Dans l’ouest du Cambodge, dans la région des fameux temples d’Angkor, les touristes les plus aventureux peuvent traverser les rizières à bord d’un « train de bambou », une simple plateforme équipée d’un moteur. Mais plus pour longtemps.
« Cela fait du bien de sentir de l’air sur mon visage ! », s’enthousiasme, dans la touffeur de cette fin de mousson, Josefin Strang. Cette touriste suédoise de 25 ans a pris place sur ce chariot à ciel ouvert, équipé d’une simple natte et de quatre roues réglées sur l’écartement des rails.
Ces chariots faits main témoignent de l’art de la débrouille au Cambodge, pays qui reste l’un des plus pauvres d’Asie, où le gouvernement, accusé de corruption généralisée, n’a pas eu pour priorité le développement des réseaux de transport ces dernières années.
Ce « train de bambou » a été créé dans les années 1980 par les habitants eux-mêmes pour transporter les villageois et les biens de la région, en utilisant ces portions de rails laissées à l’abandon. Les chariots étaient alors poussés à la force des bras, à l’aide d’un bâton de bambou.
Au Cambodge, le réseau ferroviaire, qui compte plus de 600 kilomètres de rail, remonte à l’époque de la colonisation française, à partir des années 1930.
Mais de larges portions comme celle-ci ont été abandonnées après les tumultueuses années du régime khmer rouge (1975-79).
L’utopie marxiste des Khmers rouges supposait de faire retourner les Cambodgiens aux champs, loin de tous les progrès liés au capitalisme. À l’époque de Pol Pot, les trains étaient utilisés pour transférer les travailleurs d’un camp de travail à un autre.
Au total, des centaines de milliers de Cambodgiens ont emprunté ces voies, entassés dans des wagons hors d’âge, lors des quatre années du régime khmer rouge qui ont vu mourir un quart de la population du pays.
Aujourd’hui, à l’approche des législatives de 2018, le gouvernement de l’homme fort du pays, Hun Sen, au pouvoir depuis la fin des Khmers rouges, s’apprête à remettre les trains en fonction sur cette ligne reliant Phnom Penh et Poipet, ville frontalière de la Thaïlande.
En avril 2016, la ligne entre Phnom Penh et le grand port de Sihanoukville a déjà été rouverte en grande pompe.
Les jours sont comptés
Les jours du « train de bambou » sont donc comptés. Le gouvernement prévoit nettoyer la zone début septembre.
Mais pour l’heure, la voie ferrée reste envahie par la végétation tropicale. Et les échoppes vendant des objets issus de l’artisanat local et des T-shirts du « Bamboo train » se sont multipliées.
La remise en service d’une ligne classique, avec des wagons traînés par une locomotive, fait peur à tous ceux qui vivent de cette attraction touristique, conducteurs et vendeurs de snacks.
« Nous sommes très soucieux de ce que nous allons pouvoir faire pour nous nourrir », se lamente Soy Savuth, l’un des chauffeurs du « train de bambou ».
« C’est dommage parce que c’est une activité qui, je pense, rapporte un peu d’argent à la population », compatit Véronique Godignon, touriste française de 47 ans.
Le trajet de sept kilomètres est facturé un peu plus de quatre euros par touriste, dont moins de la moitié est encaissé par le chauffeur, le reste allant aux quelques familles qui tiennent le système.
Mais ces gens « n’ont aucun droit sur la voie ferrée ! », tempête Chan Samleng, directeur des chemins de fer cambodgiens.
La ligne Phnom Penh-Poipet doit rouvrir à la circulation des trains mi-2018. D’ici là, le « train de bambou » devra avoir remballé ses chariots.
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