Une affaire pénale impliquant une opération de prélèvement d’organes réalisée dans une ambulance non agréée, en Chine, montre les efforts constants de Pékin pour dissimuler son propre penchant à prélever de force des organes sur des prisonniers d’opinions.
En juillet dernier, quatre médecins de l’est de la Chine ont été condamnés à des peines allant de 12 à 28 mois de prison. Ils ont été reconnus coupables d’avoir pris part au prélèvement illégal du foie et des deux reins d’une patiente, Mme Li Peng, après sa mort.
Leur cas a été exposé par les médias publics sans aucune censure. Selon les observateurs, le régime chinois cherche à utiliser cette histoire pour détourner l’attention du fait qu’il pratique lui-même, tout en le sanctionnant officiellement, le prélèvement forcé d’organes.
Selon les médias publics chinois, le foie de Mme Li a fini dans un hôpital militaire de Pékin pour une transplantation, et ses reins ont été acheminés vers un hôpital de la ville voisine de Tianjin. Ces deux hôpitaux ont été identifiés par une ONG basée aux États-Unis comme des centres présumés de prélèvements forcés d’organes sur des prisonniers politiques vivants.
Les médecins, ainsi que deux autres complices, ont été inculpés après que le fils de Mme Li, Shi Xianglin, a alerté les autorités. Les médias ajoutent que le dossier de donneur d’organes de sa mère n’était pas enregistré dans la base de données officielle du pays. Shi Xianglin a commencé à soupçonner que quelque chose n’allait pas après avoir découvert que son cousin Shi Zijun avait reçu 200 000 yuans (environ 25 000 €) deux jours après le prélèvement des organes de sa mère. Selon les autorités chinoises, le programme national de don d’organes ne rémunère pas les donneurs.
L’argent aurait été versé par un homme d’affaires de la région, Huang Chaoyang. Ce dernier vendait du matériel médical. Il avait déjà été condamné un an avant à dix mois de prison pour avoir pris part à un prélèvement d’organes non autorisé.
Les quatre médecins ont par la suite, nous dit-on, fait appel de leur condamnation, en faisant valoir qu’ils n’avaient fait que leur devoir « en accord avec l’État » puisqu’ils ne faisaient que suivre les ordres de leurs chefs à l’hôpital.
Prélèvement illégal d’organes
Selon les médias publics, Mme Li, une femme de 53 ans vivant dans le comté de Huaiyuan, dans la province orientale de l’Anhui, est décédée dans un hôpital local, l’Hôpital du peuple du comté de Huaiyuan, le 15 février 2018. Quatre jours plus tôt, elle avait été transportée d’urgence dans une unité de soins intensifs (USI) après avoir été blessée par son beau-fils lors d’une attaque à la hache.
Le 12 février 2018, après avoir passé une journée dans l’USI, on a déclaré qu’elle se trouvait dans un état critique avec des signes d’arrêt respiratoire imminent.
M. Yang, médecin en chef adjoint et directeur de l’unité de soins intensifs de l’hôpital, s’est occupé de Mme Li lors de son admission.
Selon les médias locaux, c’est lui qui aurait persuadé le mari et la fille de Mme Li de signer un formulaire de don d’organes volontaire, après avoir promis qu’ils seraient rémunérés. Initialement, M. Yang aurait proposé 160 000 yuans (environ 20 000 €), mais le montant fut augmenté jusqu’à 200 000 yuans à la demande de Shi Zijun, le neveu de Mme Li. Le mari et la fille de Mme Li ont signé le formulaire le 14 février 2018, la veille de la mort de Mme Li.
Toujours selon les médias locaux, après avoir obtenu l’approbation de la famille, M. Yang aurait appelé un confrère, M. Huang Xinli au sujet d’un prélèvement d’organes. Ce dernier travaillait dans un hôpital de la ville voisine de Nanjing. C’est lui qui aurait déterminé que les organes de Mme Li étaient adaptés pour une transplantation.
À l’époque, M. Huang était médecin en chef à l’Hôpital Drum Tower de Nanjing, affilié à la faculté de médecine de l’université de Nanjing. Avant d’y être employé, il travaillait à l’Hôpital populaire du Jiangsu, un hôpital public à Nanjing (la capitale de la province orientale du Jiangsu).
