Rien ne semble devoir entamer la détermination des manifestants chiliens qui continuent à descendre dans la rue, 40 jours après le début d’un mouvement réclamant des mesures sociales urgentes qui tardent à se concrétiser.
Des milliers de personnes ont manifesté une nouvelle fois mardi dans les rues de Santiago à l’appel de plusieurs organisations syndicales du secteur public, a constaté l’AFP.
La vague de contestation qui a éclaté le 18 octobre se poursuit selon un scénario devenu habituel à Santiago. Les journées commencent normalement, puis des rassemblements plus ou moins suivis ont lieu dans le centre-ville. S’ensuivent en fin de journée des heurts entre les manifestants les plus radicaux et les forces de l’ordre, ainsi que des incendies et des pillages attribués à des groupes organisés de délinquants.
Les centres commerciaux de Santiago ferment plus tôt en raison des difficultés de transport des employés, et un métro ne fonctionnant toujours pas à 100% dans cette capitale de 7 millions d’habitants.
Abus de la police
Plusieurs ONG dont Human Rights Watch (HRW) ont dénoncé « de graves violations des droits de l’Homme de la part de la police ». Le directeur pour les Amériques de cette ONG, Jose Miguel Vivanco, a affirmé avoir reçu des centaines de plaintes concernant « un usage excessif de la force dans les rues et des abus contre des détenus ».
Un universitaire, Gustavo Gatica, a perdu totalement la vue après avoir été blessé par des tirs des forces de l’ordre le 8 novembre lors d’une manifestation à Santiago, a indiqué mardi l’hôpital dans lequel il a été soigné. Il s’agit du premier manifestant rendu entièrement aveugle depuis le début de ces manifestations, et son cas est devenu le symbole des nombreux blessés aux yeux en raison de ces projectiles spéciaux utilisés par la police, qu’elle s’est engagée à abandonner.
La Croix-Rouge chilienne a affirmé qu’elle continuait à traiter des patients blessés par ces tirs.
Incertitude sur l’évolution du mouvement
L’accord historique signé par les partis le 15 novembre sur l’organisation d’un référendum pour remplacer la Constitution héritée de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990) avait suscité l’espoir d’une sortie de crise. Mais la poursuite des violences, des blocages et des manifestations maintient l’incertitude sur l’évolution du mouvement.
Les manifestants réclament notamment au gouvernement du président conservateur Sebastian Piñera une augmentation du salaire minimum. Les syndicats exigent qu’il passe de 301.000 pesos mensuels (400 dollars) à au moins 500.000 pesos (625 dollars).
Un agenda social ambitieux
« Il y a des demandes à long terme comme la nouvelle Constitution par une Assemblée constituante, des demandes sur le droit à la santé, l’éducation, un toit, le droit à des négociations collectives, mais aussi des demandes très précises: un salaire minimum de 500.000 pesos, un minimum vieillesse équivalent », a déclaré Barbara Figueroa, la présidente de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), syndicat le plus puissant du pays.
« Si le pouvoir veut donner un signal clair, alors ce que nous attendons, c’est un agenda social ambitieux », a-t-elle ajouté.
Le gouvernement du président Piñera a également provoqué un tollé en annonçant lundi le dépôt devant le Parlement d’un projet de loi autorisant les militaires à protéger les infrastructures publiques, sans avoir besoin de décréter l’état d’urgence. L’instauration de cet état d’urgence aux premiers jours de la crise avait été fortement critiquée.
La crise qui secoue le Chili est la plus grave depuis le retour de la démocratie en 1990. Cette vague de contestation a fait 23 morts, dont cinq après l’intervention des forces de sécurité, et plus de 2.000 blessés.
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