Camps de vacances – des adultes se souviennent

5 mars 2016 15:54 Mis à jour: 14 mars 2016 19:26

Aller au camp et sortir du cocon familial fait partie de ces expériences fortes qui transforment un enfant et va donc avoir un impact sur sa vie d’adulte. Dans une étude menée par le Dr Troy Glover de l’Université de Waterloo (voir l’encadré), les bienfaits d’un séjour au camp sont mesurés chez les enfants. Ayant moi-même vécu des expériences significatives et positives dans un camp de vacances dans mon enfance, j’ai voulu vérifier auprès de quelques adultes ce qu’ils retiraient de leurs séjours au camp, quelques dizaines d’années plus tard.

Résumé des principales conclusions d’une étude sur les camps, effectuée par le Dr Troy Glover et son équipe, de l’Université de Waterloo en Ontario

– 65 % des enfants connaissent une évolution positive de leurs aptitudes à créer de nouvelles amitiés – parfois avec des personnes qu’ils jugent différentes – et à régler les conflits qui peuvent survenir. Le camp se révèle un environnement sécuritaire favorisant un fort sentiment d’appartenance.

– 69 % des campeurs présentent une croissance positive de leur intelligence émotionnelle, cette capacité à reconnaître et à examiner leurs émotions et celles de leur entourage en fonction de l’âge.

– 67 % des campeurs ressentent une augmentation de leur autonomie et de leur confiance en soi.

– 52 % des campeurs savent mieux protéger l’environnement et adoptent des attitudes et des comportements en conséquence.

– 61 % des campeurs se sont montrés plus enclins à la pratique de l’activité physique à la fin de leur séjour au camp. Au moment où l’on se préoccupe davantage des styles de vie sédentaire et de l’obésité infantile, ce résultat est significatif.

Source : Association des camps du Québec

 

Lorsqu’il avait entre 10 et 14 ans, Jacques Dame, aujourd’hui retraité, est allé au Camp De-La-Salle, dans Lanaudière. C’était son choix d’aller au camp : le Montréalais s’ennuyait en ville, tous ses amis étaient partis. De plus, il préférait passer de longs séjours de trois à six semaines au camp plutôt que d’accompagner encore ses parents à Old Orchard Beach, dans le Maine, où la mer était très froide et où il n’y avait pas d’activités intéressantes pour lui.

Alors qu’au camp De-La-Salle, il y avait tellement d’activités que le garçon qu’il était n’avait pas le temps de s’ennuyer : les cours de natation du frère Marcellus tous les matins, les plongeons, la bicyclette, les excursions à pied, les sports de ballon, etc. « J’étais de nature assez sportive, ce qui fait que j’étais toujours bien heureux là », se souvient M. Dame. À tel point qu’il y a même été moniteur de trampoline par la suite. Avant de découvrir ce camp par l’intermédiaire de son oncle, le petit garçon avait été envoyé dans un camp dans le sud des États-Unis, il n’avait pas aimé cette expérience : c’était un camp trop rustique. Qu’importe, cela ne l’a pas empêché d’apprécier cet autre camp qu’il a connu par la suite, beaucoup mieux organisé.

Les dortoirs au Camp De-La-Salle à une autre époque… (Camp De-La-Salle)
Les dortoirs au Camp De-La-Salle à une autre époque… (Camp De-La-Salle)

La vie de ce retraité aurait-elle été différente s’il n’avait pas fait ces séjours au camp De-La-Salle ? « Probablement. J’ai sûrement gagné plus d’entregent. J’ai été vendeur toute ma vie, il faut être capable de communiquer avec la clientèle, quelle que soit la personne qui est devant soi. C’est important. J’ai gagné ma vie avec ça, donc il faut croire qu’être avec des gens inconnus m’a peut-être aidé. »

C’est d’ailleurs au camp que Jacques Dame a appris à travailler : à la cafétéria, il servait les plats, d’autres petits gars faisaient la vaisselle, puis ils alternaient. « Ça responsabilise », admet-il. Il en profitait aussi pour devenir ami avec le cuisinier et les autres employés de la cuisine qui préparaient de bons petits plats.

Lorsqu’il raconte ses souvenirs de l’époque, on sent de la fierté et une certaine confiance en lui qu’il a dû y gagner. « J’ai même été filmé sur le film du camp en plongeant du grand tremplin sur le lac. J’étais le meilleur plongeur du camp, la vedette ! » De la même manière, le plus beau souvenir qu’il a du camp De-La-Salle est une prouesse : le tour du lac à la nage, près de quatre heures de natation, accompagné d’une chaloupe. « Ce fut tout un exploit ! »

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De son côté, Anne-Marie Bellemare a profité de ses multiples séjours au Ranch Massawippi, un camp de vacances près de Granby, pour oser faire des activités qu’elle n’aurait jamais faites, poussant ses limites. « On n’était pas obligé de faire toutes les activités, mais il fallait au moins essayer. »

