J’ai croisé Alain, samedi, l’un de ces innombrables entrepreneurs – en l’occurrence un restaurateur – bien décidés à quitter la France à l’aube du déconfinement, écœuré par la façon dont son pays l’a traité à l’occasion de la crise du coronavirus. Voici quelques conseils pour l’imiter, en attendant que les Français n’atterrissent, et comprennent enfin que l’effort de redressement ne peut pas impliquer tout le monde sauf eux.
Samedi, je suis passé chez Alain, patron de restaurant, récupérer les plats que j’avais commandés. Alain est entrepreneur comme tant d’autres, dans Paris et, à ses heures perdues (et Dieu sait s’il lui en reste peu), il s’adonne comme intermittent du spectacle à ses passions : le chant et la musique. Il m’a offert l’apéritif, et en trinquant, il m’a annoncé qu’il revendait son fonds de commerce et qu’il partait à l’étranger. Il n’avait pas de mot assez dur pour qualifier la gestion de la crise en France.
Les entrepreneurs, grands oubliés de l’État dans la crise
Alain n’était pas tendre. Il m’a dit sans ambages ce que je crois vrai : à force de protéger les salariés, la France encourage au parasitisme et dégoûte les entrepreneurs d’entreprendre. Ma conviction depuis toujours est que ce choix n’est pas seulement le fruit du hasard, ou de l’incompétence des élites qui le mettent en oeuvre. Ce choix résulte d’une stratégie globale de mise sous tutelle du pays par une élite aristocratique qui préfère mille fois un assisté qui dépend d’elle à un indépendant qui n’a pas besoin d’elle.
Toujours est-il qu’Alain m’explique qu’en tant qu’intermittent du spectacle, il a eu droit à 2.500€ d’aides, et en tant que restaurateur propriétaire de son affaire, il a eu droit à du surendettement. Conclusion : il vaut mieux, en France, aller faire le pitre au festival d’Avignon devant quelques spectateurs désoeuvrés plutôt que de créer son affaire sans rien demander à personne. C’est plus confortable, plus rentable, et infiniment moins risqué.
Néanmoins, plusieurs témoignages récoltés montrent que certaines entreprises n’hésitent pas à recourir aux mesures de chômage technique et à faire pression sur leurs salariés pour obtenir qu’ils travaillent depuis chez eux comme s’ils restaient en temps complet. Elles font alors du chantage à l’emploi. Ces abus ne sont pas tolérables. Dans ce contexte les instances représentatives du personnel et les services de l’Inspection du Travail peuvent avoir un rôle primordial pour faire respecter les droits des salariés. Ces interlocuteurs ont malheureusement été fragilisés d’une part par les réformes du Code du travail menées par madame la ministre et d’autre part par les restructurations imposées aux services de l’Inspection du Travail.
Quand les entrepreneurs cèdent la place à la mafia
Sur ces entrefaites, des Chinois sont venus voir Alain et lui proposer de reprendre son fonds de commerce à un bon prix. Mais pourquoi dire non ? D’où vient l’argent des Chinois ? Personne ne le sait au juste, et d’ailleurs personne ne s’en préoccupe. Il serait intéressant un jour de connaître le taux de contrôle fiscal par minorité ethnique en France. Il réserverait sans doute bien des surprises.
Ce qui est sûr, c’est qu’Alain ne va pas se faire prier pour partir. Entre la continuité de son activité avec une obligation de 4m2 par client, et la revente de l’affaire à un bon prix pour partir vers des cieux plus cléments, le choix n’est pas long à faire. Et voilà comment tous nos vertueux donneurs de leçons qui préconisent un « changement de paradigme » pour notre pays vont gentiment faire partir les plus vertueux et ne conserver que les éléments les plus opaques.
Nul ne peut imaginer à quoi ressemblera l’horizon des affaires en France dans 10 ans, au fur et à mesure que la culture de la prétendue « égalité » (qui est en réalité une culture de la confiscation) progresse.
Ressentiment contre la culture de la punition en France
Les Français ne mesurent pas assez l’impact que peut avoir la culture punitive de l’extrême gauche sur l’envie des entrepreneurs d’entreprendre. La vie d’entrepreneur n’a rien à voir avec la sinécure des profiteurs que décrivent les Adrien Quatennens (que nous citons ici) de la France Insoumise et leurs complices. Elle est d’abord faite de semaines à rallonge, dont une partie est occupée par de la paperasse administrative inutile, et par de trop nombreux renoncements aux vacances eu aux droits dont les salariés disposent.
