Ce que nous savons du programme d’armes nucléaires de l’Iran

Un ancien directeur général adjoint de l'Agence internationale de l'énergie atomique estime qu'Israël devrait réfléchir attentivement avant de bombarder les installations nucléaires iraniennes

Par Chris Summers
3 novembre 2024 21:15 Mis à jour: 4 novembre 2024 10:41

Alors que le conflit entre Israël et l’Iran, et ses mandataires, se poursuit sans relâche, la question de savoir si les Iraniens ont la capacité de fabriquer une bombe nucléaire suscite un intérêt croissant.

L’Iran continue de nier vouloir fabriquer des armes nucléaires, malgré une montagne de preuves suggérant le contraire.

Qu’en est-il en réalité ?

Epoch Times s’est entretenu avec l’ancien directeur général adjoint de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Ollie Heinonen, et une figure clé de l’opposition iranienne, Shahin Gobadi, au sujet du programme nucléaire iranien.

Le 26 octobre, Israël a bombardé plusieurs cibles militaires en Iran en représailles à une attaque de drones et de missiles iraniens contre Israël le 1er octobre.

Mais les Forces de défense israéliennes (FDI) semblent s’être pliées aux pressions du président américain Joe Biden et ont évité de frapper les installations nucléaires iraniennes, ciblant plutôt la défense aérienne, la production de missiles et de drones, et les sites de lancement.

Au début du mois, le directeur de la CIA, William Burns, a déclaré que les États-Unis n’avaient vu aucune preuve que le dirigeant iranien était revenu sur sa décision de 2003 de suspendre son programme d’armement nucléaire.

Mais le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), une coalition de groupes d’opposition iraniens, affirme que le régime de Téhéran ment au monde entier depuis des années.

M. Gobadi, membre de la commission des affaires étrangères du CNRI, a déclaré à Epoch Times : « Le régime iranien a commencé à chercher à se doter d’armes nucléaires au milieu des années 1980, avec l’approbation de Ruhollah Khomeini, le fondateur du régime. »

Il a affirmé qu’Ali Khamenei, qui a accédé au poste de guide suprême en 1989, a « systématiquement intensifié » le programme d’armement nucléaire au début des années 1990 et l’a considéré « comme une garantie stratégique pour la survie du régime ».

Des manifestants brandissent des drapeaux iraniens et une énorme figurine gonflée représentant le guide suprême iranien Ali Khamenei tenant une bombe nucléaire, alors qu’ils protestent contre le régime iranien en tant que principale source de guerre et de crises au Moyen-Orient, le 16 février 2024 sur la place Odeonsplatz à Munich, dans le sud de l’Allemagne. (TOBIAS SCHWARZ/AFP via Getty Images)

La bombe nucléaire est l’« objectif » de l’Iran

« Depuis le début, l’objectif principal du programme nucléaire a été d’obtenir une bombe », a souligné M. Gobadi.

« Des équipements achetés sous le couvert d’un usage civil, même pour la recherche universitaire, ont finalement été réaffectés au programme d’armement nucléaire. »

Au mois de mai, l’AIEA a signalé que l’Iran produisait environ 11 kilogrammes (24 livres) d’uranium enrichi à 60 % d’uranium 235 par mois.

M. Heinonen a déclaré qu’il faudrait « des jours » à l’Iran pour passer de 60 % d’uranium enrichi à de l’uranium de qualité militaire.

Mais il a souligné que l’enrichissement n’était que l’un des processus nécessaires à la création d’une arme nucléaire, les autres étant la « militarisation » et la création d’un vecteur.

Selon M. Heinonen, si la Corée du Nord est plus avancée que l’Iran dans la mise au point d’armes nucléaires, l’Iran pourrait être en mesure d’accélérer les choses et pourrait même ne pas avoir besoin de tester les armes avant de les utiliser.

« Ils ont suffisamment de matériel pour fabriquer une demi-douzaine, voire une dizaine, d’armes nucléaires », a-t-il assuré.

L’Iran pourrait créer 10 bombes d’une taille équivalente à celle d’Hiroshima

D’après M. Heinonen, les Iraniens pourraient produire 10 petites ogives nucléaires, « des armes nucléaires tactiques de la taille d’Hiroshima, voire plus petites ».

