Le dirigeant sécessionniste de la Catalogne a laissé entendre qu’il allait déclarer l’indépendance si Madrid refusait une médiation, à l’approche d’une cruciale séance parlementaire mardi et après un week-end où des centaines de milliers de Catalans ont crié « Basta » dans la rue.
« Nous avons ouvert la porte à la médiation, nous avons dit ‘oui’ à toutes les possibilités de médiation qui nous ont été présentées. Les jours passent et si l’État espagnol ne répond pas de manière positive, nous, nous ferons ce que nous sommes venus faire », a dit Carles Puigdemont dans un entretien avec la télévision publique catalane diffusé dimanche soir.
Soufflant le chaud et le froid, il avait déjà auparavant promis d’aller de l’avant si le gouvernement du conservateur Mariano Rajoy n’acceptait pas de négocier un référendum légal, ce que ce dernier n’envisage dans aucun cas de figure.
Mais cette volonté d’indépendance qui va crescendo depuis plusieurs années, divise l’Espagne et la Catalogne elle-même. « Prou! Recuperem el seny » (Assez! Récupérons la raison), ont clamé dimanche les opposants à cette sécession, qui représentent près de la moitié des quelque 7,5 millions d’habitants de cette région du nord-est de l’Espagne, grande comme la Belgique.
Selon les organisateurs, ils étaient près d’un million et selon la police municipale, 350.000 : des Catalans et des Espagnols venus d’ailleurs ont déferlé dimanche dans le centre de Barcelone pour défendre « l’unité de l’Espagne », à l’issue d’une semaine d’émotion et d’angoisse dans tout le pays.
Le 1er octobre, s’est tenu en Catalogne un référendum d’autodétermination interdit, marqué par des violences policières lorsque les forces de l’ordre dépêchées par Madrid ont tenté de l’empêcher dans une centaine de bureaux de vote. Les scènes montrant des policiers matraquant des Catalans pacifiques ont choqué l’opinion.
Les séparatistes catalans estiment avoir remporté ce scrutin boycotté par leurs opposants avec 90% des voix et un taux de participation de 43%. Assez, disent-ils, pour déclarer l’indépendance. Et tous s’attendent à ce que cette déclaration, si elle intervient, se produise lors d’une séance au parlement catalan où le président indépendantiste catalan Carles Puigdemont doit s’exprimer, mardi soir.
Une éventualité qui semble crédible aux yeux d’une quinzaine de grandes sociétés, dont deux grandes banques qui depuis jeudi se sont impliquées dans la bataille en décidant de transférer leur siège social hors de Catalogne.
Et dimanche, Mariano Rajoy, dans un entretien avec le quotidien El Pais, a demandé à ce que « la menace de déclaration d’indépendance soit retirée le plus rapidement possible ».
Et dans le cas contraire ? « Je n’écarte rien », a-t-il répondu au journal qui l’interrogeait sur l’application de l’article 155 de la Constitution permettant de retirer son autonomie à la région.
« Nous avons peur, nous voyons que ça va être la ruine pour la Catalogne et pour l’Espagne », a déploré dimanche auprès de l’AFP Mercedes Sanz Cortinas, 51 ans, mère au foyer venue manifester avec toute sa famille à Barcelone après une semaine d’incertitude.
De la décision que Carles Puigdemont et les siens prendront dépend le sort de 16% de la population espagnole qui vit dans cette région contribuant à hauteur de 19% au PIB de l’Espagne.
S’il va de l’avant, une suspension de l’autonomie de la Catalogne de la part de l’État pourrait à son tour entraîner des troubles dans la région où les manifestations se succèdent depuis des semaines.
« Ne poussez pas le pays vers le précipice », a aussi imploré l’ancien ministre socialiste Josep Borrell, ex-président du Parlement européen, dans un discours de clôture de la grande manifestation de Barcelone.
« Le vivre-ensemble est cassé dans ce pays. Il faut le reconstruire et défendre le pluralisme », a ajouté l’ancien ministre.
« Nous aussi, nous sommes Catalans », lisait-on sur une des pancartes de la manifestation de Barcelone.
En dépit de l’essor de l’indépendantisme dans la région, celui-ci n’a en réalité obtenu que 47,8 % des suffrages lors des dernières élections, en 2015, les partis favorables à un maintien en Espagne ayant eu plus de voix.
Mais les indépendantistes sont majoritaires au Parlement avec 72 députés sur 135 en raison d’un système de pondération des voix visant à favoriser les zones rurales.
Et comme pour contre-carrer les pressions pour le « non » à l’indépendance, l’Assemblée nationale catalane, l’une des plus puissantes associations indépendantistes de Catalogne, a affirmé dimanche : « le mardi 10 octobre, déclarons l’indépendance ».
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