« Coexistence » : les soldats ukrainiens racontent leur occupation de la région russe de Koursk

Par Epoch Times avec AFP
26 septembre 2024 11:32 Mis à jour: 26 septembre 2024 16:45

Âgés pour la plupart, les Russes restés dans la zone de Koursk occupée par l’Ukraine n’opposent pas de résistance : bientôt deux mois après leur entrée dans cette région russe, des soldats ukrainiens racontent leur « coexistence » avec ces civils.

Cela faisait deux ans et demi que l’invasion russe de l’Ukraine avait commencé quand Kiev a lancé le 6 août une offensive surprise dans cette région frontalière, la première d’une armée étrangère en Russie depuis la Deuxième guerre mondiale. Elle affirme y contrôler une centaine de localités et quelque 1000 km2, une humiliation pour le président Vladimir Poutine.

Les informations quant à la situation dans cette zone sont minimales, faute d’accès, et le nombre total des personnes y vivant n’a pas été rendu public.

D’après les autorités russes, des dizaines de milliers de civils ont fui les combats mais « plusieurs milliers » -essentiellement des gens âgés, des femmes et des enfants – sont restés sur place, a dit au téléphone à l’AFP à Kiev le porte-parole du commandement ukrainien dans ce territoire, Oleksiï Dmytrachkivsky, sur place depuis mi-août.

Des conditions de vie spartiates

Les conditions de vie y sont spartiates et la population doit compter sur ses réserves et ses potagers ainsi que sur les Ukrainiens qui assurent distribuer régulièrement nourriture, eau et médicaments.

Car les magasins et les pharmacies ne fonctionnent plus, l’électricité et le réseau de téléphonie mobile sont coupées et l’armée russe, qui a lancé une contre-offensive début septembre, bombarde intensément, selon plusieurs militaires ukrainiens interrogés par l’AFP.

Au moins « 23 civils » ont été tués dans ces frappes depuis la fin août, a affirmé le colonel Dmytrachkivsky, sans que l’AFP puisse vérifier ces propos de manière indépendante ni dire combien ont pu mourir sous les tirs ukrainiens.

Les soldats interrogés par l’AFP ont tous affirmé ne pas avoir rencontré de résistance de la part des habitants de la région. « Certains nous saluent même dans notre langue ! », s’exclame Andriï, l’un d’eux. Dans cette zone frontalière, beaucoup parlent un mélange de russe et d’ukrainien.

Cette amabilité est probablement le résultat de l’aide reçue ou c’est peut-être parce que « nous sommes armés et (qu’)ils évitent d’exprimer leurs véritables sentiments », analyse ce militaire.

Moscou les présente « comme des monstres »

Selon le colonel Dmytrachkivsky, les civils russes étaient au départ « terrifiés » et « se cachaient » à la vue de soldats ukrainiens, relevant que depuis deux ans et demi Moscou les présente « comme des monstres ».

Aujourd’hui, « les habitants de la région n’ont pas peur de l’armée ukrainienne », assure un autre militaire, Serguiï. « Lorsqu’ils voient un véhicule militaire, ils s’approchent, ils demandent s’il distribue de l’aide humanitaire ». Il préfère pour autant limiter ses contacts : « Une coexistence polie et discrète suffit », juge Serguiï.

Interrogée par l’AFP, l’armée ukrainienne n’a pas souhaité commenter des informations de presse faisant état de pillages présumés par certains soldats.

L’AFP, qui ne s’est pas rendue sur place et n’a pas pu parler aux civils restés là-bas faute de réseau téléphonique, n’est pas en mesure de confirmer les propos de ces militaires mais, à Kiev, les autorités disent respecter le droit humanitaire et vouloir faire preuve de transparence.

Peu d’informations sur l’occupation ukrainienne

L’Ukraine a ainsi invité l’ONU et le Comité international de la Croix-Rouge à s’y rendre, une offre qualifiée de « pure provocation » par le Kremlin. La Russie reste toutefois très vague sur l’occupation ukrainienne.

« La situation dans les zones contrôlées par les combattants ukrainiens est bien sûr une situation de crise et elle sera rectifiée en temps voulu », s’est borné à dire le 20 septembre le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, en réponse à une question de l’AFP.

Et lorsque la pugnace porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova a accusé Kiev d’installer des « camps de concentration », M. Peskov a sèchement rejeté l’accusation, déclarant qu’il n’y avait « pas d’informations » en ce sens.

Interrogés par l’AFP, des Russes ayant fui la zone occupée et restés en Russie ont évoqué des destructions massives et l’impossibilité de communiquer avec leurs proches.

« On ne peut plus y aller maintenant, personne ne peut y retourner (…). Beaucoup de personnes âgées sont restées et nous ne pouvons pas les contacter pour savoir ce qui se passe avec nos animaux et nos maisons », raconte Elena, qui a fui la ville de Soudja et préfère taire son nom.

De la peine pour ces gens ayant été bernés

Le colonel ukrainien Oleksiï Dmytrachkivsky avoue avoir eu envie d’« être rude avec » les civils russes lorsqu’il est arrivé sur place, du fait des souffrances infligées par Moscou à l’Ukraine. Mais aujourd’hui, affirme-t-il, son approche est autre : « j’ai simplement de la peine pour ces gens » qui « ont subi un lavage de cerveau ».

« Ce sont des gens pacifiques » qui « se sont retrouvés dans cette situation ambiguë » malgré eux, ajoute Serguiï.

C’est comme ça que le colonel Dmytrachkivsky  s’est donné une mission de contre-propagande « à but éducatif », montrant aux civils les exactions commises par l’armée russe en Ukraine.

Avec son ordinateur portable, il va de maison en maison pour présenter un bulletin d’information sur la guerre et un documentaire sur Boutcha, une ville proche de Kiev où l’armée russe est accusée d’avoir massacré des centaines de civils au printemps 2022. Dans cette même logique, il veut lancer un petit journal imprimé baptisé Vent de Koursk à destination de la population locale.

Malgré tout, les civils sont de facto prisonniers de la zone occupée, confirme le colonel. Et ils ne pourront partir que si les belligérants s’entendent sur un couloir humanitaire. Aucune discussion n’est en cours sur ce point.

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