OTTAWA – Une commission sur l’ingérence étrangère dans les élections canadiennes a conclu, dans son rapport initial, que la Chine constituait la menace la plus sérieuse pour le pays.
« L’ingérence étrangère n’est pas l’affaire d’un seul pays. Cependant, la Chine apparaît actuellement comme la menace la plus active et la plus sophistiquée », peut-on lire dans le rapport publié le 3 mai.
Le rapport indique également que les services canadiens du renseignement (SCRS) considèrent « que la Chine est, de loin, la plus grande menace pour l’espace électoral canadien ».
La juge Marie-Josée Hogue, commissaire de l’enquête, ajoute que les résultats peuvent affecter un petit nombre de circonscriptions.
Elle note que les ingérences ont miné la confiance du public dans les élections.
« L’ingérence étrangère en 2019 et en 2021 a porté atteinte au droit des électeurs à un écosystème électoral libre de coercition ou d’influence secrète », a écrit la juge.
« Miner la confiance dans la démocratie et le gouvernement constitue l’un des principaux objectifs de plusieurs États qui se livrent à de l’ingérence étrangère. Ils y sont parvenus en partie en 2019 et en 2021, car certaines Canadiennes et certains Canadiens ont désormais moins confiance dans le processus démocratique du pays. »
L’ingérence étrangère
Le rapport identifie le Département du travail du Front uni (DTFU) comme un outil clé utilisé par Pékin pour interférer et influencer les politiciens en faveur du régime.
« [Le DTFU] brouille la frontière entre l’influence étrangère et l’ingérence étrangère. Il se livre à des activités clandestines, trompeuses et menaçantes partout dans le monde, souvent en exerçant une influence et un contrôle sur certaines communautés issues de la diaspora », indique le rapport.
En plus de tenter d’influencer la communauté de la diaspora, Pékin cible également des groupes au Canada qui sont persécutés ou visés par la Chine, tels que les pratiquants du Falun Gong, les Ouïghours, les Tibétains et les partisans de l’indépendance de Taïwan, indique le rapport.
« À l’échelle mondiale, la Chine est connue pour utiliser l’ingérence étrangère de manière courante pour promouvoir ses propres intérêts. Les autorités canadiennes ont estimé qu’elle était l’acteur étatique étranger le plus actif en matière d’ingérence ciblant les fonctionnaires, les organisations politiques, les candidats aux postes électifs et les communautés issues de la diaspora. »
La Chine utilise une variété d’outils dans sa quête d’ingérence au Canada à son avantage, note le rapport, y compris des mandataires basés au Canada.
La Chine utilise une gamme d’outils, dans sa quête d’ingérence au Canada visant à avancer ses intérêts, y compris des intermédiaires installés au Canada.
« Ces outils comprennent la surveillance des communautés issues de la diaspora et la répression transnationale. Ces activités visent à influencer l’issue des processus démocratiques canadiens, par exemple en soutenant financièrement des candidats favorables, et à influencer de manière clandestine les discours qui appuient les intérêts stratégiques de la RPC », indique le rapport.
« La RPC fait également appel à toute une série d’acteurs. Parmi ces acteurs figurent les représentants de la RPC au Canada, des intermédiaires installés au Canada et des organes du Parti communiste de Chine et de la RPC. »
En outre, le rapport indique que la Chine n’a pas de préférence pour un parti politique canadien, mais soutient plutôt les positions qu’elle considère comme favorables à la Chine, « peu importe l’affiliation politique d’un candidat donné ».
« La RPC [République populaire de Chine] adopte une approche à long terme dans ses opérations d’influence. Elle cherche à établir des relations par des moyens apparents ou clandestins, dans le but d’instaurer la coopération au fil du temps », indique le rapport.
« Elle offre des cadeaux aux personnes qui lui sont favorables, comme des voyages toutes dépenses payées, des possibilités d’affaires, des invitations à des événements prestigieux ou du soutien politique, y compris du soutien financier. Elle a également recours à des méthodes dissuasives, comme le refus de visa, la contrainte économique, l’isolement de la communauté, le harcèlement et l’intimidation de personnes au Canada ainsi que de membres de leur famille vivant encore en RPC. »
En outre, selon le rapport, Pékin contrôle les médias en langue chinoise et les applications de médias sociaux et les utilise pour influencer la diaspora chinoise.
« Cette influence se prolonge bien au-delà des médias basés en Chine qui peuvent être lus au Canada. Elle inclut aussi des médias canadiens de langue chinoise. La RPC utilise son influence pour promouvoir des discours qui lui sont favorables, répandre de la désinformation et supprimer les contenus hostiles à la Chine », peut-on lire dans le rapport.
Bien que la Russie ait été identifiée comme un autre pays menant des actions d’ingérence contre des pays occidentaux, le rapport indique qu’elle ne considère pas le Canada comme une cible prioritaire. « Bien que la Russie ait eu les moyens de se livrer à de l’ingérence étrangère dans les élections canadiennes, elle ne semble pas en avoir eu l’intention », indique le rapport.
Le rapport indique également que l’Inde pourrait avoir tenté d’apporter un soutien financier à des candidats privilégiés lors des élections de 2021, en particulier ceux qui s’alignent sur la position du gouvernement indien à l’égard du mouvement indépendantiste du Khalistan. L’Iran et le Pakistan sont également identifiés dans le rapport comme jouant un rôle de moindre importance dans l’ingérence étrangère au Canada.
