Ce que le meurtre de Philippine dit de la société française

Par Ludovic Genin
30 septembre 2024 07:55 Mis à jour: 1 octobre 2024 00:53

Rappel des faits

Le corps de Philippine a été retrouvé le 21 septembre près du campus de son université, à moitié enterré dans le bois de Boulogne à Paris.

Trois jours après sa découverte, le suspect, un Marocain âgé de 22 ans, condamné par le passé pour viol et sous le coup d’une obligation de quitter le territoire (OQTF), a été interpellé en Suisse.

Selon une source proche du dossier, le suspect était sorti de détention le 20 juin et avait été placé en centre de rétention administrative à Metz avant son expulsion. Mais le 3 septembre, un juge des libertés et de la détention a validé sa sortie du centre de rétention. Une mesure assortie d’une obligation de pointer, alors que le 4 septembre seulement, le Maroc avait fait « parvenir l’autorisation d’expulsion » aux autorités françaises.

La veille du meurtre, le 19 septembre, le suspect avait été inscrit au fichier des personnes recherchées, parce qu’il ne respectait pas son obligation de pointer. Une enquête pour viol et homicide a été ouverte après le meurtre de la jeune étudiante.

La dignité d’une famille et des proches

Quelque 2800 personnes ont assisté le 27 septembre aux obsèques de Philippine, à la cathédrale Saint-Louis de Versailles. Son meurtre a suscité une émotion à travers le pays en raison du parcours criminel du suspect et du profil de la jeune étudiante, souriante et pleine de vie.

Environ 1800 personnes étaient présentes à l’église et 1000 étaient sur le parvis, faute de place, selon une source policière.

« Nous sommes là pour pleurer, prier », a déclaré l’abbé Pierre-Hervé Grosjean dans son homélie. Le prêtre a rappelé l’engagement religieux de Philippine, au sein notamment de sa paroisse et des Scouts et guides de France.

Certains sur le parvis priaient, à genoux sur les pavés, la foule entourée par une discrète présence policière sur la place devant la cathédrale.

Vêtue de noire, Andréa Brandao, 20 ans, s’est sentie « énormément concernée et par amour pour la famille ». Cette étudiante en droit-histoire à Nanterre ne connaissait pas Philippine personnellement, mais confie compter parmi ses meilleures amies une de ses proches.

« Je trouvais ça important de venir ici pour me recueillir et rendre hommage », a pour sa part soufflé Julia, 15 ans, élève de la mère de Philippine au lycée Saint-Exupéry, venue assister aux obsèques en compagnie de sa mère.

Les réactions d’un gouvernement désemparé

À peine nommés, MM. Retailleau et Migaud ont engagé un bras de fer par médias interposés. « S’il faut changer les règles, changeons-les », a déclaré le nouveau ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, qui appelle à « travailler » « ensemble, avec le ministre de la Justice […] pour assurer la sécurité de nos compatriotes ». Ce « crime est abominable », a-t-il dénoncé, « c’est à nous, responsables publics, de refuser la fatalité et de faire évoluer notre arsenal juridique, pour protéger les Français », a-t-il ajouté.

Face à la « tragédie » que constitue le meurtre de l’étudiante, le ministre de la Justice Didier Migaud, a estimé qu’il devait désormais « essayer de travailler […] pour voir si la réglementation, si la législation est adaptée en toutes circonstances pour faire en sorte d’éviter ce type de situation et ce type de drame ».

Le Président de la République a lui exprimé « l’émotion de toute la Nation » après le meurtre de l’étudiante, un « crime odieux et atroce ». « Il faut chaque jour mieux protéger les Français, le faire, le faire mais moins dire », a-t-il ajouté, en écho aux premières déclarations de son Premier ministre Michel Barnier qui a promis de « davantage agir que de parler ».

Plusieurs responsables politiques, de droite comme de gauche, ont mis en cause « la chaîne pénale et administrative » dans cette affaire, jugeant que le suspect n’aurait pas dû être libéré avant l’obtention du laissez-passer permettant son expulsion vers le Maroc.

Les réactions politiques pointant le laxisme judiciaire

Les députés Républicains ont déposé le 26 septembre une proposition de loi pour allonger nettement la durée de rétention des « étrangers clandestins dangereux ». Ils veulent aussi restreindre le rôle du juge qui doit valider chaque prolongation de placement en rétention, en supprimant « les obligations de justification jusqu’à 90 jours ».

Le patron du RN, Jordan Bardella, a dénoncé une « justice irresponsable », ajoutant que c’est l’État qui a également failli : “Combien faut-il de drames pour que nos dirigeants politiques prennent conscience de ce qui est en train de se passer aujourd’hui dans le pays? » a réagi le président du Rassemblement national. « Le laxisme judiciaire a des conséquences dramatiques sur l’insécurité », a-t-il continué, donnant rendez-vous le 31 octobre à l’Assemblée nationale, pour l’examen d’une proposition de loi RN proposant de systématiser les expulsions d’étrangers majeurs définitivement condamnés pour un crime ou délit « puni d’une peine d’au moins trois ans d’emprisonnement ».

