Charles-Henri Gallois : « Il n’y a jamais eu de réindustrialisation, mais plutôt un freinage du phénomène de désindustrialisation »

Par Julian Herrero
18 novembre 2024 13:26 Mis à jour: 19 novembre 2024 23:19

ENTRETIEN – Le président de Reprenons le contrôle ! répond aux questions d’Epoch Times sur les plans sociaux annoncés par Michelin et Auchan.

Epoch Times : Le 5 novembre, Michelin a annoncé aux salariés la fermeture avant 2026 des sites de Cholet et de Vannes. Quelque 1254 salariés sont concernés par ce plan social. Par ailleurs, le même jour, l’enseigne de la grande distribution Auchan a aussi annoncé à ses employés des licenciements. Que traduisent, pour vous, ces divers plans sociaux ?

Charles-Henri Gallois : Il y a des réalités différentes. Auchan est un grand distributeur et Michelin un fabricant de pneus. Mais ces plans sociaux traduisent quand même plusieurs éléments communs.

D’abord, un ralentissement clair de l’activité économique ainsi qu’une baisse de la consommation. Ce qui concerne particulièrement Auchan.

Contrairement à ce qu’avait affirmé l’ancien ministre de l’Économie Bruno Le Maire, les salaires n’ont pas augmenté autant que l’inflation, que ce soit en 2021, en 2022 ou en 2023. Les Français se sont donc paupérisés. Malheureusement, quand vous vous retrouvez dans une situation de précarité, vous êtes obligés de faire des économies, de prendre seulement des produits essentiels. On a vu pendant l’épisode inflationniste que, pour la première fois depuis des années, la consommation alimentaire avait diminué en France en volume. La paupérisation est bien là.

Concernant Michelin et tous les sites de production industrielle, nous sommes en train d’assister à une vague de fermetures de sites qui sont, en réalité, des délocalisations. Même si la consommation de pneus peut ralentir à cause de la baisse du pouvoir d’achat, il y a eu surtout des transferts de production vers d’autres sites.

Ces délocalisations sont, en grande partie, liées au coût de l’énergie en Europe et en France plus particulièrement. Ces zones ne sont plus aussi compétitives que d’autres lieux de production dans le monde.

À cause du marché de l’électricité de l’UE, le prix de l’électricité est indexé sur celui du gaz et in fine, les entreprises ou même les particuliers payent bien plus cher que le coût de production. C’est assez regrettable quand on sait que la France, grâce à son parc nucléaire est censée avoir de l’électricité à bas prix !

C’est la même chose avec le gaz. Le prix de cette énergie en Europe n’est plus du tout compétitif. Il est presque six fois plus cher que celui des États-Unis ou de la Chine. Pékin a d’ailleurs battu un record d’excédent commercial avec plus de 1000 milliards.

Évidemment, quand vous êtes un chef d’une entreprise industrielle, l’énergie peut parfois représenter jusqu’à 60 % du coût de revient, et si vous voulez payer moins cher, vous allez aux États-Unis ou en Chine. Aujourd’hui, c’est exactement ce qui se passe. Les entreprises produisent dans ces deux pays et pas en Europe.

C’est d’autant plus frustrant pour nous, alors que la France devrait être parmi les pays les plus compétitifs au monde en matière d’électricité. Mais on ne bénéficie pas de cet avantage comparatif à cause du marché de l’électricité de l’Union européenne.

Le pays est donc, pour vous, toujours en train de se désindustrialiser ? En avril 2023, Emmanuel Macron avait assuré que 200 usines avaient ouvert en deux ans.

À l’évidence, la France continue de se désindustrialiser.

Depuis des années, le gouvernement fait de la communication en mettant en avant quelques projets d’investissements. Mais quand on regarde froidement les chiffres, on réalise que depuis sept ans, la part de production industrielle en France a diminué. Il n’y a pas eu de réindustrialisation, mais plutôt un freinage du phénomène de désindustrialisation. L’ampleur de la baisse était plus importante auparavant.

