ARTS & CULTURE

Comédie musicale: le rêve d’un Proche-Orient harmonieux primé à Broadway

juin 11, 2018 9:50, Last Updated: juin 11, 2018 9:59
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C’est l’histoire d’une fanfare égyptienne qui atterrit par erreur dans une bourgade perdue du désert israélien. Ils vont être accueillis par les habitants, se confier les uns aux autres malgré leurs différences culturelles et linguistiques, comme si le conflit israélo-arabe n’existait pas. C’est ce spectacle humaniste et intimiste aux sonorités moyen-orientales, loin des décibels habituels des super-productions new-yorkaises, qui a raflé dimanche 10 « Tony », les Oscars de Broadway, dont celui de meilleure comédie musicale.

« The Band’s Visit » (La Visite de la fanfare), qui était parmi les favoris après avoir reçu 11 nominations, devrait partir en tournée à travers l’Amérique du Nord en juin 2019. Il n’y a presque pas d’action dans cette comédie présentée d’abord off-Broadway, et adaptée du film israélien d’Eran Kolirin du même nom, « La Visite de la fanfare » (2007).

L’histoire se résume à des rencontres entre les musiciens et quelques habitants israéliens, dans un café de bord de route tenu par la très dynamique Dina (interprétée par Katrina Lenk, récompensée du Tony de meilleure actrice dans une comédie musicale) ou dans une famille israélienne dont les parents sont en crise conjugale, ou dans une boîte de nuit… L’amour de la musique, des deux côtés, permet de briser la glace et de se rapprocher.

Quand Dina évoque sa nostalgie des films d’Omar Sharif ou de la voix de l’Egyptienne Oum Khaltoum, son duo avec le chef d’orchestre, le très digne veuf Tewfiq, se transforme presque en histoire d’amour. Tout est dans l’ambiance: pendant 1h45, on est transporté dans le village fictif de Bet Hatikva, grâce aux conversations en hébreu ou en arabe murmurées derrière les dialogues principaux, dans un anglais délibérément imparfait.

Rythmé par un violoncelle, un oud ou un tambourin, les chansons ont pour la plupart des sonorités proche-orientales.  La musique est signée David Yazbek, né d’une mère juive et d’un père libanais. Et beaucoup des acteurs et actrices ont aussi des origines moyen-orientales, ce qui est rare à Broadway.  « Je suis fier de notre groupe d’acteurs qui n’avaient jamais cru qu’ils pourraient un jour interpréter des gens de leur race », a ainsi déclaré Ari’el Stachel, d’origine yéménito-israélienne, en recevant le Tony du meilleur second rôle masculin.

Le spectacle montre « des Arabes et des Israéliens qui s’entendent bien, à un moment où nous en avions plus que jamais besoin », a-t-il ajouté. Il y a aussi Tony Shalhoub, d’origine libanaise, sacré meilleur acteur, et Dariush Kashani, d’origine iranienne, qui se sont relayés dans le rôle du chef d’orchestre, Tewfiq. Kashani avait fait ses premiers pas à Broadway la saison dernière dans la pièce « Oslo », sur les négociations israélo-palestiniennes secrètement menées par des diplomates finlandais.

Avec le Tony de la meilleure pièce de théâtre de l’année en 2017, « Oslo » montrait déjà le goût de la critique new-yorkaise pour ces spectacles célébrant l’ouverture et l’hospitalité derrière les conflits et les tensions actuelles.  Dans « The Band’s Visit », le conflit n’est même pas mentionné. Mais le public l’a en tête et comprend bien que le rapprochement qui s’opère, l’espace d’une nuit, entre les joueurs de la fanfare et les habitants de Bet Hatikva, montre que la paix est possible.

« Bien que les personnages soient étrangers les uns aux autres, avec de grandes divisions politiques, notre spectacle offre un message d’unité dans un monde qui semble de plus en plus vouloir accentuer nos différences », a souligné dimanche Orin Wolf, le producteur du spectacle.  « Mais au bout du compte, nous sommes tous bien plus semblables que différents ».

DC avec AFP

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