Près de 100.000 personnes sont mortes instantanément lorsque les États-Unis ont largué la première bombe atomique sur la ville japonaise d’Hiroshima le 6 août 1945, et des milliers d’autres sont mortes empoisonnées par les radiations par la suite.

M. Heinonen estime que l’Iran dispose déjà de missiles à longue portée susceptibles de transporter une ogive nucléaire, mais qu’il lui faudra encore plusieurs mois pour être en mesure de créer ne serait-ce qu’une seule ogive.

« Tout d’abord, ils doivent le transformer en alliage de métal d’uranium afin de fabriquer les composants eux-mêmes », a-t-il ajouté.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu prononce un discours sur le programme nucléaire iranien au ministère de la Défense à Tel Aviv, le 30 avril 2018. (Jack Guez/AFP/Getty Images)

D’après lui, la fabrication d’armes nucléaires comporte trois volets.

« L’un d’entre eux est le matériau nucléaire fissile proprement dit, c’est-à-dire, dans le cas présent, l’uranium hautement enrichi », a-t-il expliqué.

« Ensuite, il y a l’ogive, le boîtier qui contient l’uranium hautement enrichi, tous les composants électroniques, et les explosifs nécessaires à la détonation nucléaire. »

« Il faut ensuite placer ce dispositif à l’intérieur d’un missile. »

En février, le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, a déclaré que les Iraniens avaient continué à enrichir de l’uranium bien au-delà de ce qui est nécessaire pour une utilisation nucléaire commerciale.

Toutefois, M. Heinonen a précisé que « la pierre d’achoppement réside très probablement dans la fabrication des nouveaux composants de l’arme ».

M. Gobadi a assuré que le CNRI disposait d’un réseau de dénonciateurs en Iran qui, au cours des trois dernières décennies, ont fourni des informations prouvant que le régime était impliqué dans « la poursuite vigoureuse d’un projet d’armement nucléaire, sous le commandement et la supervision du Corps des gardiens de la révolution islamique ».

Le CNRI a publié la plupart de ces informations sur son site web.

En 2010, Frank Pabian, conseiller principal sur la non-prolifération nucléaire au Laboratoire national de Los Alamos, a confié au New York Times que le CNRI « avait raison 90 % du temps ».

D’après M. Gobadi, le programme secret d’armement nucléaire s’est d’abord appelé Centre de recherche en physique, puis Plan Amad, et depuis 2011, il fonctionne sous le nom d’Organisation de l’innovation et de la recherche défensives, qui fait partie du ministère iranien de la Défense.

Les Iraniens auraient dissimulé à l’AIEA des détails sur leurs recherches et leur personnel.

En mai 2003, suite à la révélation par le CNRI de l’existence du site secret de Lavizan-Shian à Téhéran, qui était selon lui le « centre de commandement du projet d’armement nucléaire », le régime l’a rasé et a dispersé ses experts et ses équipements dans d’autres lieux.

Si l’Iran devait viser Israël par un nouveau tir de missile, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu pourrait être tenté de frapper le complexe d’enrichissement nucléaire de Natanz.

« La première question à se poser est de savoir ce que l’Iran fera ensuite », a insisté M. Heinonen.

« Car lorsque vous bombardez une installation nucléaire comme celle-ci, en fait, vous n’éliminez pas le programme nucléaire puisqu’il est réparti sur plusieurs sites, dont certains sont souterrains […] Ils peuvent également avoir une installation secrète, comme en 2003, mais vous n’en savez peut-être rien. »

Pour lui, le bombardement de Natanz pourrait donner la « fausse illusion » que le programme nucléaire iranien a été détruit.

En 1981, l’armée de l’air israélienne a bombardé le réacteur nucléaire irakien inachevé d’Osirak. Mais cela n’a fait que contraindre le dirigeant irakien de l’époque, Saddam Hussein, à se montrer plus discret quant à la possession d’armes de destruction massive.

L’uranium enrichi déjà produit par les Iraniens a probablement été transféré dans un « endroit secret », dont même la CIA n’a pas connaissance, assure M. Heinonen.

« Lorsque l’on déclenche des attaques de ce type, il faut réfléchir aux conséquences et aux risques », a-t-il signalé à Epoch Times.

Le CNRI affirme que le régime iranien a « préparé le terrain » pour révéler son programme d’armement nucléaire.