Ces efforts, loin d’être salués, sont généralement contestés par un empoisonnement quotidien de la vie du chef d’entreprise par des complications et des tracasseries bureaucratiques, le tout ponctué par des déclarations de haine émanant des pourfendeurs du « néo-libéralisme ». En bout de course, à quoi bon ? Ne vaut-il mieux pas partir et laisser les Français envieux à leur destin de paupérisation ?
Comment quitter la France ?
Nous avons, dans nos colonnes, expliquer dans les grandes lignes en quoi consiste la transmission universelle du patrimoine par défaisance transfrontalière, aussi appelée TUP transfrontalière. Il s’agit d’une modalité tout à fait légale qui permet de préserver son patrimoine en évitant sa confiscation prévisible par le fisc français.
Comme nous l’avons écrit à plusieurs reprises dans nos colonnes, nous pensons en effet que la fiscalité de l’épargne va bondir dans les prochaines semaines pour solvabiliser l’État. Il faut ici faire très attention aux dérives démagogiques des élus face à une opinion chauffe à blanc par les efforts qu’on va lui demander.
Pour l’instant, l’État a financé deux mois de masse salariale pour la moitié des salariés par le recours au déficit. On ajoutera à cette somme colossale qui devrait friser les 50 milliards, le salaire des fonctionnaires confinés chez eux que les contribuables ont continué à payer.
Ces sommes faramineuses reviendront tôt ou tard sous forme d’impôts. Pour l’instant, la machine à endormir la vigilance laisse croire que cet argent dépensé n’a pas plus de réalité que le beurre en branche, mais dès que l’effet du valium étatiste se sera dissipé, l’addition tombera.
Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que l’épargnant sera sommé de payer. Et dans cet ensemble, les fonctionnaires de Bercy qui méprisent les entrepreneurs (sauf ceux qui font carrière à la Silicon Valley) n’auront aucun état d’âme à serrer la vis à tous ceux qui ont préparé leur fin de vie en mettant un peu d’argent de côté. Pour les fonctionnaires de Bercy à 10 ou 15.000 euros par mois, un entrepreneur qui réussit mieux que lui est un usurpateur qui doit payer chèrement son arrogance.
Partir, mais légalement, pour mieux revenir
Nous avons à plusieurs reprises expliqué comment les Français qui appellent à la confiscation des biens chèrement, moralement et dignement acquis par les entrepreneurs, sont sous l’effet d’un anesthésiant (l’égalitarisme) dont les perversions secondaires sont bien connues et reviennent régulièrement dans le pays : la chasse aux « riches » (qui ne touchera que les vrais entrepreneurs et épargnera miraculeusement les grandes fortunes d’héritage déjà parties à l’étranger) mettra le pays en faillite. Tant que les Français n’auront pas pris ce mur dans la figure, avec tout ce qu’il comporte de déchirures, il continuera à brailler contre les riches et à vitupérer contre toute forme d’effort qui leur serait demandé, en jouant aux pucelles effarouchées. La TUP, pensez-y tant qu’il en est encore temps…
Une fois le mur pris, les yeux s’ouvriront, et il sera temps, comme en 1958, alors, de revenir dans de bonnes conditions fiscales. D’ici là, le bon sens est de partir là où ceux qui ratent et qui paressent n’ont pas l’illusion de détenir la vérité indépassable de toute chose.
Article d’Éric Verhaeghe, avec l’aimable autorisation du Courrier des Stratèges
Éric Verhaeghe ancien Président de l’APEC (l’Association pour l’emploi des cadres) et fondateur du cabinet Parménide. Il est aussi l’auteur de Jusqu’ici tout va bien (éditions Jacob-Duvernet, 2011), Au coeur du MEDEF : Chronique d’une fin annoncée, (Jacob-Duvernet, septembre 2011) et de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : lecourrierdesstrateges.fr
Diplômé de l’ENA (promotion Copernic) et titulaire d’une maîtrise de philosophie et d’un DEA d’histoire à l’université Paris-I, il est né à Liège en 1968.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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