Le Cachemire indien a connu une année tumultueuse depuis que le gouvernement indien du Premier ministre Narendra Modi a révoqué le 5 août 2019 l’autonomie constitutionnelle de la région, décision politique majeure dont mercredi marque le premier anniversaire.
Pour l’occasion, l’AFP revient sur le contexte de cette manœuvre controversée, l’importante répression sécuritaire et ses conséquences.
L’Inde et le Pakistan se sont livré deux guerres au sujet de l’ancien État princier du Jammu-et-Cachemire, situé dans l’Himalaya et à majorité musulmane. Si les deux frères ennemis revendiquent chacun la région, elle est divisée de fait entre eux depuis 1947. La Chine en contrôle certaines zones dans la partie orientale.
L’ONU a appelé à la tenue d’un référendum, jamais tenu
En 1948, dans l’une de ses premières résolutions, l’ONU a appelé à la tenue d’un référendum afin que les Cachemiris fassent connaître leur préférence. Ce vote ne s’est jamais tenu.
Depuis trois décennies, une insurrection séparatiste fait rage contre New Delhi dans la partie du Cachemire sous son administration. L’Inde accuse le Pakistan de soutenir ces groupes armés, en leur servant notamment de base.
Cette rébellion, qui a entraîné une réponse sécuritaire musclée des forces indiennes, a fait des dizaines de milliers de morts depuis 1989, principalement des civils.
Février 2019, attentat suicide
L’Inde et le Pakistan échangent régulièrement des tirs d’artillerie au-dessus de leur ligne de démarcation au Cachemire. En février 2019, un attentat suicide a coûté la vie à 40 paramilitaires indiens, plaçant les deux pays au bord d’une nouvelle guerre.
Les nationalistes hindous considéraient le statut spécial du Jammu-et-Cachemire – qui lui accordait une relative autonomie au sein de l’État fédéral, avec son propre drapeau et sa Constitution – comme une aberration historique. Leur programme promettait de longue date de l’abroger.
L’autonomie du Jammu-et-Cachemire une aberration
L’autonomie du Jammu-et-Cachemire « n’a engendré que terrorisme, séparatisme, népotisme et corruption généralisé », a estimé Narendra Modi, assurant que cette révocation apporterait paix et prospérité aux Cachemiris.
La modification a placé le Cachemire indien sous tutelle directe de New Delhi. L’État du Jammu-et-Cachemire a été rétrogradé au statut de territoire de l’Union, ce qui lui donne des prérogatives moindres qu’un État fédéré, et scindé en deux: le Jammu-et-Cachemire à l’Ouest, le Ladakh à l’Est.
Vaste opération sécuritaire
Le changement de statut s’est accompagné d’une vaste opération sécuritaire. New Delhi a acheminé au Cachemire indien des dizaines de milliers de soldats en renfort, dans une zone qui en compte déjà près d’un demi-million et est l’une des plus militarisées du monde.
Pour éviter la contestation des populations locales, les sept millions d’habitants de la vallée du Cachemire ont été bloqués chez eux pendant des semaines, leur liberté de mouvement sévèrement restreinte et les rassemblements interdits.
Les lignes de téléphones fixes, les communications mobiles et internet ont été coupés pendant des mois, isolant le Cachemire du reste du monde.
Les autorités indiennes ont placé en détention près de 7.000 personnes dont trois anciens chefs de l’exécutif du Jammu-et-Cachemire. Des centaines de personnes restent assignées à résidence ou détenues, la plupart sans charges.
Des jeunes hommes ont relaté à l’AFP et à d’autres médias étrangers avoir été interpellés et torturés par des soldats. L’Inde dément leurs récits.
À l’exception de critiques de la Malaisie, de la Turquie et de la Haute-Commissaire de l’ONU aux droits humains Michelle Bachelet, la répression sécuritaire indienne au Cachemire a suscité peu de réactions officielles à l’étranger. L’Inde considère le Cachemire comme une question interne et refuse l’internationalisation du dossier.
La vie quotidienne actuelle au Cachemire
La vie quotidienne reste ardue au Cachemire. Des centaines de barrages militaires sont toujours en place, l’accès à internet est aléatoire et lent.
L’impact économique a été dévastateur. Fin 2019, un demi-million d’emplois avaient été perdus au Cachemire indien, selon la Chambre de commerce et d’industrie locale.
Le nouveau confinement décrété pour lutter contre la pandémie de coronavirus a aggravé une situation déjà dramatique. Les enfants n’ont presque pas eu école depuis un an.
Les opérations sécuritaires contre l’insurrection se sont accélérées, laissant augurer d’un bilan humain du conflit en 2020 au plus haut depuis des années.
L’Inde a accordé à des dizaines de milliers de personnes se trouvant à l’extérieur de la région les mêmes droits qu’aux Cachemiris, ce qui fait qu’elles peuvent désormais y acheter des terres. Les détracteurs du gouvernement l’accusent de vouloir bouleverser à long terme la démographie de la région en y faisant venir plus d’hindous.
Des entreprises étrangères ont aussi reçu des concessions minières, au détriment du respect de l’environnement selon leurs opposants.
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