Chloé Ridel, porte-parole du Parti socialiste : « Il est erroné de prétendre que le Nouveau Front populaire est dominé par La France insoumise »

Par Etienne Fauchaire
5 juillet 2024 17:04 Mis à jour: 5 juillet 2024 17:04

ENTRETIEN – La campagne avant le second tour des législatives touche à sa fin. Porte-parole du Parti socialiste et eurodéputée, Chloé Ridel tient à rappeler « que seules 400.000 voix ont séparé le Rassemblement national du Nouveau Front populaire » lors de la première manche du scrutin et que la coalition « n’est pas dominée par La France insoumise ». Par ailleurs, la femme politique souligne que les exigences des socialistes, qui diffèrent de celles des insoumis sur des points comme la construction européenne et le soutien à l’Ukraine, ont été intégrées dans leur programme commun.

Epoch Times : Au Parti socialiste, comment analysez-vous la victoire électorale du RN lors du premier tour des législatives ?

Chloé Ridel : Par une volonté de sanctionner fermement la politique d’Emmanuel Macron et une croyance des électeurs selon laquelle le Rassemblement national incarne le mieux l’opposition, même si je vais immédiatement nuancer ce propos. En décortiquant les résultats du premier tour des élections législatives, il apparaît que seules 400.000 voix séparent le Rassemblement national du Nouveau Front populaire. 400.000 voix d’écart. Soit un point et demi de différence.

Si demain le Rassemblement national obtient plus de députés que nous, cela sera dû à la logique du scrutin uninominal majoritaire à deux tours, qui vise à fabriquer artificiellement des majorités. Toutefois, grâce au front républicain, nous allons limiter les dégâts.

Quels sont les dangers dénoncés par le PS si le Rassemblement national venait à obtenir une majorité absolue à l’issue du second tour ?

À nos yeux, c’est le pire des scénarios possibles. Puisque le Rassemblement national est désormais climato-sceptique, à l’instar de nombreux partis homologues en Europe, le gouvernement comprendrait un ministre de l’Écologie climato-sceptique. Il faut noter que leur programme écologique est d’une désinvolture totale : ils proposent de démanteler les éoliennes et de cesser les subventions publiques aux énergies renouvelables. Une position à la fois anti-science et climato-sceptique.

Par ailleurs, une menace pèserait sur le monde de la culture et des médias. Le Rassemblement national a annoncé vouloir privatiser le service public de la télévision et de la radio. Nous savons que ces médias, une fois privatisés, finissent entre les mains de grands milliardaires, ce qui, comme on l’a vu en France, en fait des outils d’opinion à la solde de l’extrême droite. En outre, ils s’attaqueraient au monde de la culture par le biais de retraits de subventions aux théâtres et aux festivals jugés trop de gauche ou trop « wokistes », selon le terme à la mode, menant à une véritable chasse aux sorcières dans le milieu culturel.

Enfin, sur le plan économique, nous avons toujours soutenu que les propositions du Rassemblement national sur le pouvoir d’achat ne sont pas les bonnes. Par exemple, baisser la TVA n’a jamais augmenté le pouvoir d’achat, comme le montrent les expériences passées : les entreprises en profitent pour augmenter leurs marges, appauvrissant de surcroit le budget de l’État.

Ils proposent également des cadeaux fiscaux aux plus riches, comme l’exemption d’impôt sur le revenu pour tous les jeunes de moins de 30 ans, sans tenir compte des niveaux de revenus. Ainsi, un jeune diplômé de HEC travaillant en banque d’affaires et gagnant 200.000 euros par an ne paierait pas d’impôt sur le revenu. Au nom de quoi ?

Vos adversaires politiques affirment que le Nouveau Front populaire est dominé par La France insoumise, ce qui ne manque pas de susciter des craintes chez de nombreux Français. Est-ce le cas ?

C’est une affirmation erronée, tant sur le fond que sur la répartition des circonscriptions. Le Nouveau Front populaire n’a rien de commun avec la Nupes version 2022.

Le Parti socialiste a obtenu une augmentation de 150 % du nombre de ses circonscriptions dans le Nouveau Front populaire, soit concrètement 100 circonscriptions. Si l’on additionne les circonscriptions des verts, des socialistes et des communistes, leur nombre dépasse celui des circonscriptions de La France insoumise.

Sur le fond, toutes nos demandes distinctives vis-à-vis de La France insoumise ont été acceptées et inscrites noir sur blanc dans le programme commun du Nouveau Front populaire : le rapport à l’Europe, le soutien à la construction européenne, à l’Europe de la défense, le soutien à l’Ukraine, le respect des frontières de l’Ukraine, la lutte résolue contre l’antisémitisme…

Il est donc incorrect de dire que cette alliance est dominée par La France insoumise.

Jean-Luc Mélenchon a été à plusieurs reprises accusé d’être « pro-Poutine ». Pensez-vous que les Insoumis respecteront, par exemple, les engagements intégrés dans le programme du NFP vis-à-vis du soutien à l’Ukraine ?

Le Front populaire ne se limite pas aux partis politiques. Il inclut également des associations, des syndicats et des citoyens engagés. C’est une initiative qui dépasse les seules formations politiques. Dès lors qu’un programme commun est établi, ce sont tous les électeurs et citoyens, et pas seulement nous, qui en garantissent le respect. Nous comptons donc sur eux pour exercer, si nécessaire, une pression sur les partis signataires de cet accord.

