L’addition à la pompe continue de devenir de plus en plus lourde pour les automobilistes : l’envolée spectaculaire des coûts des carburants entamée depuis le mois de juillet se poursuit et s’aggrave. À titre d’exemple, le SP98 a franchi la barre symbolique des 2 euros le litre, soit son niveau le plus élevé cette année, le SP95 est à 1,96 euro, tandis que le gazole dépasse les 1,91 euro, en septembre 2023, selon les données communiquées par le gouvernement.
Les distributeurs qui vont faire un geste commercial
Alors que le gouvernement a appelé les distributeurs à un « effort de solidarité », le groupe pétrolier TotalEnergies, qui gère le tiers des stations-service en France, a annoncé mardi sa décision de prolonger l’an prochain le plafonnement à 1,99 euro par litre du prix de l’essence et du diesel dans ses 3400 stations. Lancé en février 2023, « le plafonnement à 1,99 euro/litre sera étendu au-delà de la fin 2023, tant que les prix resteront élevés », a fait savoir la société dans un communiqué.
Ce même jour, la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a indiqué sur RMC être en contact avec « Système U, Carrefour et les autres acteurs de la grande distribution ». Si Intermarché a déclaré qu’il vendrait ses carburants à prix coûtant le dernier week-end du mois, un dispositif adopté également par le groupe Casino du 1erseptembre au 22 octobre prochain tous les week-ends, vendredi inclus, en revanche, le PDG de Système U Dominique Schelcher a expliqué pour sa part sur France inter qu’il ne pourrait plafonner les carburant à 1,99 euro : « Je ne peux pas le faire. Je ne suis pas producteur, j’achète et je revends le carburant », a-t-il fait valoir.
La firme de grande distribution n’étant qu’un intermédiaire entre le raffineur et le consommateur, et la vente à perte étant interdite en France, le patron des hypermarchés et supermarchés U a alors avancé que ce sont « les raffineurs [qui] doivent faire un effort ». Un geste commercial est toutefois à l’étude : « Nous avons fait des opérations à prix coûtant tout l’été, on va le refaire, mais quand on fait une opération prix coûtant, c’est un ou deux centimes de moins au litre ». De leurs côtés, Carrefour et Leclerc ne procèdent pas, pour l’instant, à des opérations commerciales.
Les enseignes de grande distribution disposent en effet d’une marge de latitude réduite : entre les coûts de distribution et les taxes, les enseignes peinent à dégager une marge nette au-delà de 1 à 2 centimes d’euro/litre.
Une nouvelle ère où les carburants vont rester durablement chers
Comme le souligne le journaliste Dimitri Pavlenko dans l’émission Face à l’info du 12 septembre sur CNews, le groupe Total, en indiquant maintenir son plafonnement tant que les prix resteront élevés, a compris que « cette histoire va durer au moins toute l’année 2024 ». De quoi interroger le chroniqueur : « Est-ce qu’aujourd’hui on est arrivé au moment où le carburant est tellement cher que tous les Français ne peuvent plus y avoir accès ? Avons-nous tous encore les moyens d’avoir une voiture ? » Et de renchérir : « C’est à se demander si ce que Greta Thunberg cherche à nous extorquer par la culpabilité, ce ne sera pas les mécanismes de marché, les prix de marché qui vont finir par l’obtenir. C’est-à-dire qu’on laissera la voiture au garage parce qu’on aura plus les moyens de faire le plein. »
L’occasion pour lui de faire le bilan de la flambée des prix des carburants depuis l’année 2016. La dépense moyenne en carburant pour l’ensemble des ménages français sur cette année-là était alors évaluée à 1300 euros, avec une fourchette allant de 900 euros pour les automobilistes aux revenus les plus modestes à 2000 euros pour ceux dont le train de vie est plus aisé. En 2022, cette dépense moyenne a grimpé à 2000 euros, soit une inflation sur le carburant de plus de 50%, souligne M. Pavlenko.
