ENTRETIEN – Rudy Manna est porte-parole du syndicat majoritaire Alliance Police nationale. Il répond aux questions d’Epoch Times sur les opérations « Place nette XXL » et leur efficacité, sur l’individu de nationalité afghane qui a tué un homme la semaine dernière à Bordeaux car il buvait du vin et analyse le dispositif de sécurité mis en place pour les Jeux Olympiques. Avec son syndicat, il déplore que la cérémonie d’ouverture ait lieu en bord de Seine.
Epoch Times – Au dernier trimestre 2023, le ministère de l’Intérieur lançait les opérations « Place nette XXL » pour lutter plus efficacement contre la délinquance et le trafic de drogue. En quoi consistent-elles concrètement ?
Rudy Manna – Ces opérations consistent à passer au cap supérieur, c’est-à-dire être en capacité de mobiliser beaucoup d’effectifs et de rester un long moment dans les cités gangrénées par le trafic ; non pas pour simplement interpeller les trafiquants, mais pour faire des recherches beaucoup plus approfondies notamment dans les caves et dans les appartements.
Il s’agit aussi d’identifier toutes les voitures pour savoir celles qui ont été volées, casser les checkpoints, les barricades et éventuellement contrôler les commerces.
Ces opérations permettent d’effectuer des contrôles avec la CAF, l’Assurance Maladie et l’URSSAF. Elles consistent véritablement à casser, en tout cas pour quelque temps, des gros réseaux de points de stupéfiants dans certaines cités et de montrer aux trafiquants que l’autorité de l’État existe et qu’on peut la mettre en place dans ces cités.
La ville de Marseille est fortement touchée par le trafic de stupéfiants et plus particulièrement par les règlements de compte en lien avec ce trafic. L’année 2023 a été très meurtrière pour la cité phocéenne avec 49 morts et 118 blessés. Des opérations « Place nette XXL » ont été effectuées dans la ville. Ont-elles prouvé leur efficacité ?
Quand on nous parle d’opération XXL, il s’agit évidemment de communication et d’éléments de langage. Mais ces opérations « Place nette » sont quand même efficaces puisqu’elles nous permettent d’interpeller, de saisir beaucoup de stupéfiants, des armes et de l’argent.
Deuxièmement, nous avons la possibilité de rester longtemps sur ces points de vente alors qu’habituellement, on venait, on interpellait et on repartait. Donc les dealers ont un manque à gagner considérable.
Enfin, ces opérations ont l’avantage de dissuader les consommateurs de se rendre dans les quartiers où ils achètent la drogue. Ils se disent que cela ne vaut pas le coup de se déplacer puisqu’ils peuvent se faire contrôler, perdre leur marchandise et prendre une amende de 150€.
Cela étant, soyons réalistes et pragmatiques. Le jour où il y aura moins d’effectifs dans ces quartiers, il y a de grandes chances que les trafiquants de drogue cherchent à reprendre leur territoire.
Ces opérations sont-elles suffisantes pour déranger les trafiquants de drogue et les grands réseaux internationaux ? S’attaquent-elles à la source des trafics ? Les réseaux sont connus pour se reconstituer assez rapidement.
Non, on ne s’attaque pas forcément à la source. Avec ces opérations, on s’attaque à la délinquance de voie publique. On est là pour déstabiliser le trafic. Mais nous n’arriverons pas à détruire la totalité de ces réseaux parce que c’est un travail beaucoup plus long que mène, par exemple, le service de police judiciaire qui s’occupe des stupéfiants sur l’ensemble du territoire. Il est évident que pour s’attaquer encore plus à ces réseaux, il faut des enquêtes beaucoup plus approfondies.
La semaine dernière, un Afghan âgé de 25 ans a agressé deux individus au couteau. L’une des deux victimes est décédée. L’assaillant a été abattu par les forces de l’ordre. La piste terroriste a été écartée. Qu’en pensez-vous ? Est-ce une rixe ? Établissez-vous un lien avec l’immigration ?
