Coincés dans leur propre pays, les habitants du Hubei se sentent abandonnés et stigmatisés à cause du virus

Par Eva Fu
30 mars 2020 19:52 Mis à jour: 30 mars 2020 19:52

Alors que les craintes de pandémie ont déclenché de la discrimination à l’encontre des Chinois dans le monde entier, à l’intérieur de la Chine, ce sont les habitants de la province du Hubei qui ressentent la stigmatisation.

Le 27 mars, les travailleurs du Hubei, le lieu d’origine de l’épidémie en Chine qui a récemment levé les mesures de confinement, se sont retrouvés refoulés à la frontière de la province voisine du Jiangxi.

À un point de contrôle situé sur un pont près de la frontière, la police du Jiangxi a interdit l’entrée aux habitants du Hubei et a affronté les résidents du Hubei qui demandaient des éclaircissements.

COUVERTURE SPÉCIALE VIRUS DU PCC 

Au milieu des échauffourées, au moins un policier du Hubei a été cloué au sol et un autre a été saisi à la gorge, selon un rapport de police qui a fait l’objet d’une fuite. Une vidéo capturée par les locaux montre la police assenant des coups de boucliers balistiques sur la tête des policiers de l’autre côté dans la mêlée.

La foule indignée a organisé une manifestation de masse de 8 heures du matin jusqu’en fin d’après-midi, criant « Allez Hubei ! » et piétinant les voitures de police, avec une foule de gens couvrant à un moment donné presque toute la longueur du pont.

Le même jour, les médias chinois ont rapporté la démission de deux vice-gouverneurs du Jiangxi, sans en préciser les raisons.

Le 25 mars, Hubei, qui compte environ 60 millions d’habitants, a levé les restrictions de voyage dans les régions situées en dehors de Wuhan, sa capitale, permettant, à toute personne possédant un « code vert » certifiant qu’elle est en bonne santé, de voyager à travers le pays.

Mais ailleurs dans le pays, l’hostilité et la discrimination envers les habitants du Hubei, alimentées par la crainte du virus, sont en hausse. Les travailleurs migrants du Hubei ont du mal à se débarrasser de cette stigmatisation lorsqu’ils retournent travailler dans d’autres régions en Chine.

« Nous sommes mis en quarantaine et intimidés une fois que nous sortons », a dit Mme Xu, une main d’œuvre du canton de Huangmei, province du Hubei, qui est allée à la manifestation, en décrivant leurs difficultés à l’édition chinoise du journal The Epoch Times.

Une dizaine de travailleurs migrants que Mme Xu connaît ont essayé sans succès d’obtenir du travail. « Dès que le mot Hubei est mentionné, ils sont immédiatement refusés », a-t-elle dit.

Coincés et indésirables

Dans tout le pays, les personnes ayant des liens avec le Hubei ne sont plus les bienvenues dans les hôtels, les bus et les anciens lieux de travail, qu’elles aient voyagé ou non vers l’épicentre du virus récemment.

M. Zhang, un résident de Xi’an, capitale de la province du Shaanxi au nord-ouest, n’a pas pu monter à bord de la navette pour l’aéroport parce qu’il était porteur d’une carte d’identité du Hubei, même s’il n’est jamais retourné au Hubei depuis son déménagement à Xi’an il y a plus de 20 ans.

M. Zhang se rappelle avoir demandé au chauffeur : « Quel genre de règle est-ce là ? » Le chauffeur a dit qu’il n’était « pas en charge de cette affaire » et lui a demandé d’appeler l’aéroport. Après une série d’appels infructueux, le chauffeur lui a suggéré de prendre un taxi.

« Nous avons été prévenus par les supérieurs et je ne peux rien faire de plus pour vous », a dit le chauffeur à M. Zhang lorsqu’il a lui demandé une justification.

M. Zhang, qui était accompagné de sa fille à l’aéroport, a fini par abandonner, craignant que l’aéroport ne le mette en quarantaine et qu’il soit empêché de rentrer chez lui.

« Ce n’est pas grave si nous perdons de l’argent », a-t-il dit, en faisant référence aux billets d’avion de sa fille, qui avait prévu retourner travailler dans une société de commerce extérieur au Guangzhou, mais qui est maintenant coincée chez elle.

« Elle a étudié ici de l’école primaire au lycée… et a fait ses études ici, elle ne connaît même pas le Hubei », a-t-il dit. La seule fois où elle est retournée au Hubei, c’était il y a six ans pour un examen d’entrée à l’université.

Une femme attend le train dans le métro de Wuhan, dans la province du Hubei, en Chine, le 28 mars 2020. (Getty Images)

« Ils s’en fichent »

Shuai Renbing, un travailleur migrant du Hubei, est confronté à une situation similaire à Pékin.

« Peu importe que ce soit mon patron ou la police, quand ils nous voient, c’est comme s’ils voyaient un fantôme », a-t-il dit.

Récemment au chômage et confronté à la flambée des prix des denrées alimentaires, il a du mal à joindre les deux bouts pour sa famille de trois personnes. Même les choux de Napa, connus comme l’un des légumes les moins chers du nord de la Chine, coûtent quatre fois plus cher qu’auparavant, a-t-il dit.

«  À part maintenir la stabilité sociale… Je ne sais vraiment pas ce qui les intéresse [le régime] », a-t-il dit.

Plus tard dans la journée de vendredi, une foule de plusieurs centaines de personnes du Hubei s’est rassemblée au poste de police du pont de Jiangxi, près du pont frontalier, pour exiger des excuses officielles.

Pour certains résidents du Hubei, la démission des gouverneurs du Jiangxi est une petite victoire mais, pour d’autres, elle n’a pas résolu le problème à la racine.

« Personne n’a osé reconnaître les erreurs commises pendant cette épidémie. [Le régime chinois] est redevable au peuple du Hubei », a dit M. Huang, du Hubei, à Epoch Times. « Ils ne se soucient pas de savoir si les gens vivent ou meurent ni s’ils ont assez à manger et à boire. »

Mme Xu a dit que tout ce qu’ils voulaient, c’était un peu plus d’attention et de tranquillité d’esprit.

« Nous, le peuple, n’avons plus d’argent maintenant », a dit Mme Xu. « Les jours passent, nous n’avons pas de travail, nous risquons de mourir de faim. »

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