Le nouveau président iranien Masoud Pezeshkian (à g.) est assis aux côtés de Hassan Khomeini (à dr.), petit-fils du fondateur de la République islamique, l’ayatollah Ruhollah Khomeini, lors d’une visite au sanctuaire de Khomeini dans le sud de Téhéran, le 6 juillet 2024 (ATTA KENARE/AFP via Getty Images).

Des « poings de fer » dans des « gants de velours »

Le 5 octobre, le petit-fils de l’ayatollah Khomeini, Hassan Khomeini, a déclaré dans les médias d’État : « Notre dissuasion militaire doit être portée à un niveau supérieur. Cette dissuasion repose sur la puissance et non sur le sourire. »

« Je suis favorable à toute négociation, mais des gants de velours doivent recouvrir des poings de fer. Si vos mains ne sont pas en fer, elles seront broyées. »

« Notre dissuasion militaire doit être portée à un niveau supérieur. Le monde a atteint un point où nous devons renforcer notre dissuasion. »

Quatre jours plus tard, 39 membres du Parlement iranien ont adressé une lettre au Conseil suprême de sécurité nationale, appelant le régime à modifier sa doctrine de défense et à y inclure les armes nucléaires.

Mohammadreza Sabaghian, un parlementaire iranien, a déclaré qu’ils demanderaient à Khamenei « s’il le juge approprié, de changer la stratégie et la fatwa concernant la construction d’armes nucléaires ».

« Fabriquer une arme nucléaire sera facile pour nous », a ajouté M. Sabaghian.

Le 12 octobre, le général de brigade Rasool Sanaei-Rad, conseiller principal de Khamenei, a annoncé que l’Iran pourrait modifier sa doctrine nucléaire si Israël attaquait ses installations atomiques.

Le plan de sanctions de Trump contrecarré

En 2018, le président américain de l’époque, Donald Trump, s’est retiré de l’accord nucléaire entre les États-Unis et l’Iran conclu par l’ancien président Barack Obama et a cherché à reprendre l’intégralité des sanctions économiques, en déclarant : « L’Amérique ne sera pas l’otage d’un chantage nucléaire. »

Des manifestants se rassemblent sur la pelouse du front ouest pour un rassemblement contre l’accord sur le nucléaire iranien au Capitole des États-Unis à Washington le 9 septembre 2015. (Chip Somodevilla/Getty Images)

Toutefois, les nouvelles sanctions ont été contrecarrées par Joe Biden en février 2021, un mois après son investiture.

Si Trump revient à la Maison-Blanche en remportant les élections du 5 novembre, il pourrait faire pression sur les Nations Unies pour qu’elles prennent des mesures contre l’Iran.

Une grave menace pour le peuple iranien

Selon M. Gobadi, les membres du CNRI ne sont pas des traîtres à l’Iran, mais ont agi par « devoir patriotique ».

« Le programme nucléaire iranien, en particulier la recherche d’armes nucléaires, constitue une grave menace pour le peuple iranien », a-t-il insisté.

« Le régime clérical a poursuivi un tel projet, dépensant des centaines de milliards de dollars uniquement pour sa survie. »

Le CNRI demande à la communauté internationale d’activer le « mécanisme de rappel » de la résolution 2231 du Conseil de sécurité de l’ONU, ce qui réactiverait les résolutions suspendues concernant les projets nucléaires du régime et rétablirait l’ensemble des sanctions économiques.

« Les retards et les hésitations donnent au fascisme religieux le temps et l’occasion de réaliser ses plans sinistres. La solution finale pour sauver l’Iran et la région de la menace nucléaire du régime est le renversement du régime par le peuple et la résistance iranienne », a soutenu M. Gobadi.

L’Iran nie avoir un programme d’armes nucléaires.

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, s’exprime lors d’une réunion avec les ambassadeurs des pays étrangers en Iran, dans la capitale Téhéran, le 29 octobre 2024. (ATTA KENARE/AFP via Getty Images)

Le 29 octobre, le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, s’est adressé à un groupe d’ambassadeurs à Téhéran et a fait une déclaration sur l’attaque israélienne du week-end.

M. Araghchi n’a pas mentionné les armes nucléaires, mais a déclaré : « La République islamique d’Iran est tout à fait prête à défendre sa souveraineté, son intégrité territoriale et sa sécurité nationale contre toute agression, et la grande nation iranienne est tout à fait prête à établir la paix dans la région et à s’engager dans une interaction constructive avec ses voisins. »

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