La réalisatrice Justine Triet a confié toute son émotion dimanche, après le parcours exceptionnel de son film Anatomie d’une chute récompensé par l’Oscar du meilleur scénario et une campagne hors norme pour la promotion du film.
« C’est très émouvant », a-t-elle confié à BFMTV. « Je suis tellement heureuse, ça veut dire que les films traversent les frontières », a-t-elle déclaré à la presse française dans les coulisses de la cérémonie. « C’est un énorme soulagement pour tout le monde, car nous avons commencé la course en septembre », a-t-elle précisé à l’AFP. « Nous avons fait un film indépendant en France avec un budget modeste, donc cela signifie beaucoup pour l’avenir. »
Depuis la Palme d’Or en mai, le film a accumulé les récompenses internationales avec deux Golden Globes, un Bafta (équivalent d’un César britannique) et plusieurs prix critiques américains. S’il n’a rien pu faire face au rouleau-compresseur Oppenheimer pour l’Oscar du meilleur film, ce drame judiciaire n’en signe pas moins un très beau parcours.
Arthur Harari and Justin Triet ??collect the Original Screnolay #BAFTA fir anatomy of A fall ???#EEBAFTAs
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Cinq nominations
Avec cinq nominations, il s’est imposé comme le meilleur représentant du cinéma français outre-Atlantique depuis Amour, Oscar du meilleur film étranger en 2013, et The Artist, qui avait raflé cinq statuettes en 2012.
Un triomphe qui reste difficile à comparer : Michel Hazanavicius signait là un film muet en forme de lettre d’amour à Hollywood. Variation sur le film de procès, Anatomie d’une chute chronique, lui, la dégringolade d’un couple, au sein duquel une écrivaine ambiguë se retrouve accusée du meurtre de son mari. L’occasion d’offrir une réflexion sur le coût de la vie à deux et le caractère insaisissable de la vérité.
Aux États-Unis, le long-métrage a été promu par Neon, le distributeur qui avait permis à Parasite, du Sud-Coréen Bong Joon-ho, de triompher aux Oscars en 2020 avec six statuettes, dont celle du meilleur film.
Neon a su rebondir lorsqu’Anatomie d’une chute a été snobé par la commission chargée de sélectionner le représentant français pour l’Oscar du meilleur film international, au profit de La Passion de Dodin Bouffant, qui n’a pas été nommé.
Des professionnels reconnus, sur lesquels Justine Triet s’est appuyée pour réaliser une campagne ingénieuse. « C’est pas du tout mon métier, moi je suis quelqu’un qui travaille dans l’ombre », confiait-elle lors d’un passage en février à Los Angeles, où elle enchaînait les journées à rallonge.
« C’est un rêve mais c’est aussi une campagne (pour décrocher l’Oscar) », a-t-elle commenté au micro de BFMTV. « C’est vraiment du travail. Je ne m’attendais pas à ce que cela allait être. J’ai découvert plein de choses. J’ai découvert aussi comment ça marchait dans ce pays. »
Le distributeur a ainsi publié un communiqué pour rappeler que la Palme d’or cannoise était éligible dans toutes les autres catégories. Et organisé l’omniprésence de Justine Triet dans la presse nord-américaine : Telluride, Toronto, New-York… la réalisatrice a fait la tournée des festivals à l’automne.
Ces allers-retours incessants entre la France et les États-Unis ont nourri le succès critique d’Anatomie d’une chute. À tel point que Barack Obama l’a inclus dans son top 10 des meilleurs films de 2023. Prise dans le tourbillon promotionnel, Justine Triet se disait surprise par « le côté enthousiaste de la campagne », en février. « C’est un truc assez fou que j’avais pas imaginé. »
Chien star
Car Neon a multiplié les bonnes idées susceptibles de plaire aux Américains. Comme créer des affiches pour Messi, le chien du film, plébiscité par les internautes pour sa capacité à simuler une overdose.
Messi at the #Oscars pic.twitter.com/YLQPOivlcn
— Film Updates (@FilmUpdates) March 11, 2024
Le border collie avait même fait le voyage aux États-Unis pour le déjeuner des Oscars en février et il est revenu pour assister à la cérémonie dimanche, assis confortablement sur un fauteuil rouge. « Il est incroyable », a salué le maître de cérémonie, Jimmy Kimmel, à l’adresse du toutou. « On s’est tous fait voler la vedette par Messi. Toutes les stars sont venues le voir en voulant poser avec lui », s’étonnait Justine Triet en février.
Neon a également vendu Anatomie d’une chute avec d’autres arguments qu’en France. Plus qu’une plongée dans l’intimité d’un couple, le distributeur a promu le film comme un thriller, avec une question majeure : l’écrivaine incarnée par Sandra Hüller est-elle coupable ?
Le distributeur a été jusqu’à organiser une lecture publique du scénario à Los Angeles par des figures bien connues d’Hollywood : Bob Odenkirk, star de la série Better Call Saul, l’actrice Riley Keough, petite-fille d’Elvis Presley, et Jay Ellis (Top Gun : Maverick).
Une stratégie fondée sur le buzz qui a permis à ce film d’auteur très français, pur produit de l’exception culturelle défendue par Justine Triet à Cannes, de se faire remarquer par le gratin du cinéma américain.
Pendant la campagne, la réalisatrice a pu croiser Meryl Streep, Martin Scorsese ou encore Steven Spielberg. Ce dernier « a beaucoup aimé le film », racontait-elle en février. « Tout ce qui se passe autour du film depuis Cannes, c’est surréaliste », soufflait-elle. « C’est extrêmement fort et émouvant. »
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