La commissaire Hogue a déclaré que, quant à l’implication ou au degré de connaissance que pouvaient avoir certaines personnes de certains actes d’ingérence étrangère, la commissaire a intentionnellement évité de poser des constats sur la seule base du renseignement, car les personnes concernées n’avaient peut-être pas eu une « véritable opportunité » de répondre aux allégations formulées.
Le gouvernement a commandé cette enquête l’année dernière, sous la pression des partis d’opposition, à la suite de fuites du renseignement dans les médias concernant l’ingérence de la Chine dans les élections canadiennes et dans d’autres institutions clés.
Élections de 2019
Le rapport fait état de renseignements selon lesquels 11 candidats politiques aux élections de 2019 – sept libéraux et quatre conservateurs – ainsi que 13 membres du personnel politique, auraient été impliqués dans ce groupe d’acteurs menaçants ou touchés par ses activités, et que certains d’entre eux pourraient avoir reçu un soutien financier de la part de la Chine.
Le rapport cite des informations selon lesquelles deux virements totalisant environ 250.000 dollars (169.550 euros) ont été effectués par des fonctionnaires de la RPC au Canada « possiblement à des fins d’ingérence étrangère ». Il indique que ces transferts ont été effectués par l’intermédiaire d’un dirigeant communautaire influent, membre du personnel de l’un des candidats, à un député provincial de l’Ontario.
La commission a examiné les irrégularités signalées lors de la course à l’investiture libérale dans la circonscription de Don Valley North en septembre 2019. Elle a pris connaissance de documents du renseignement indiquant que des étudiants internationaux chinois avaient été conduits par autobus pour appuyer Han Dong lors de son assemblée d’investiture. Un agent mandataire connu de la RPC aurait remis aux étudiants de faux documents pour leur permettre de voter. Ces derniers auraient été contraints de soutenir l’investiture de Han Dong sous la menace de perdre leur visa d’étudiant. M. Dong a remporté le concours et est devenu député libéral dans cette circonscription, avant de remporter à nouveau les élections en 2021.
« Le renseignement disponible concernant l’assemblée d’investiture libérale de 2019 dans DVN fait état de soupçons bien étayés selon lesquels le transport d’étudiants internationaux par autobus était lié à la RPC », indique le rapport. Il ajoute que M. Dong nie toute implication dans ces affaires.
« Étant donné que DVN est considérée comme un bastion libéral, cela n’aurait probablement pas eu d’incidence sur le parti qui a remporté le siège. En revanche, cela aurait pu avoir un impact sur la personne qui a été élue au Parlement. Il s’agit d’un élément important. »
Le rapport indique que le Premier ministre Justin Trudeau a été informé de ces renseignements, mais qu’il n’a pas estimé que les rapports étaient « suffisamment crédibles » pour justifier le retrait de M. Dong, et qu’il a décidé de réexaminer la question après les élections.
La commissaire Hogue a écrit qu’au vu des informations qui lui ont été fournies lors de l’enquête, les critères d’admissibilité au vote dans les courses à l’investiture libérale « ne sont pas très stricts et les mesures de contrôle mises en place ne semblent pas vigoureuses ».
Selon les règles du Parti libéral, les personnes âgées de 14 ans et plus peuvent voter pour les candidats à l’investiture, même si elles ne sont pas citoyennes canadiennes ou résidentes permanentes.
Le rapport fait également état du témoignage de la députée néo-démocrate Jenny Kwan, qui a déclaré avoir été exclue de certains événements communautaires locaux à Vancouver pendant la campagne électorale de 2019 parce qu’elle critiquait les violations des droits humains par le régime chinois. Ces incidents se sont poursuivis lors de la campagne électorale suivante, en 2021, selon le rapport.
Élections de 2021
Le rapport indique qu’Erin O’Toole, alors chef du parti conservateur, dont la campagne comprenait un plan global pour contrer la menace de Pékin, a été la cible d’attaques de désinformation lors des élections de 2021, tout comme le député conservateur Kenny Chiu, qui se présentait à la réélection dans sa circonscription de Colombie-Britannique et qui s’était ouvertement prononcé contre les violations des droits de l’homme par Pékin. M. Chiu a perdu les élections de 2021.
Le rapport indique que M. Chiu a tenté de contrer les faux récits à son encontre, « mais son message n’a pas été repris ou diffusé par les médias de langue chinoise ».
« En fait, selon son témoignage, les médias de langue chinoise ont ignoré [M. Chiu], indique le rapport.
Faire face à la menace
La commissaire Hogue a déclaré qu’il était nécessaire d’examiner de plus près les menaces d’ingérence étrangère au Canada afin d’empêcher « qu’elles finissent par atteindre leurs objectifs ».
« Pour ce faire, une meilleure communication et une meilleure collaboration entre les divers acteurs sont nécessaires », a-t-elle écrit.
Elle a également déclaré que le gouvernement devait rétablir la confiance dans les processus démocratiques du Canada en « informant le public de la menace d’ingérence étrangère et en prenant des mesures réelles et concrètes pour la détecter, la prévenir et la contrer ».
Le commissaire Hogue a déclaré que la prochaine phase des travaux de la commission consistera à examiner comment le public peut être tenu informé des menaces d’ingérence étrangère, comment le renseignement et les informations sur l’ingérence étrangère devraient être communiqués au gouvernement et aux personnes qui pourraient être vulnérables, et « les règles, ou sur l’absence de règles » régissant les assemblées d’investiture.
« Nos travaux ont permis de constater que ces assemblées sont particulièrement vulnérables à l’ingérence étrangère », indique le rapport.
Le rapport final de la commission d’enquête doit être remis avant le 31 décembre 2024.
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