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« C’est pire que la prison, au moins, les détenus peuvent se doucher et être soignés »: des soignants des urgences de Versailles témoignent

janvier 31, 2024 17:54, Last Updated: février 1, 2024 6:37
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Le Parisien a recueilli les témoignages glaçants de plusieurs soignants exerçant aux urgences du centre hospitalier de Versailles. Le quotidien qu’ils décrivent est un enfer, pour les patients d’abord, entassés dans un couloir froid et bruyant faute de lits, mais aussi pour eux. Ils disent pourtant avoir tout essayé pour faire bouger les choses, en vain.

Aux urgences du centre hospitalier de Versailles, comme dans beaucoup d’autres en France, la situation d’accueil des patients est catastrophique. Si Thierry, Diane, Nathalie et Lola (prénoms changés), qui exercent en tant qu’infirmiers ou aides-soignants dans ce centre hospitalier ont accepté de témoigner, c’est sous couvert d’anonymat.

« Certains restent jusqu’à cinq jours dans ce couloir avant d’être hospitalisés ! »

Dans leur service, les conditions de prise en charge des patients sont effrayantes. Ceux-ci doivent patienter en étant installés sur des brancards rangés côte à côte, dans un corridor où la lumière y est constamment allumée et où les portes s’ouvrent sans cesse, laissant le froid pénétrer. Certains patients « restent jusqu’à cinq jours dans ce couloir avant d’être hospitalisés », confie Lola.

Ces patients, composés d’une population très hétéroclite – des jeunes, des personnes âgées, des handicapés, des SDF – se côtoie par la force des choses et il n’est pas rare que des querelles éclatent. À cause des verrières, il règne dans ce lieu un bruit assourdissant.

« Les pauvres personnes âgées perdent complètement leurs repères, hurlent en continu, s’en vont. Parfois, on perd leur trace », explique au quotidien francilien Diane. Sa collègue Nathalie reconnaît : « On est souvent obligés de les attacher. »

« On est maltraitant malgré nous »

Pour couronner le tout, ces personnes ont du mal à assouvir leurs besoins les plus élémentaires comme boire ou aller aux toilettes, car les aides-soignants sont trop peu nombreux et n’arrivent pas à répondre à la multitude des demandes. « Résultat, certains se font dessus, deviennent incontinents et finissent parfois avec une occlusion intestinale », se désole Nathalie, qui souligne : « On est maltraitant malgré nous. »

« Comment s’en sortir lorsqu’il n’y a qu’un infirmier et un aide-soignant pour 22 malades ? On leur dit qu’on arrive, et on oublie », soulignent-ils. « C’est pire que la prison. Au moins, les détenus peuvent se doucher et être soignés… », ose Diane, tout en précisant que les patients restent parfois plusieurs jours sans pouvoir se laver.

À ce chaos s’ajoute le manque de matériel, comme par exemple les brancards ou l’oxygène. Dans ce cas, les soignants doivent parer au plus urgent et n’hésitent pas à prendre le brancard d’un patient, qu’ils déplacent sur un fauteuil même si c’est en pleine nuit, pour le donner à un autre plus mal en point.

« J’ai découvert que le patient était mort, tout seul, dans son coin »

Mais peu importe car attendre plusieurs jours une prise en charge aux urgences – et ce même en étant sur un brancard – peut entraîner de nombreuses complications, surtout pour les personnes âgées, plus sujettes aux phlébites et aux escarres. Dans le pire des cas, cela peut aboutir au décès du patient, comme l’explique Diane.

La soignante raconte en effet qu’un jour, en passant près de la zone de soins, elle a « machinalement » ouvert le rideau et a découvert « que le patient était mort, tout seul, dans son coin ». « Comme un chien », s’indigne Thierry. « « Il y a quelques jours, un jeune homme, qui attendait dans le couloir, a été retrouvé en arrêt cardiaque », ajoutent ses collègues, de plus en plus souvent confrontés à ce type de drames.

Une augmentation du flux de passages aux urgences de plus de + 50% depuis 2014

En contactant le centre hospitalier de Versailles, le quotidien francilien dit avoir reçu une réponse stipulant que son « service d’accueil des urgences est confronté, comme beaucoup d’établissements, à une augmentation importante du flux de passages aux urgences : + 50 % depuis 2014 », ce qui représente 90.000 patients chaque année.

À cela s’ajoute une diminution du nombre de lits, ce qui a pour conséquence « des délais de prise en charge rallongés et des passages plus longs aux urgences ». Même si la direction de l’hôpital a mis en œuvre un « plan d’action » avec le soutien de l’Agence régionale de santé, combien y aura-t-il encore de morts avant que la situation change radicalement ?

Les soignants interrogés par nos confrères assurent avoir tout essayé de leur côté – grèves, droit de retrait, alertes auprès de la direction et des autorités – sans que rien ne bouge. Et à la question de savoir s’ils conseilleraient à leurs proches les urgences de Versailles, ils ont tous eu la même réponse : « Jamais de la vie ! »

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