Un homme « exemplaire » pour ses collègues et sa famille, « monstrueux » et « cynique » pour la procureure : l’aide-soignant filmé en train de frapper et d’insulter une dame de 98 ans dans sa chambre d’Ehpad a été condamné vendredi à cinq ans de prison.
À l’audience, le président du tribunal a ordonné le huis-clos le temps de la diffusion des vidéos, « pour la dignité ». Les images avaient été enregistrées durant trois jours début février par une caméra que les enfants de cette dame, soupçonnant des violences, avaient placée dans sa chambre.
« Ça faisait plusieurs mois que maman nous disait « cette nuit, il y a un homme qui m’a frappée » », expliquent au tribunal ses deux filles, toutes deux septuagénaires. « On voulait savoir ».
Dans la scène la plus choquante, décrite à l’audience, on voit la dame au sol, apparemment tombée de son lit. On l’entend crier « à l’aide » pendant une heure avant que n’arrive l’aide-soignant. « Ferme ta gueule », lui dit-il. Il la tire violemment par les jambes pour la remettre dans son lit, la jette « comme une poupée de chiffon » dira la procureure, lui donne un coup de pied, des « gifles appuyées », la tire par les cheveux.
Devant Albert Cardou, père de famille de 57 ans sans histoire, un « homme bon », selon sa femme, un employé « exemplaire » et « apprécié » de ses collègues, le président reproduit les gestes que l’on voit sur les vidéos : le bras qui prend de l’élan pour la gifle, le poing serré qui attrape les cheveux de la vieille dame au sol.
« Tu me fais chier espèce de vieille salope », « ferme ta gueule », répétait-il alors qu’elle le suppliait d’arrêter, en pleurs.
Le lendemain et alors que la famille n’avait pas encore vu la vidéo, ils sont informés par l’Ehpad d’une « fracture spontanée du fémur » de leur mère, qui se verra prescrire 90 jours d’ITT (incapacité totale de travail).
À la barre côte à côte, les deux filles racontent comment elles n’ont pas tout de suite cru leur mère : elles n’avaient jamais croisé d’aide-soignant homme à l’Ehpad (le prévenu n’y travaillait que la nuit) et la vieille dame n’a plus toute sa tête. Puis, elles ont vu les bleus, « violents » et réguliers, sur le visage et le corps de leur mère. À la direction de l’Ehpad, on leur répond qu’on a « entière confiance » dans le personnel.
« On a envie de détourner les yeux, de se boucher les oreilles » en voyant la vidéo, dit la procureure, qui s’étonne du « manque d’empathie » de cet aide-soignant employé dans le secteur depuis trente ans, qui a présenté ses excuses mais est resté impassible, presque indifférent, dans le box.
En chemise blanche et veste bleue, il répond poliment aux questions.
– En dehors de ces trois jours, avez vous violenté cette dame ?
– Non, monsieur le président.
– C’est la fatalité qui veut que vous ayez été filmé justement les trois fois où vous l’avez violentée ?
– Oui, monsieur le président.
Celui qui n’a admis les faits qu’une fois confronté aux vidéos répète qu’il ne « comprend pas » sa réaction. « Je ne me reconnais pas », dit-il, évoquant comme explication un probable « surmenage ». Il a été maintenu en détention à l’issue de sa condamnation.
Quand sa défense demande qu’on ne fasse pas du prévenu le bouc-émissaire de la crise des Ehpad en France et estime qu’il ne peut y avoir de « lien direct » entre « quelques gifles, des insultes, et « 90 jours d’ITT », la procureure fait le portrait d’un menteur au comportement « monstrueux », qui a pensé à couvrir ses arrières et pousse le « cynisme » à rappeler l’Ehpad pour s’enquérir de l’état de la vieille dame, « par conscience professionnelle ».
« La dernière imploration de Mme B. c’est « aidez-moi mon Dieu » », dit la procureure dans ses réquisitions. « À cette supplique, on devait lui donner une réponse, et elle devrait l’entendre. Même si elle va l’oublier ».
D. S avec AFP
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