Non, ce n’est pas une rixe, puisque les deux victimes n’avaient rien demandé, c’est plutôt une altercation sur fond religieux qui aurait dégénérée. L’assaillant aurait reproché aux deux individus de boire de l’alcool. Dans un premier temps, les victimes ont jeté des canettes en sa direction et il est revenu avec un couteau pour les tuer. L’un est décédé et l’autre a été grièvement blessé.
Il y a bien entendu un lien avec l’immigration. L’assaillant était Afghan. La difficulté est qu’aujourd’hui, un grand nombre d’individus franchissent la frontière de manière illégale et arrivent sur le territoire français. Ensuite, certains d’entre eux sont placés dans des centres de rétention administrative afin de traiter leur situation, et très régulièrement, il s’avère que ce sont des personnes qui n’ont pas le droit de rester sur notre sol.
Le problème étant que nous ne pouvons pas toujours les renvoyer chez eux puisque la France n’a pas forcément signé des accords avec les pays en question pour le faire. Alors, ils sont contraints de quitter le territoire dans le cadre d’une OQTF mais comme vous le savez, seulement 7 % des obligations de quitter le territoire français sont exécutées.
Nous avons également des difficultés avec des pays comme l’Afghanistan puisqu’il est interdit de renvoyer une personne qui vient d’un État en guerre ou d’un régime totalitaire, et c’est le cas de l’Afghanistan depuis le retour des Talibans.
Par conséquent, nous ne pouvons pas expulser les Afghans, mais seulement les interpeller. C’est notre principale difficulté. Il faut vraiment que l’État travaille de manière à ce que ces individus ne soient plus sur le territoire français. On aurait pu éviter le drame de Bordeaux si l’assaillant avait été renvoyé dans son pays.
La ville de Paris va accueillir les Jeux Olympiques cet été. La menace terroriste reste très élevée en France et les Jeux Olympiques pourraient représenter une cible de choix pour les terroristes. « Il y aura un dispositif sans précédent. Jamais la France n’aura déployé autant », a déclaré le président du comité d’organisation, Tony Estanguet. Le dispositif est-il à la hauteur de l’enjeu ? La zone bleue anti-terroriste avec les QR codes est-elle selon vous un bon dispositif ?
Il est certain que les policiers ne peuvent pas être plus nombreux qu’ils le sont aujourd’hui. Je rappelle que pendant les Jeux Olympiques, 100% des policiers travailleront, et même avant puisque des matchs de football commencent avant la cérémonie d’ouverture. Donc, du 24 juillet au 11 août, 100% des policiers et gendarmes vont travailler, sans jours de congés ni de repos.
Au sujet de la zone anti-terroriste, j’avoue ne pas avoir tout compris. J’attends d’avoir une explication plus claire. C’est un peu une usine à gaz. Il est très difficile d’organiser les Jeux Olympiques dans le contexte actuel. La menace terroriste est à son maximum et le niveau d’insécurité de manière générale est très élevé. C’est un défi extraordinaire que le ministre de l’Intérieur et les policiers et les gendarmes ont à relever. Maintenant, on va faire le maximum pour que cela se passe bien.
Fallait-il selon vous maintenir la cérémonie d’ouverture en bord de Seine ?
À Alliance Police nationale, on regrette que la cérémonie d’ouverture ait lieu en bord de Seine. Cette idée relève de la folie des grandeurs. C’est la première fois que la cérémonie d’ouverture n’a pas lieu dans un stade. On aurait pu éviter de rajouter de la difficulté à la difficulté pour les policiers. On va obliger 45.000 policiers et gendarmes à travailler ce soir-là alors que si la cérémonie avait été programmée dans un stade, il y en aurait eu certainement 10.000 de mobilisés. Donc, je crois que c’est une erreur et ce sont encore les policiers qui vont devoir travailler pour assouvir les égos et la folie des grandeurs de quelques-uns.
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