Le pétrole atteint son record annuel
Comment expliquer cette montée des prix ? Le prix du litre d’essence se décompose en cinq parties : le cours du baril, la marge de raffinage, la marge de distribution, les taxes et enfin le change euro-dollar.
Sur l’année 2020, le prix du baril de pétrole s’élevait en moyenne à 42 dollars. Ce mois de septembre 2023, il coûte plus de 90 dollars. En cause : la réduction de la production saoudienne et russe. Riyad a décidé de diminuer dès juillet son rendement quotidien d’un million de barils jusqu’à fin 2023 pour faire remonter le cours de l’or noir tandis que Moscou a pris la décision de réduire ses exportations de pétrole à hauteur de 300.000 barils par jour durant les trois derniers mois de l’année. Une mesure adoptée afin de « renforcer les mesures de précaution prises par les pays de l’OPEP + pour maintenir la stabilité et l’équilibre des marchés pétroliers », avait justifié le vice-premier ministre russe, Alexandre Novak, responsable de l’énergie.
« La demande du Sud-Est asiatique est très forte et les pays producteurs de pétrole souhaitent diminuer les quotas pour maintenir des prix aux environs de 85-90 dollars le baril », explique Philippe Charlez, expert en questions énergétiques à l’Institut Sapiens, à la Dépêche. En somme, plus de demande et moins de production. D’où l’envolée du cours du baril. Première cause.
Marge de raffinage et de distribution
Ensuite, le coût du raffinage du pétrole. Si celui-ci avait explosé à la suite de la crise du Covid-19, mais surtout du déclenchement de la guerre en Ukraine, passant d’un coût de 25 à 200 dollars par tonne de pétrole, explique Dimitri Pavlenko, celui-ci est redescendu à 50 dollars la tonne. En revanche, c’est toujours le double du prix par rapport à la période pré-Covid. Et cette augmentation se répercute sur les tarifs à la pompe.
Vient ensuite la marge de distribution, qui correspond à la différence entre, d’un côté, le prix hors taxe du carburant vendu aux automobilistes et, de l’autre, les cotations internationales des produits à leur sortie des raffineries. La marge brute, perçue par les distributeurs, leur sert à financer divers coûts (transport, stockage, manutention…). Après déduction de ces frais, il leur reste la marge nette, c’est-à-dire le bénéfice.
Selon Mobilians, qui représente les entreprises du secteur de la distribution de carburant, les marges nettes dans les grandes et moyennes surfaces seraient de 0,2 à 1 centime par litre, dans les stations des pétroliers comme TotalEnergies et Esso de 0,7 à 1,5 centime par litre, et dans les petites stations indépendantes de 0,8 à 2 centimes par litre. Selon un rapport de l’Inspection Générale des Finances (IGF), la marge serait effectivement d’environ 2 centimes au maximum par litre de carburant vendu. En revanche, il convient de noter que cette enquête date de 2012 et qu’aucun suivi n’est réalisé sur les marges nettes, qui restent à la discrétion des stations.
S’agissant du taux de change euro-dollar, l’achat du pétrole se faisant en dollars, ce facteur n’est pas responsable dans l’inflation des carburants. Au contraire, l’euro s’étant légèrement renforcé par rapport au dollar, actuellement à 1,07.
Une taxation de 60%
Enfin, les taxes, qui représentent aujourd’hui 60% du prix au litre. Sans elles, un litre à 2 euros serait vendu 80 centimes. Les carburants sont frappés, d’une part, par la TVA de 20%, et, d’autre part, par la TICPE, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, elle-même… sujette à la TVA. Un impôt sur l’impôt.
Ces recettes fiscales rapportent environ chaque année 50 milliards d’euros à l’État. Et celui-ci ne compte pas s’en passer, d’abord parce que « c’est une source de revenus très importante », souligne M. Charlez, et, ensuite, parce que le gouvernement pourrait se voir accuser d’inaction climatique en adoptant pareille mesure : « Baisser le prix du carburant, ça encourage à consommer, ce qui n’est pas en accord avec la politique environnementale actuelle ».
Le prix de l’essence à 2 euros le litre est donc, selon toute vraisemblance, parti pour durer.
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