L’ancienne procureure spécialiste du crime de guerre Carla Del Ponte a annoncé dimanche qu’elle allait bientôt quitter la Commission d’enquête de l’ONU sur la Syrie, dont les travaux vont malgré tout se poursuivre.
« Je suis frustrée, j’abandonne ! J’ai déjà écrit ma lettre de démission et vais l’envoyer dans les prochains jours », dit-elle, lors d’un entretien au journal suisse Blick donné depuis le festival du film de Locarno, dans le Tessin, sa région natale.
Elle explique qu’elle participera encore à la session du Conseil des droits de l’Homme en septembre à Genève avant de s’en aller.
Dans un communiqué, la Commission indique avoir été prévenue par Mme Del Ponte « à la mi-juin » et salue sa « contribution » et ses « efforts », mais estime que « le travail doit se poursuivre ».
« Il est de notre devoir de persister (…) au nom des innombrables Syriens qui sont victimes des pires violations des droits de l’Homme et crimes internationaux que l’humanité connaît. De tels efforts sont plus nécessaires que jamais », poursuit la Commission.
La Commission d’enquête indépendante de l’ONU a été créée en août 2011 par le Conseil des droits de l’homme, quelques mois après le début du conflit syrien. Mme Del Ponte a rejoint la Commission en septembre 2012.
Présidée par le Brésilien Paulo Pinheiro, la Commission a déjà rendu de nombreux rapports mais n’a jamais été autorisée par Damas à se rendre en Syrie.
« Je ne peux plus être dans cette Commission qui ne fait absolument rien », explique Mme Del Ponte, accusant les membres du Conseil de sécurité « de ne pas vouloir établir la justice ». La Commission a demandé à de maintes reprises que le Conseil de sécurité saisisse la Cour pénale internationale dans le dossier syrien, mais la Russie, alliée de Damas, s’y oppose.
Déclenché en mars 2011 par la répression de manifestations pro-démocratie et opposant initialement armée et rebelles, le conflit en Syrie s’est complexifié au fil des années. Il a fait plus de 330.000 morts et des millions de déplacés et réfugiés.
« Au début il y avait le bien et le mal. L’opposition du côté du bien et le gouvernement dans le rôle du mal », estime Mme Del Ponte.
Désormais, « tous en Syrie sont du côté du mal. Le gouvernement Assad a perpétré de terribles crimes contre l’humanité et utilisé des armes chimiques. Et l’opposition n’est désormais composée que d’extrémistes et de terroristes », juge-t-elle.
« Croyez-moi, des crimes horribles comme ceux commis en Syrie, je n’en ai pas vus au Rwanda, ni dans l’ex-Yougoslavie », dit-elle.
Mme Del Ponte est connue pour son franc-parler et son impulsivité qui lui ont valu bien des inimitiés.
Nommée procureure du Tribunal pénal international (TPI) pour l’ex-Yougoslavie fin 1999, cette petite femme aux cheveux blancs coupés courts a réussi à obtenir qu’un ancien chef d’Etat, le Serbe Slobodan Milosevic, réponde de crimes de guerre devant la justice internationale, une première.
Cette soif de justice a guidé les choix de Mme Del Ponte, de ses investigations contre la mafia aux côtés du juge italien Giovanni Falcone aux enquêtes qu’elle a menées dans les milieux financiers suisses lorsqu’elle était à la tête du parquet fédéral dans les années 1990.
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