Selon les médias publics, M. Huang s’est ensuite arrangé pour qu’un ancien collègue Lu Shen et un autre médecin, Wang Hailang, prélèvent les organes de Mme Li dans une ambulance. Lu Shen était le médecin en chef de la chirurgie hépatobiliaire et pancréatique à l’Hôpital populaire du Jiangsu. Wang Hailang était médecin en stomatologie à l’Hôpital général des mineurs de Huaibei, dans l’Anhui.
Les organes de Mme Li ont été prélevés immédiatement après sa mort, mais on ignore où l’ambulance était garée au moment de l’opération.
L’ambulance sans licence appartenait à Ou Yang, qui a été condamné à un an et un mois de prison dans ce même procès. Selon les médias, M. Ou avait acheté l’ambulance dans un centre de soins public de la ville de Suzhou, dans l’Anhui, en 2015. En 2018, après avoir obtenu une nouvelle plaque d’immatriculation pour l’ambulance, il a commencé à transporter des patients vers les hôpitaux locaux.
C’est devant un tribunal local de la province de l’Anhui, en juillet, qu’a eu lieu le fameux procès. Les quatre médecins ont été reconnus coupables du crime de dégradation intentionnelle de cadavre.
Alors que Lu Shen a été jugé responsable du prélèvement d’organes sur Mme Li uniquement, les trois autres médecins ont été reconnus coupables d’avoir pratiqué des opérations non autorisées de prélèvement d’organes sur 10 autres personnes dans le comté de Huaiyuan entre 2017 et 2019.
Les détails concernant ces 10 personnes ne sont pas connus, mais Huang Xinli a été identifié comme le principal médecin à l’origine de ces chirurgies de prélèvement. Ou Yang, le propriétaire de l’ambulance sans licence, était également impliqué dans le prélèvement illégal d’organes sur 7 des 10 individus.
M. Yang des soins intensifs a été condamné à deux ans de prison, tandis que Huang Xinli, le confrère qu’il a contacté, à deux ans et quatre mois. Lu Shen, le premier médecin appelé pour faire le prélèvement, a été condamné à un an de prison, Wang Hailang, l’autre médecin, à deux ans et deux mois.
Les quatre médecins ont fait appel devant une cour intermédiaire de Bengbu, une ville de la province de l’Anhui. Le tribunal a rejeté leurs appels et a confirmé le jugement du tribunal de première instance en août. Les prévenus avaient fait valoir que leurs actions étaient autorisées car ils suivaient les ordres de leurs supérieurs à l’hôpital.
Les portails d’information chinois Tencent et NetEase ont rapporté le 19 avril que Lu Dahai, alias Lu Shen, a annoncé qu’il allait faire appel auprès de la plus haute juridiction de la province, le Tribunal populaire supérieur de l’Anhui.
Prélèvement forcé d’organes
Selon l’Organisation mondiale d’enquête sur la persécution du Falun Gong (WOIPFG), basée aux États-Unis, les deux hôpitaux qui ont prélevé le foie et les reins de Mme Li – l’Hôpital n° 302 de l’Armée populaire de libération (APL) et le Premier hôpital central de Tianjin – ont un rôle présumé dans le prélèvement forcé d’organes sur des prisonniers pratiquant le Falun Gong.
L’hôpital de l’APL a effectué un grand nombre de transplantations de foie. Selon le WOIPFG, le nombre de ces chirurgies est monté jusqu’à 310 entre avril 2005 et avril 2010, et 146 entre mai 2010 et décembre 2012.
Les pratiquants de Falun Gong, une pratique spirituelle également connue sous le nom de Falun Dafa, sont la cible de persécutions du régime chinois depuis 1999. Des millions de pratiquants ont été jetés en prison, dans des camps de travaux forcés, dans des services psychiatriques et d’autres établissements, selon le Falun Dafa Information Center.
À partir des années 2000, de nombreux rapports sont apparus signalant que le régime communiste chinois tuait de manière systématique des pratiquants de Falun Gong en détention dans le but d’utiliser leurs organes pour des transplantations. À l’époque, la Chine n’avait pas de programme officiel de don d’organes et les autorités chinoises affirmaient que globalement, ces organes provenaient de prisonniers exécutés.
