SANTÉ & BIEN-ÊTRE

Ce que vos yeux révèlent

octobre 3, 2017 10:57, Last Updated: mai 2, 2023 20:26
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Miroir de l’âme, les prunelles. Miroir du corps aussi, selon Hippocrate et certains praticiens qui utilisent l’iridologie comme méthode de dépistage, les organes étant reflétés dans l’iris.

Elle vous regarde droit dans les yeux, d’abord en plantant ses mirettes dans les vôtres. Puis, à l’aide d’une grosse loupe, enfin, à travers un appareil qui ressemble à celui des ophtalmologues, en plus simple: l’iridoscope.

Joana Duriaux est iridologue. Une méthode qui reprend de l’essor, utilisée de plus en plus par les jeunes générations de naturopathes. « L’iridologie est mentionnée dans les nouveaux projets de la formation fédérale de naturopathe », souligne la spécialiste (lire l’encadré).

Joana Duriaux : « L’œil n’est pas une boule de cristal. » (Photo: Pixabay.com)

Presque oubliée, cette technique était pratiquée par les anciens naturopathes depuis le médecin homéopathe hongrois du XIXe siècle Ignatz von Peczely. Elle s’est bien développée en France, avec une première école d’iridologie en 1950, ouverte par un certain professeur Verdier, dont l’élève André Roux enseignera à Joana Duriaux. Qui elle-même a fondé son école de naturopathie et de techniques de santé, à Yverdon, en 2000. L’an dernier, neuf naturopathes, tous iridologues, en sont sortis diplômés.

« Tels sont tes yeux, tel est ton corps. »

disait déjà Hippocrate, le père de tous les médecins, au IVe siècle avant J.-C. Comme le pied, la main ou l’oreille, l’iris – la partie colorée de l’œil – est une zone réflexe: tous les organes du corps s’y reflètent, y ont une place bien précise. Des taches, des creux, des signes marquent leur état.

« Ce n’est pas une boule de cristal, on ne fait pas de prédiction ni de diagnostics, mais des pronostics. »

« On voit le capital santé d’une personne et comment elle l’utilise, à travers son mode de vie. »

L’aspect de l’iris est foncièrement individuel à chacun de nous et peut être considéré comme une topographie de notre bilan de santé.

« L’homme peut mentir, ses yeux jamais », assène Joana Duriaux. « Miroir du corps et de l’âme », l’iris donne selon elle un bilan de santé, reflète les prédispositions d’une personne, sa constitution, ses forces et faiblesses, comment les organes réagissent au stress, l’hérédité, les résistances immunitaires, le système hormonal, le métabolisme en général, le tempérament, l’état émotionnel aussi. Les maladies chroniques ou dégénératives et leur évolution. Le dépôt de toxines, les excès de sucre ou de graisse.

Un concentré d’informations qu’il reste encore à analyser

Plus que l’emploi d’instruments sophistiqués, c’est l’expérience qui est surtout déterminante dans cette pratique.

Bref, un bilan physique, psychique et émotionnel en regardant l’œil de très près avec son appareil qui grossit la vision jusqu’à 40 fois. L’iris apparaît comme une grosse terre qui respire en fonction de la lumière, avec des cratères, des nuances de couleurs, de fins filaments. On y distingue la densité du tissu appelé la trame, le volume de la collerette entourant la pupille ou du liseré sur les bords extérieurs.

« Attention aux excès de glucides, un pancréas et un foie fatigués, annonce Joana Duriaux à son bec à sucre de patient. Avez-vous des migraines ? Je note des signes au niveau de la tête, du système nerveux. Des anneaux de tension révèlent aussi votre bonne capacité d’adaptation, de résistance. »

Il faut beaucoup d’expérience pour une interprétation qui tienne la route, reconnaît cette naturopathe qui emploie l’iridologie comme méthode de dépistage. Elle lui permet de donner un traitement très personnalisé, des conseils de prévention, de nutrition, « pour éviter qu’une prédisposition ne devienne pathologie, pour accompagner une personne afin qu’elle retrouve son équilibre. »

Les médecins aussi voient dans les yeux

Regarder dans les yeux, ce geste d’auscultation s’est transmis de médecins en grands-mères depuis des siècles. Est-ce à dire que les médecins pratiquent l’iridologie ?

