La nature de la relation liant homme et chat a atteint une nouvelle compréhension à travers une récente étude génétique menée par un consortium de scientifiques. Entre autres, celle-ci révèle que les chats se seraient domestiqués eux-mêmes, que leur ADN n’aurait pas changé durant des millénaires et qu’ils auraient conquis le monde depuis l’Égypte.
L’étude génétique, menée par le Centre for Ecological and Evolutionary Synthesis (CEES) et publiée sur le très sérieux Nature, a rassemblé les travaux de nombreux anthropologues et s’est intéressée aux restes osseux de 209 félins, dont de nombreux chats momifiés du British Museum. À travers des opérations complexes, l’équipe a analysé des poils, dents et os des félins.
L’étude l’a ainsi confirmé : dans le rapport homme/chat, ce sont bien les chats qui ont fait le premier pas. Il y a 8000 ans, les premiers chats appartenant à l’espèce du chat domestique sont entrés en contact avec l’homme. D’après les auteurs de l’étude, les hommes ne s’en sont pas servis comme nourriture et ne les ont jamais mis en cage, mais les ont autorisés à venir sur leurs champs. « Les hommes ont plus ou moins autorisé les chats à se domestiquer eux-mêmes », indique Eva-Maria Gengi anthropologiste à l’Institut Jacques Monod à Paris et directrice de recherche au CNRS.
D’après les scientifiques, il existe deux lignées principales pour ces chats domestiques ; d’abord, les chats venus du sud-ouest de l’Asie en Europe, en 4400 av. J.-C. La seconde lignée est le chat africain, qui a prédominé en Égypte, puis voyagé à travers la Méditerranée à partir de -1500 av. J.-C. Ce chat, très sociable, a par la suite conquis le monde.
En Égypte antique, le chat était un animal sacré, vénéré comme symbole de protection. Il était l’incarnation d’une déesse. Dans la vie quotidienne, il chassait les rongeurs qui s’en prenaient aux silos et qui propageaient la peste mais aussi les dangereuses vipères à cornes. Maltraiter ou tuer un chat pouvait être puni de mort, et au décès de leur animal, les Égyptiens se rasaient les sourcils en signe de deuil.
D’après Eva-Maria Geig, le « contexte social et culturel de la société égyptienne a facilité la disposition familière du chat à l’égard de l’homme ». « Leur popularité et leur rôle joué dans les épidémies de peste ont encouragé les Égyptiens à embarquer les chats sur leurs navires, et répandre ainsi l’espèce aux quatre coins du globe », ajoute-t-elle.
Les analyses ADN montrent que les rayures et taches caractérisant le chat tigré sont apparues à cette époque et ont distingué le chat domestique du chat sauvage par une légère modification dans ses gènes depuis cette époque.
De plus, il est surprenant d’apprendre que, contrairement à d’autres espèces proches de l’homme, le chat a gardé son capital ADN inchangé depuis ses millénaires passés au contact de l’homme. Ce qui laisse entendre une parfaite conservation des caractéristiques d’origine de l’espèce. « Le contraste est fort avec les chiens, premier animal à avoir été domestiqué », remarque le professeur Eva-Maria. Les races canines ont fait l’objet de constantes sélections par divers groupes humains pour accomplir des tâches de façon spécifiques. Le chien de berger, le chien de chasse, le chien d’arrêt ou de compagnie, chacun est différent.
De même, la domestication du cheval a entraîné une modification progressive de son patrimoine génétique – une étude datant de 2014 démontre que 125 gênes ont été modifiés depuis les espèces primitives jusqu’au cheval actuel, et qu’une partie des caractéristiques originelles ont été perdues au fil des siècles.
Les chats ont cependant tout conservé. D’après le Pr. Eva-Maria, il n’était « pas nécessaire d’effectuer des sélections d’espèces » car les chats avaient déjà tout ce qui leur fallait.
« Nous avons découvert des choses incroyables sur l’origine de cette espèce, jusqu’où elle a pu voyager, et le genre d’impact qu’elle a eu sur l’homme », estime le professeur Claudio Ottoni, qui a dirigé l’étude. Il espère en apprendre encore plus dans le futur. Ainsi, si l’homme n’a eu aucun effet sur l’évolution du félin, l’hypothèse contraire reste ouverte : peut-être que les chats nous ont domestiqués…
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