Aujourd’hui, on entre dans une deuxième phase où non seulement, il ne va pas y avoir de réindustrialisation, mais une seconde vague de délocalisations, notamment à cause du coût très élevé de l’énergie.

Interrogé sur France Inter le 9 novembre, le ministre de l’Industrie Marc Ferracci a indiqué qu’il y aura probablement « dans les semaines et mois à venir d’autres annonces de fermetures de sites ». Il a également parlé d’une réponse européenne pour aider le secteur automobile. Qu’en pensez-vous ?

C’est évidemment grotesque. Le prix de l’énergie est globalement trop élevé en Europe.

La réponse du ministre est d’autant plus stupide qu’on se souvient tous de l’épisode Bridgestone : il y avait eu d’énormes vagues de délocalisations automobiles au sein même de l’UE, vers les pays de l’Est en raison du coût moins élevé de la main-d’œuvre.

La réponse devrait être française et non européenne.

Quand Marc Ferracci affirme qu’il va y avoir de nouveaux plans sociaux, il dit la même chose que moi. Mais au lieu d’essayer de traiter les causes du problème, à savoir le coût de l’énergie et de sortir du marché électricité de l’Union européenne, il préfère la casse sociale.

C’était la même chose quand ils ont gaspillé 50 milliards d’euros pour le bouclier tarifaire, alors qu’en rétablissant un prix national de l’électricité, cela aurait été gratuit.

Malheureusement, par dogmatisme, nos dirigeants préfèrent panser les plaies plutôt que de s’attaquer aux racines du problème.

Vous êtes à la tête du mouvement politique souverainiste Reprenons le contrôle ! Établissez-vous un lien direct entre l’Union européenne et la désindustrialisation ?

Oui parce qu’au-delà de la dimension du prix de l’énergie qui conduit à ce décrochage additionnel, il y a d’autres facteurs : le prix de la main-d’œuvre et la politique de libre-échange sans limite de l’UE. D’ailleurs, on le constate en ce moment avec le traité signé avec le Mercosur qui va affaiblir encore plus notre agriculture, en particulier nos éleveurs.

Par sa logique de libre-échange sans limite, l’UE ne protège pas les industries. Je ne dis pas qu’il faut augmenter de manière uniforme les barrières douanières, surtout sur des produits que nous ne produisons pas sur le sol européen, mais l’Union européenne n’est pas du tout dans une optique de protéger des secteurs-clés industriels.

On commence à voir de la part des dirigeants européens des réactions timides sur les voitures électriques chinoises. Mais ce n’est rien par rapport à ce que font les États-Unis et ce qu’ils feront avec l’élection de Donald Trump.

En ne protégeant pas les industries, l’UE a entretenu le phénomène des délocalisations et au sein même de l’Europe ! Historiquement et avant la crise énergétique, 55 % des délocalisations étaient au sein de l’Union européenne, notamment vers les pays de l’Est.

D’ailleurs, si nos politiques à Paris s’en offusquent régulièrement, ce n’est pas le cas des commissaires de Bruxelles.

L’UE est dans une logique pro-délocalisations et à la pointe du phénomène de désindustrialisation.

Quelles politiques devraient être, selon vous, mises en œuvre, pour réindustrialiser le pays ?

D’abord, il faut rétablir un prix national de l’électricité. Par ailleurs, un arrêt de l’augmentation des prélèvements obligatoires s’impose au profit d’une baisse de la dépense publique inutile pour assainir les comptes publics.

Il faut également sélectionner des grands secteurs-clés industriels et faire du protectionnisme intelligent, à la fois pour les préserver et les développer.

La combinaison de ces trois axes permettrait de relocaliser et de réindustrialiser le pays. Malheureusement, nous n’en prenons pas le chemin. La désindustrialisation et la paupérisation de la France vont se poursuivre avec la Macronie.

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