Par exemple, elle a fait du tir à l’arc, passé 24 heures dans la forêt avec son sac de couchage et un peu de nourriture seulement, fait de l’hébertisme et du canot. « Je ne chante pas dans ma vie, dans ma famille, mais on chantait beaucoup là-bas. J’adorais ça. Peut-être que j’ai pu laisser aller ma créativité à ce niveau-là, je ne l’aurais pas fait ailleurs. »

Étant l’avant-dernière d’une famille de six enfants, Mme Bellemare a dû suivre la règle familiale qui « obligeait » chacun des enfants à aller dans un camp au moins une fois dans leur vie, juste pour tenter l’expérience de groupe, l’expérience d’être loin de sa famille. « Après, ils ne nous forçaient plus. C’est sûr que “forcer”, c’est entre guillemets parce que je n’y serais pas allée si je n’avais pas voulu. »

Le Ranch Massawippi est un camp spécialisé dans l’équitation. (Nicole Nouvel)
Le Ranch Massawippi est un camp spécialisé dans l’équitation. (Nicole Nouvel)

Ayant adoré son premier séjour de deux semaines, la petite fille en redemande et y retourne cinq autres fois, y restant même un mois lors de son dernier séjour, puis elle devient monitrice. Elle y apprend à se détacher de sa famille : « Quand tu es jeune, à sept ans, c’est quand même un petit choc. »

Dans ce camp spécialisé en équitation, Anne-Marie Bellemare apprend à apprivoiser sa peur des chevaux. Les petits spectacles équestres que les campeurs font n’étaient pas sa partie préférée : « Si cela nous fait découvrir que l’on n’aime pas vraiment la compétition, c’est déjà un bon apprentissage ! », admet-elle aujourd’hui en riant.

C’est au ranch Massawippi que la Montréalaise a rencontré, il y a 38 ans, une de ses meilleures amies. Venant d’un milieu aisé, Mme Bellemare a aimé y développer des amitiés avec toutes sortes de personnes venant d’autres milieux et d’autres régions du Québec.

Aujourd’hui travailleuse sociale, celle qui vient de fêter ses 50 ans a toujours adoré les activités de groupe et reconnaît que c’est peut-être pour cela qu’elle a tant aimé ses séjours au camp. « On était tous responsables de notre bien-être, parce que si ça n’allait pas bien dans notre groupe, le groupe allait en subir les conséquences, donc il fallait s’entraider. »

L’esprit de communauté et l’entraide ont été formateurs et font partie de sa vie. Elle organise régulièrement des activités de groupe dans sa vie professionnelle. Elle ne sait pas si cela vient de ses expériences de camp ou bien si elles ont juste renforcé cette tendance naturelle chez elle.

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C’est dans un camp de culture tchèque et slovaque que France Maxant a passé une bonne partie de ses étés, de l’âge de 7 à 14 ans. À cette époque, le camp Hostyn, situé à Saint-Calixte dans Lanaudière, était réservé aux campeurs d’origine de ces pays d’Europe de l’Est.

Étant elle-même d’origine tchèque, la petite fille qu’elle était, qui grandissait en banlieue, y a découvert comment vivre dans la nature : cueillette de framboises, de bleuets et de champignons sauvages, survie en forêt, observation des étoiles, d’aurores boréales et de lucioles, pêcher, bâtir un fort dans la forêt ou une cabane dans les arbres.

« J’ai tellement aimé mon expérience. Mes parents m’avaient envoyée pour une semaine, mais j’ai demandé de rester une deuxième semaine », se souvient-elle. Les autres années, elle y séjournait de deux à trois semaines.

Étant la seule fille d’une famille de quatre enfants, Mme Maxant a appris à être plus indépendante et à avoir plus de confiance en elle au camp. « C’était la première fois que j’étais séparée de mes parents. Il n’y avait pas de soucis parce que je me suis fait beaucoup d’amis. Il y avait de bons moniteurs pour nous encadrer et un programme qui faisait que je ne pouvais pas m’ennuyer, sans oublier l’excellente nourriture. »

Traversée de la rivière au Camp Hostyn (Camp Hostyn)
Traversée de la rivière au Camp Hostyn (Camp Hostyn)

Son principal apprentissage au camp ? « L’amitié dure pour toujours ! », s’exclame-t-elle. « On se faisait des amis d’enfance incroyables. Je suis toujours amie avec plusieurs de ces personnes, même maintenant. » Sa vie serait-elle différente aujourd’hui si elle n’était pas allée au camp ? « Définitivement ! Les souvenirs d’enfance comme ça sont vraiment inoubliables. »

C’est maintenant au tour de deux de ses quatre enfants, les aînés, d’aller séjourner au camp Hostyn. Le plus vieux apprécie particulièrement avoir des « vacances loin de ses parents » dans ce camp sans but lucratif ouvert à tous depuis 15 ou 20 ans, tout en incluant les traditions tchèques et slovaques.

Les adultes comme France Maxant et les autres anciens campeurs se réunissent au camp Hostyn tous les cinq ans pour revoir les amis d’enfance, certains venant des États-Unis ou de la République tchèque.

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