Christophe Ruggia, accusé par l’actrice Adèle Haenel d' »attouchements » et de « harcèlement », est un cinéaste peu connu du grand public qui s’est surtout manifesté ces dernières années par son engagement en faveur des réfugiés et des sans-papiers.
En 2015, il est avec Catherine Corsini, Pascale Ferran, et Romain Goupil à l’origine de l' »appel de Calais » rassemblant 800 artistes et intellectuels. Il s’est mobilisé également la même année pour les familles syriennes qui campaient à la porte de Saint-Ouen. Et en 2016, il signait une pétition de cinéastes s’indignant de la situation des Roms de Montreuil.
A 54 ans, Ruggia a réalisé trois longs-métrages, dont « Les Diables » (2002), dans lequel Adèle, alors âgée de 13 ans, incarne une fillette autiste qui ne supporte pas d’être touchée et, qui abandonnée avec son frère à la naissance, fugue sans arrêt pour retrouver ses parents.
Chaque jour, 200 cas de violences sur des enfants sont officiellement recensés par la police.
Adèle Haenel brise un tabou avec force. Merci ??
« Les monstres ça n’existe pas. C’est notre société. C’est nous, nos amis, nos pères. Il faut regarder ça. »
— Lyes Louffok (@LyesLouffok) November 5, 2019
C’est notamment durant le tournage de ce film que l’actrice aujourd’hui âgée de 30 ans dit avoir subi un « harcèlement sexuel permanent », des « attouchements » répétés et des « baisers forcés dans le cou » de la part du réalisateur, qui nie les faits mais qui a reconnu mercredi l' »erreur » d’avoir joué « les pygmalions ».
Il rencontre le succès avec son premier long métrage « Le Gone du Chaâba » (1997), une adaptation du roman autobiographique d’Azouz Begag, chercheur devenu par la suite ministre. Le film aborde la question des immigrés avec le parcours d’un garçon ayant fui avec sa famille la pauvreté et la guerre en Algérie et qui grandit dans un bidonville de la banlieue lyonnaise de 1963.
Ses deux autres long-métrages, « Les Diables » et « Dans la tourmente » (2011), avec Yvan Attal et Mathilde Seigner ne connaîtront pas le même succès du « Gone du Chaâba ».
Il reconnaît une « erreur », la justice s’en mêle
Accusé par l’actrice Adèle Haenel d’agression sexuelle lorsqu’elle était adolescente, le réalisateur Christophe Ruggia a reconnu mercredi l' »erreur » d’avoir joué avec elle « les pygmalions », mais réfuté toute violence alors que la justice s’est saisie de cette affaire choc pour le cinéma français, deux ans après #MeToo.
Adèle Haenel : « La honte isole. La prise de parole nous met en commun, ça fait de nous un peuple. C’est important de constituer ce peuple militant, actif qui contribue à la société. » #MediapartLive pic.twitter.com/AD5rtpWj0Q
— Mediapart, le Studio (@MediapartStudio) November 4, 2019
Le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour « agressions sexuelles » sur mineure de moins de 15 ans « par personne ayant autorité » et « harcèlement sexuel ». L’enquête a été confiée à l’Office central de la répression de la violence faite aux personnes (OCRVP).
La vedette de « Portrait de la jeune fille en feu » n’a pas porté plainte, regrettant en direct lundi sur le site de Mediapart qu’il y ait « si peu » de condamnations dans ce type d’affaire et dénonçant « une violence systémique faite aux femmes dans le système judiciaire ».
[ENQUETE @mediapart] L’actrice Adèle Haenel accuse le réalisateur de son premier film, Christophe Ruggia, d’«attouchements» et de «harcèlement sexuel» lorsqu’elle était âgée de 12 à 15 ans. Son récit est conforté par de nombreux documents et témoignages https://t.co/uTBJRRmvyS pic.twitter.com/D8mFOHCkgQ
— Marine Turchi (@marineturchi) November 3, 2019
Toutes agressions sexuelles niées
Christophe Ruggia continue de nier toute agression dont l’accuse l’actrice, mais admet mercredi avoir « commis l’erreur de jouer les pygmalions avec les malentendus et les entraves qu’une telle posture suscite », dans un droit de réponse à Mediapart, qui a sorti l’affaire.
« Je n’avais pas vu que mon adulation et les espoirs que je plaçais en elle avaient pu lui apparaître, compte tenu de son jeune âge, comme pénibles à certains moments. Si c’est le cas et si elle le peut, je lui demande de me pardonner », poursuit-il.
« Mon exclusion sociale est en cours et je ne peux rien faire pour y échapper, déplore le cinéaste. Le Moyen-Age avait inventé la peine du pilori mais c’était la sanction d’un coupable qui avait été condamné par la justice. Maintenant, on dresse, hors de tout procès, des piloris médiatiques tout autant crucifiants et douloureux ».
L’actrice française de 30 ans, récompensée par deux César, a mis en cause le réalisateur, avec lequel elle a tourné à l’âge de 13 ans son premier film, « Les Diables », dans une enquête publiée dimanche par Mediapart puis une interview filmée le lendemain.
Adèle Haenel a dénoncé « l’emprise » que Christophe Ruggia aurait exercée sur elle pendant la préparation et le tournage du film, puis un « harcèlement sexuel permanent », des « attouchements » répétés et des « baisers forcés dans le cou », alors qu’elle était âgée de 12 à 15 ans.
La Garde des Sceaux Nicole Belloubet avait regretté mercredi matin sur France Inter qu’elle n’ait pas porté plainte. « Je pense au contraire, surtout avec ce qu’elle a dit, qu’elle devrait saisir la justice, qui me semble être en capacité de prendre en compte ce type de situations ». Mais le parquet s’est donc auto-saisi.
La Société des réalisateurs de films, association professionnelle comptant quelque 300 adhérents, avait dès lundi radié Christophe Ruggia, qui en a été plusieurs fois le co-président ou vice-président entre 2003 et 2019.
Des actrices sont également montées au créneau. « Une grande admiration pour Adèle Haenel, qui parle pour celles qui sont dans l’ombre… », a témoigné l’actrice Julie Gayet sur Instagram.
« Adèle, ton courage est un cadeau d’une générosité sans pareille », a posté de son côté l’oscarisée Marion Cotillard. « Tu brises un silence si lourd ».
« Je pense que c’est une sorte de tournant. C’est la première fois en France qu’une actrice internationalement connue, qui travaille beaucoup et a une cote d’enfer, prend la parole sur ce sujet-là », estime la journaliste Véronique Le Bris, fondatrice du site cine-woman.fr, pour laquelle « ça va forcément avoir des conséquences ».
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