Du côté de la gauche, on accuse aussi une défaillance dans la chaîne pénale. « Quand on a quelqu’un qui est en détention, qui est un individu dont on peut penser qu’il est une menace pour la société française, on ne devrait pas avoir à le libérer avant même qu’on ait l’assurance qu’il pourra repartir », a jugé le patron des socialistes, Olivier Faure. « Le laissez-passer consulaire qu’on devait récupérer auprès des autorités marocaines devait déjà en réalité être récupéré avant même de le libérer ou de le mettre en rétention où les délais, là, sont en fait circonscrits dans le temps », a-t-il jugé.

Pour le patron du PCF Fabien Roussel, « Philippine n’aurait jamais dû mourir. La loi existe et n’est pas appliquée. Un violeur est un criminel. Il aurait dû être surveillé. Ça n’a pas été fait. Il aurait dû être expulsé. Ça n’a pas été fait. L’État est défaillant. »

Une extrême gauche se trompant de combat

Des associations féministes et élus de gauche ont appelé, après le meurtre de la jeune étudiante Philippine, à « penser ce crime » sous le prisme des féminicides et non de l’immigration. « La misogynie tue. Ne nous trompons pas de débat », a réagi sur X la Fédération nationale de centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF).

Dire que « les femmes sont en danger à cause des immigrés à cause des étrangers sous OQTF », ce « n’est pas vrai », a déclaré la députée écologiste de Paris Sandrine Rousseau sur France Inter. Elle a également fustigé « cette espère de fantasme du viol » qui serait commis « dans la rue par des personnes qui seraient étrangères ».

Même écho dans les rangs de La France insoumise (LFI), la députée Sarah Legrain a estimé que l’enjeu soulevé par la mort de Philippine était avant tout « la lutte contre le viol et le féminicide ».

Des affiches arrachées et des minutes de silence perturbées

Après l’arrestation du suspect sous OQTF, reconnu par la justice pour sa dangerosité, des affiches à l’effigie de Philippine sur lesquelles était écrit « Justice pour Philippine, étudiante assassinée par une OQTF non exécutée », ont été collées dans des établissements d’enseignement supérieur un peu partout en France.

Cela a notamment été le cas à Sciences Po Lyon, où, bien que ces affiches se trouvaient dans un espace d’expression libre, elles ont été arrachées. Selon Yvenn Le Coz, délégué national du syndicat étudiant UNI, ces arrachages ont été commis par des membres de l’UNEF (Union nationale des étudiants de France). Les deux syndicats étudiants, opposés politiquement, ont l’habitude de ce type de passe-d’armes dans les universités.

Le 26 septembre sur X, l’UNI a révélé des images de ces arrachages d’affiches, commis le jour même sur le campus de l’université de Grenoble alors que des militants venaient de les coller.

À Vienne en Isère, un «hommage à Philippine» a été organisé par la jeune députée de 23 ans Hanane Mansouri devant le Palais de justice de la ville iséroise, au lendemain des obsèques de la jeune étudiante. Lors de la minute de silence, une trentaine de militants d’extrême gauche est venue à quelques mètres d’eux scander «Siamo Tutti Antifascisti», chant régulièrement utilisé par les militants antifa.

Un rendez-vous manqué

Le Pacte Immigration voté à l’Assemblée et au Sénat en janvier 2024 avait pour mission de renforcer l’arsenal législatif sur l’application des OQTF et d’augmenter la dissuasion contre l’immigration illégale sur le territoire.

Mais le Conseil constitutionnel a censuré toutes les dispositions les plus contraignantes, pourtant votées par les deux chambres, et a infligé ensuite un revers en avril en invalidant le référendum d’initiative partagée (RIP) que la droite voulait lancer pour consulter les Français.

Le patron des Républicains, Éric Ciotti, avait alors réagi en estimant que « les Français sont interdits de parole sur l’immigration par Emmanuel Macron ». « Le Conseil constitutionnel répond une nouvelle fois à la commande du gouvernement », avait-il dénoncé sur X, considérant qu’une « petite caste a confisqué la démocratie ».

De son côté, Laurent Wauquiez, alors président d’Auvergne-Rhône-Alpes, avait repris sur X la formule de « coup d’État dans l’État » qu’il avait déjà utilisée en janvier, assurant que cette décision en constitue « un nouvel épisode ».

Nous étions à l’aube des élections européennes et des législatives anticipées qui allaient marquer la volonté des Français d’une autre politique, où la sécurité de leurs enfants serait une priorité de l’État, qui, aujourd’hui, est, au mieux, défaillant.

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