Pixabay.com

« Ça n’a rien à voir, répond Catherine Salvi-Defrasne, médecin généraliste FMH et homéopathe à Estavayer-le-Lac. En médecine, on observe la conjonctive ( ndlr : le blanc de l’œil ). Si elle est bleutée par exemple, c’est signe d’anémie. La dilatation de la pupille donne, quant à elle, des indications sur l’état neurologique du patient. Un trouble au niveau de l’accommodation – la capacité de l’œil à faire la netteté – peut laisser supposer qu’il se passe quelque chose au niveau neurologique comme une tumeur au cerveau, etc. »

Pour la doctoresse, si l’iridologie peut être intéressante dans une approche naturopathe, elle ne peut pas se substituer aux compétences d’un médecin en matière de diagnostic et de prévention. En la matière, les données scientifiques manquent: une étude menée sur 110 personnes en Allemagne en 2005 avait montré qu’on ne pouvait pas détecter un cancer dans l’iris: seuls 3 cas sur 68 avaient été dépistés par l’iridologie.

Voir dans l’iris ne sonne pas farfelu à Philippe de Gottrau, grand spécialiste des yeux et médecin-chef de l’ophtalmologie à l’Hôpital fribourgeois. Qui voit au fond des yeux bien plus que ce qui touche à l’organe lui-même. Mais sur la rétine. Sur cette zone très vascularisée, le spécialiste détecte aussi des pathologies comme le diabète, l’hypertension artérielle, des lymphomes ou des métastases tumorales en particulier du sein, qui ont des traductions sur l’œil.

Bientôt un diplôme fédéral de praticien de naturothérapie

Praticien de naturothérapie et formation en thérapie complémentaire : pour mettre de l’ordre dans certaines des 250 méthodes de médecine dite naturelle actuellement utilisées en Suisse, deux diplômes fédéraux sont en passe de voir le jour. Voilà huit ans que les organisations professionnelles y travaillent, mandatées par le Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI).

Derrière le nouveau nom de praticien de naturothérapie diplômé, quatre professions très différentes: la naturopathie européenne traditionnelle (NET), l’homéopathie, la médecine ayurvédique et la médecine traditionnelle chinoise. L’iridologie serait une sous-branche (facultative) de la NET, comme d’autres méthodes qui cherchent à être accréditées. « Tout est en plein travail », souligne Esther Martinelli, naturopathe et homéopathe à Corseaux.

Pour la formation fédérale en thérapie complémentaire, une vingtaine de méthodes ont postulé. Cinq d’entre elles sont déjà accréditées: le shiatsu, la thérapie craniosacrale, la thérapie ayurvédique, l’eutonie et le yoga thérapeutique.

Pixabay.com

« Ces diplômes fédéraux assureront une meilleure qualité de formation. Mais il sera aussi important de pouvoir dialoguer et se coordonner pour que patients et professionnels de la santé s’y retrouvent », insiste Pierre-Yves Rodondi, médecin et spécialiste des médecines complémentaires au CHUV. Pour lui, le patient a besoin d’avoir la possibilité de passer d’une approche à l’autre sans devoir choisir entre l’une ou l’autre.

Selon une étude, 50% des hôpitaux romands offrent déjà au moins une médecine complémentaire, le plus souvent l’acupuncture. Tout reste encore à pérenniser, l’offre étant souvent liée à un médecin ou un membre du personnel soignant en particulier.

Mais ces nouveaux diplômes ne seront pas forcément reconnus par le système de santé. Il reviendra à chaque canton de définir leur place.

Version originale : Ce que vos yeux révèlent

Article republié avec l’aimable autorisation de Migrosmagazine.

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