Alors que le nombre d’actes antisémites a flambé depuis le 7 octobre, La France insoumise, avec, au premier chef, Rima Hassan et Jean-Luc Mélenchon, s’est illustrée au cours des derniers mois par une rhétorique farouchement anti-Israël, certains de ses membres considérant le Hamas comme un « mouvement de résistance ». Pour cette raison notamment, de nombreux Français de confession juive craignent une victoire électorale du Nouveau Front populaire et veulent voter pour le RN. Que leur dites-vous ?

Tout d’abord, nous leur disons que s’ils pensent que le Rassemblement national les protégera, ils se trompent. Au Front populaire, nous avons été très clairs : la lutte contre l’antisémitisme doit être une priorité.

L’antisémitisme est effectivement exacerbé par le conflit au Proche-Orient depuis le 7 octobre, ainsi que par les réseaux sociaux et certaines déclarations politiques. C’est pourquoi notre responsabilité est de condamner et d’appeler à lutter contre l’antisémitisme, en y mettant les moyens nécessaires dès l’école.

Emmanuel Macron n’a pas agi en ce sens, alors qu’il se pose en garant de la lutte contre l’antisémitisme. Il suffit de regarder le budget alloué à la LICRA, qui combat toutes les formes de racisme, y compris l’antisémitisme. Ce budget, de 7 millions d’euros par an, est ridicule, insuffisant.

Concernant la qualification du Hamas de « mouvement de résistance », il y avait eu une déclaration en ce sens de Danièle Obono, que nous avions vivement contestée à l’époque. Elle a tenu ces propos sous la pression d’un journaliste, mais ce n’est pas une position officielle de La France insoumise.

Estimez-vous qu’il faille soutenir Israël dans sa guerre contre le Hamas ? Quelle est la position du NFP ?

Notre position est très claire : il faut une solution pour la paix, ce qui implique un cessez-le-feu et la libération des otages restants. Ensuite, il faut initier un processus de paix. Nous ne sommes ni pro-israéliens ni pro-palestiniens. Nous sommes pro-solution, pro-paix.

Puisqu’il y a des partisans de la guerre et de la paix de chaque côté, prendre parti pour Israël ou la Palestine n’a pas de sens : il faut soutenir ceux qui, de part et d’autre, œuvrent pour la paix et cherchent une solution. Netanyahu et le Hamas sont tous deux des ennemis de la paix.

Vos adversaires politiques et même Emmanuel Macron ont accusé le NFP de porter un programme « immigrationniste ». Que répondez-vous à cette affirmation ?

Je pense qu’il est irresponsable d’utiliser un vocabulaire habituellement employé par l’extrême droite. « Immigrationniste », qu’est-ce que cela signifie ? Nous avons simplement un programme qui vise à remettre de l’ordre dans notre politique migratoire et à sortir de l’hypocrisie actuelle consistant à laisser travailler des personnes en situation irrégulière dans des emplois très utiles à la société, comme la restauration, le tourisme, les travaux agricoles, la propreté et le service à la personne, sans être régularisées.

Nous pensons qu’il y a un chaos dans les politiques migratoires en raison de l’absence de voies légales de migration. Il faut remettre de l’ordre et permettre aux personnes qui travaillent sur notre sol d’être régularisées afin de s’intégrer, d’accéder à un logement, bénéficier d’un prêt.

Contrairement à ce que prétend le président de la République, il ne s’agit donc pas d’un programme « immigrationniste », mais, au contraire, d’une politique d’ordre républicain et d’une politique humaniste envers les personnes migrantes qui, je le rappelle, ne quittent pas leur pays par gaieté de cœur et ne viennent pas en France pour percevoir les allocations sociales. Cette idée relève d’un mythe diffusé par l’extrême droite, car bien souvent, ces personnes ne demandent même pas d’aides ; elles cherchent simplement à travailler.

Selon la Fondation Ifrap, le programme du NFP engendrerait une hausse supplémentaire des dépenses publiques allant jusqu’à 233 milliards des dépenses publiques par an d’ici à 2027 dans un contexte où l’État français a été épinglé à la mi-juin par Bruxelles pour déficit budgétaire excessif. Contestez-vous ce chiffrage ?

L’Ifrap, dirigé par Agnès Verdier-Molinié, est un think tank de droite. Leurs prévisions ne méritent guère d’être prises au sérieux ; elles sont tout simplement fantaisistes. Nous avons effectué nos propres estimations. Lorsque je dis « nous », je fais référence par exemple à Madame Valérie Rabault, première femme rapporteure générale du budget à l’Assemblée nationale et députée socialiste. Nous avons veillé à ce que le chiffrage de notre programme n’aggrave pas le ratio dette publique sur PIB.

Notre approche a été résolument prudente : nous tablons sur un choc des recettes en rétablissant l’équité fiscale, notamment par le rétablissement de l’impôt sur la fortune, ainsi qu’une imposition plus progressive des héritages et des revenus. Ainsi, notre politique budgétaire sera, à mon avis, plus responsable que celle d’Emmanuel Macron, qui a accordé des dizaines de milliards d’euros de cadeaux fiscaux aux plus riches et aux grandes entreprises, sans exigences de contrepartie.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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