Centrafrique: un musicien franco-algérien rapproche des ethnies sur scène

Par Epoch Times avec AFP
5 juillet 2021 05:33 Mis à jour: 5 juillet 2021 05:52

Le son des trompes se mêle aux chants. Sur scène, Prosper Kota, un chanteur pygmée Aka, communauté vivant dans le sud-ouest de la Centrafrique, se jette au sol pour mimer un cérémonial mortuaire. 

Autour de lui, les musiciens du groupe Ongo Brotto, des Banda, une des ethnies majoritaires établie au centre du pays, soufflent dans leurs instruments à vent. Une cohabitation inédite, grâce à la musique, pour deux groupes éloignés géographiquement et dont un, les Aka, est issu d’une minorité ostracisée dans ce vaste pays pauvre d’Afrique centrale.

« Polyphonie, polyfolie » a fait ses derniers réglages lors de représentations à l’Alliance française de la capitale Bangui en juin, sous la houlette de Camel Zekri, guitariste franco-algérien qui fait le lien entre les deux cultures. Le spectacle va ensuite s’exporter en France, où il est programmé dans une dizaine de villes tout l’été.

Rencontre de ces deux ethnies

Le public assiste pour la première fois à la rencontre de ces deux ethnies, les Aka quittant rarement les forêts épaisses du sud-ouest ou leurs lisières.

« D’un côté, il y a les pygmées, des chasseurs-cueilleurs qui vivent dans la forêt, et de l’autre les Banda, qui viennent de la ville », explique à l’AFP Alex Ballu, un membre de l’équipe technique proche des musiciens.

-Des musiciens de Banda Linda, se produisent lors de la « Polyphonie, polyfolie », un concert qui réunit deux ethnies différentes, à l’Alliance française de Bangui, le 12 juin 2021. Photo par Barbara Debout / AFP via Getty Images.

Les Banda-Linda soufflent dans leurs trompes, des racines évidées par les termites, qui produisent un son grave, pendant que les pygmées enveloppent ces notes chaleureuses de leurs voix plutôt aiguës.

Les pygmées, tambourinent sur leur tamtam

Ficelés aux chevilles des Banda-Linda, des grelots constitués de feuilles et de graines s’agitent à la cadence de leurs pas. Quant aux pygmées, ils tambourinent sur leur tamtam et font glisser leurs phalanges sur une harpe-cithare.

L’objectif de la troupe: marier les cultures et les sons, l’instrumentale des Banda-Linda et la vocale des pygmées Aka. Camel Zekri est à la guitare, pour que les deux musiques « n’en deviennent qu’une ».

-Prosper Kota, Honoré GBako et Jean-Pierre Mongoa, chanteurs Pygmées Aka, se produit lors de la « Polyphonie, polyfolie », un concert qui réunit deux ethnies différentes, à l’Alliance Française de Bangui, Central République africaine, le 12 juin 2021. Photo par Barbara Debout / AFP via Getty Images.

Lors d’un festival organisé il y a plus de vingt ans, Camel Zekri avait rencontré ces musiciens traditionnels. Il avait alors travaillé avec les deux troupes séparément, sans qu’elles ne jouent ensemble. Longtemps après cette collaboration, Camel Zekri apprend « qu’ils ne s’entendent pas ».

Victimes de discriminations

Les pygmées Aka sont victimes de discriminations dans leur pays et sont menacés par la raréfaction des ressources et l’exploitation de leur habitat par les compagnies forestières. Pour tenter de préserver leur culture, les chants polyphoniques des pygmées Aka sont classés par l’Unesco depuis 2003 au patrimoine mondial de l’Humanité.

Marginalisés et peu considérés, les Aka n’ont pas de papiers d’identité. « On leur refuse d’être au-delà de leur ethnie », s’agace Camel Zekri. « La majorité naît en forêt et on ne sait même pas s’ils existent, j’ai dû convaincre les autorités pour qu’ils puissent avoir des passeports », ajoute-t-il.

Sur la scène, les musiciens pygmées n’exhibent pas leurs corps, contrairement aux Banda: les premiers sont en tee-shirt, le haut de leurs jeans ceinturé par une jupe en raphia, quand les autres jouent et dansent en tenue traditionnelle, torse nu et chevilles couverts de colliers ou de grelots, pagnes de raphia sur les hanches et chapeaux multicolores.

« N’étaient pas amies et jouent ensemble aujourd’hui, une belle image »

Malgré cette méconnaissance mutuelle profonde, « je leur ai proposé qu’on s’accorde », confie le compositeur. Pour lui, c’est un événement dont la dimension dépasse « l’ensemble musical ». « Ces deux ethnies centrafricaines qui n’étaient pas amies jouent ensemble aujourd’hui, c’est une belle image ». 

La Centrafrique, deuxième pays le moins développé au monde selon l’ONU, est ravagée depuis 2013 par une guerre civile même si elle a considérablement baissé d’intensité depuis trois ans.

« Nous sommes devenus une grande famille et nous mangeons désormais la même chose », s’amuse Aimée Gontrand Zounede, musicien Banda. « Le fait que nous soyons des artistes nous rapproche », ajoute Jean-Pierre Mongoa, chanteur pygmée. « Maintenant nous aimerions faire des concerts au milieu de la population locale pour montrer nos liens d’amitiés », s’enthousiasme-t-il.

 

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