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Canada: en pleine campagne, le casse-tête de la violence des armes à Toronto

octobre 19, 2019 8:01, Last Updated: octobre 19, 2019 8:18
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Longtemps associé à la violence des gangs, le quartier de Regent Park à Toronto, plus grande ville du Canada, a bien changé. Mais les armes à feu continuent d’y faire des victimes et sur le terrain, les promesses électorales des candidats aux législatives ne font pas l’unanimité.

Christopher Rogers a grandi ici, et c’est toujours avec un mélange d’émotions qu’il revient. « J’ai vu des choses ici que l’on ne voit que dans les films », dit le Canadien de 35 ans, ancien membre de gang qui a quitté cette vie pour cofonder une association faisant de la prévention auprès des jeunes.

« J’y ai de très bons souvenirs et d’autres beaucoup plus tristes, autant de choses qui ont fait de moi qui je suis aujourd’hui », ajoute-t-il. Trafic de drogue, fusillades, gangs de rue… Regent Park, né d’un projet de logements sociaux construits à la fin des années 1940, a longtemps été synonyme de crime.

Objet d’une revitalisation ambitieuse depuis 2005, il est aujourd’hui transformé mais les problèmes n’ont pas tous disparu. Depuis un mois, deux jeunes hommes y ont été blessés dans deux fusillades.

La ville de Toronto, poumon économique du Canada, est particulièrement touchée par ce phénomène. Depuis le début de l’année, elle a été le théâtre de 370 fusillades, plus du double que pour toute l’année 2014, qui ont fait 30 morts.

Un durcissement du contrôle des armes

Pour enrayer le phénomène, le maire de la ville, John Tory, a demandé au gouvernement fédéral un durcissement du contrôle des armes, faisant de la question l’un des enjeux de la campagne des législatives.

Le Premier ministre Justin Trudeau, chef du parti libéral, a proposé de renforcer les contrôles, d’interdire les fusils d’assaut et de permettre aux municipalités qui le souhaitent, comme Toronto ou Montréal, de bannir les armes de poing.

Son rival conservateur Andrew Scheer -les deux partis sont au coude-à-coude dans les sondages- a lui assuré qu’un gouvernement conservateur ne toucherait pas à la liste des armes interdites mais durcirait les peines pour les crimes liés aux gangs et les personnes possédant une arme de contrebande.

La police de Toronto, de son côté, attribue l’essentiel de ces violences aux gangs. En réponse, elle a lancé en août un plan d’action de 11 semaines, qui consiste en un renforcement des effectifs dans les zones sensibles et une plus forte implication de la police auprès de la population.

A mi-parcours, la police dit avoir procédé à plus de 200 arrestations ainsi qu’à des saisies d’armes.

Mais certains experts estiment que les autorités réagissent à « l’émotion » et que le déploiement de davantage d’agents ne fera que déplacer les violences.

Après avoir baissé entre 2009 et 2013, le nombre de crimes violents impliquant des armes à feu a augmenté de 42% dans tout le pays entre 2013 et 2017, selon Statistique Canada. Une hausse due en bonne partie à la situation à Toronto, d’après l’institut officiel.

Selon Adam Ellis, ancien membre de gang devenu chercheur au département de criminologie à l’Université de Toronto, les violences exposent au grand jour les inégalités qui sévissent à Toronto, métropole de 6 millions d’habitants où le coût de la vie, notamment l’immobilier, a augmenté ces dernières années.

Des gamins de 12 ou 13 ans avec des armes à feu

« On voit beaucoup de jeunes, et de plus en plus de femmes, tomber dans cette vie, dans les gangs, comme un moyen de survivre », explique-t-il.

Ron Chhinzer, inspecteur à l’unité en charge de la prévention des gangs de la police de Toronto, s’inquiète aussi de l’âge des personnes entraînées dans la violence.

« La dure réalité, c’est que nous voyons des enfants de plus en plus jeunes commettre des crimes de plus en plus violents. Vous voyez des gamins de 12 ou 13 ans avec des armes à feu ou associés à des fusillades », affirme-t-il.

La police affirme qu’à Toronto, le nombre d’armes en circulation a augmenté. Une partie vient des Etats-Unis voisins, où la possession d’armes est garantie par la Constitution et la violence par armes autrement plus meurtrière.

Si réglementer est essentiel et a fait ses preuves au Canada, la discussion autour des armes est davantage « un débat politique » qui détourne l’attention des problèmes de fond, estime le chercheur Adam Ellis.

« Le problème, ce n’est pas nécessairement l’arme en tant que telle, c’est la masculinité qu’on associe à l’arme », dit-il.

« Arrêtons de parler des armes et ayons enfin une vraie, plus vaste discussion sur la manière dont nous socialisons les jeunes garçons pour qu’ils finissent par croire que la seule façon de prouver leur virilité, c’est à travers une arme à feu ».

 

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