Le système chinois de transplantation d’organes étant de plus en plus surveillé, le régime a annoncé qu’il arrêterait de s’approvisionner auprès des prisonniers exécutés à compter du 1er janvier 2015. Désormais, il allait s’appuyer uniquement sur un nouveau système de dons volontaires. L’affirmation de Pékin fut cependant démentie dans un rapport publié en 2019 par un tribunal populaire à Londres.
Ce rapport a conclu, après une enquête d’un an, que la pratique déclarée et sanctionnée du prélèvement forcé d’organes se produisait à « grande échelle » en Chine, les pratiquants de Falun Gong étant la principale source d’organes.
En 2016, selon un rapport d’enquête d’Epoch Times, des dizaines de milliers de personnes pourraient avoir été tuées au Premier hôpital central de Tianjin, l’hôpital ayant effectué plus de transplantations d’organes que n’auraient pu en fournir les prisonniers exécutés.
Le 13 avril, le WOIPFG a publié un rapport d’enquête sur l’Hôpital populaire du Jiangsu. En novembre 2018, un enquêteur du WOIPFG s’est fait passer pour un responsable du Parti communiste chinois (PCC) et a contacté un médecin de l’hôpital. Non seulement ce dernier n’a pas nié s’être approvisionné en organes auprès de pratiquants de Falun Gong, mais il a en outre déclaré qu’une opération de transplantation du foie pouvait être organisée en moins de deux semaines.
Le rapport comprend également un enregistrement audio fait en 2017. Il s’agit d’une conversation téléphonique entre un enquêteur du WOIPFG, qui se fait passer pour une personne qui se renseigne sur les opérations de transplantation du foie, et un médecin de l’hôpital dont le nom n’a pas été révélé. Dans cet enregistrement, le médecin annonce qu’un organe peut être disponible en deux semaines seulement, un temps d’attente plus court que celui de l’hôpital voisin, l’Hôpital Drum Tower de Nanjing.
L’Hôpital Drum Tower de Nanjing figure également sur la liste de WOIPFG des hôpitaux susceptibles d’être impliqués dans des prélèvements forcés d’organes.
Flouer l’histoire
Selon Wang Zhiyuan, le président du WOIPFG, dans une récente interview accordée à l’édition en langue chinoise d’Epoch Times, le fait que le cas de Mme Li n’ait pas été censuré, mais qu’au contraire il ait été largement couvert par les médias publics, est significatif.
Selon lui, le PCC a essayé d’exploiter ce fait divers pour mettre en avant une histoire de prélèvements d’organes qui lui permettrait de faire croire que ce type de crimes est généralement commis par des individus isolés. Des personnes que les autorités essayent d’arrêter à tout prix.
En réalité, nous explique Wang Zhiyuan, la pratique du prélèvement d’organes sur les prisonniers de conscience, sanctionnée par le régime chinois, est une industrie de grande ampleur qui implique une coopération entre les organismes gouvernementaux affiliés à la Commission centrale des affaires politiques et juridiques du PCC, l’armée chinoise, les unités de police et la police militaire, ainsi que les offices régionaux du Parti et du gouvernement.
Selon lui, les peines prononcées à l’encontre des médecins ont été plutôt clémentes car, si le PCC souhaitait utiliser cette affaire à des fins de propagande, il ne voulait pas non plus attirer trop l’attention sur cette affaire, les médecins ayant probablement agi sur ordre de leur hôpital.
Sur la base des récentes découvertes, Wang Zhiyuan a déclaré que certains hôpitaux chinois continuent manifestement à prélever des organes sur les pratiquants de Falun Gong.
Ces dernières années, le prélèvement d’organes en Chine a fait l’objet d’un examen plus approfondi en Occident, d’autant plus que les États-Unis et d’autres démocraties critiquent de plus en plus le PCC pour son éventail de violations importantes des droits de l’homme.
Aux États-Unis, huit comtés de Virginie ont adopté une résolution condamnant la pratique courante de la Chine consistant à prélever des organes sur des prisonniers d’opinion. Le 15 avril, le Sénat du Texas a adopté une résolution similaire.
Au début du mois de mars, les parlementaires américains, tant au Sénat qu’à la Chambre des représentants, ont présenté un projet de loi visant à demander des comptes sur les prélèvements d’organes effectués par la Chine. S’il est adopté, ce projet de loi permettra au gouvernement américain d’imposer des sanctions aux personnes et aux responsables gouvernementaux responsables du trafic ou du prélèvement d’organes.
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