sur les rachats d’actions par les entreprises, à hauteur de 10 %. Ont été adoptés également un relèvement de la taxe Gafam sur les géants du numérique de 3 à 5 %, du fait d’une alliance hétéroclite entre la gauche, le RN mais aussi la Droite républicaine ; d’une taxe kilométrique « d’harmonisation environnementale » (avec les voix du RN et de la gauche) ; ou encore d’une taxe représentant 3 % de la masse salariale pour les entreprises ne respectant pas la loi Copé-Zimmerman sur la féminisation des directions d’entreprise.

Une augmentation des taxes sur la facture d’électricité est déjà prévue dans le projet de budget initial présenté par le gouvernement. « Cette fiscalité qui représente d’ores et déjà près d’un tiers du montant total de la facture d’électricité, pourrait en constituer demain le premier poste, induisant que les consommateurs d’électricité contribuent plus au budget de l’État qu’au bien et service qu’ils consomment », ont dénoncé seize fédérations et associations professionnelles du secteur de l’énergie.

Pour alléger les efforts budgétaires demandés aux départements, le Premier ministre Michel Barnier a annoncé la semaine dernière la possibilité de relever le plafond des taxes prélevées sur les transactions immobilières de 0,5 à 5 % – une mesure qui pèserait sur les frais payés pour l’achat d’un bien immobilier des nouveaux acquéreurs. Cela « représente 1250 euros supplémentaires pour un crédit moyen de 250.000 euros », selon Caroline Arnould, directrice générale du courtier Cafpi.

Le projet de budget 2025 rejeté pour cause d’overdose fiscale

Les efforts de la gauche n’y ont rien fait : la version « NFP compatible » du projet de budget 2025 a été rejetée à l’Assemblée, notamment par les voix de la coalition gouvernementale et du Rassemblement national.

Dans ce scénario à front renversé, les députés ont rejeté par 362 voix contre 192 la partie « recettes », ce qui équivaut à repousser l’intégralité du texte. Et ce, même si la partie « dépenses », sur laquelle le gouvernement compte faire la plus grande partie de ses « 60 milliards d’économies » avec des mesures contestées comme la suppression de postes d’enseignants, n’a pas encore été étudiée dans l’hémicycle.

Le ministre du Budget Laurent Saint-Martin a confié après le vote une « forme de désolation », tout en saluant le rejet d’un « matraquage fiscal ». Le nouveau texte « NFP-compatible », selon les mots du président LFI de la commission des Finances Éric Coquerel, chiffrait un nouveau solde net de recettes créées « de 58 milliards d’euros » portant principalement sur les plus riches. Le gouvernement a pointé une « overdose fiscale », chiffrée de son côté à « 35 milliards d’euros et qui n’épargnera personne ».

Le rapporteur général du budget Charles de Courson (groupe centriste Liot), a pour sa part jugé que de nombreuses mesures votées étaient inconstitutionnelles, incompatibles avec le droit européen, ou mal rédigées, de sorte que le texte allait, selon lui, aggraver les recettes de l’État.

Son projet de loi de Finances, s’il est adopté à la chambre haute, devra ensuite passer par une commission mixte paritaire et un dernier vote dans chaque chambre avec probablement un 49.3 à l’Assemblée nationale. La gauche a déjà prévu de répondre par une motion de censure, à risque pour le gouvernement si elle était soutenue par le RN.

Michel Barnier parle pour la première fois du 49.3 

« Quand je vois ce qui s’est passé à l’Assemblée » – où ses soutiens de la droite et du centre ont rejeté le projet de budget pour 2025 qui avait été profondément modifié par la gauche – « il me semble difficile de faire autrement au bout de la discussion », a affirmé le Premier ministre dans un entretien à Ouest-France.

« Mais vous observerez que nous avons fait le choix de laisser le débat s’y dérouler », a-t-il ajouté.

Alors que le 49.3 peut être suivi par le dépôt d’une motion de censure, il estime que « les Français ne souhaitent pas » le renversement du gouvernement. « Ce que j’entends le plus, c’est : ‘Courage, tenez bon’. Croyez-moi, je n’en manque pas », ajoute-t-il.

Dans ce projet de budget, le chef du gouvernement promet des « ajustements significatifs » en faveur des collectivités. Le Premier ministre assure qu’il ne va « pas recréer » une taxe d’habitation, qui avait été supprimée par Emmanuel Macron et dont le retour est réclamé par certains maires, ni « créer de nouveaux impôts » locaux, alors que la ministre du Partenariat avec les territoires Catherine Vautrin s’était dite « ouverte à un débat sur la fiscalité locale ».

Il se montre par ailleurs « très réservé » sur l’idée de supprimer un jour férié pour remplir les caisses de la Sécurité sociale. « Je suis très réservé sur cette idée, complexe à mettre en œuvre et dont je ne suis pas sûr qu’elle rapporte ce que certains prétendent. »

Il se dit par contre plus favorable au fait de travailler plus. La commission des Affaires sociales du Sénat propose d’ailleurs que les actifs travaillent 7 heures de plus par an, sans rémunération, pour financer la Sécurité sociale, a-t-elle indiqué en présentant ses amendements au projet de budget de la Sécurité sociale.

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