La vie de Duan Jinggang a changé de façon radicale en 2011 en raison d’une simple pancarte. Le jeune homme y avait écrit que « tous les régimes dictatoriaux corrompus » devaient démissionner. La scène s’est passée dans la province de Hainan, dans le sud de la Chine.
En plein milieu d’une vague de soulèvements prodémocratie en Chine, et dans la foulée des rébellions du Printemps arabe en 2011, la banderole provocatrice lui a valu d’atterrir dans un poste de police chinois, où pendant 24 heures, il a été battu par des dizaines de policiers et soumis à un interrogatoire éprouvant.
Au cours du périple effréné qui a suivi, Duan Jinggang a traversé les montagnes qui bordent la frontière entre la Chine et le Vietnam. Il s’est retrouvé sans abri et sans ressources, à errer dans toute l’Asie du Sud‑Est, désespéré, à la recherche d’un endroit où se réfugier. Pendant des semaines, il a dormi sur une natte de paille dans les couloirs d’un temple bouddhiste cambodgien. Le vent glacial l’empêchait de dormir. Il lui est souvent arrivé de ne prendre qu’un seul repas par jour avec les aumônes que les moines partageaient avec lui.
Duan Jinggang a traversé plus d’une demi‑douzaine de pays en tout, espérant à chaque fois y obtenir l’asile. Finalement, la Suède lui a ouvert les bras dix ans plus tard. À un moment, le désespoir était tel qu’il a cherché à rejoindre Singapour à la nage depuis la Malaisie, dans un périple de cinq heures, avec des sandales aux pieds et une simple bouée de natation de fabrication chinoise dont il se servait pour se reposer lorsqu’il était épuisé.
Il a eu l’impression qu’il allait mourir dès que son corps est entré dans l’eau.
« Je n’ai vraiment pas envie de ça », se souvient‑il avoir pensé à l’époque. « Pourquoi faut‑il que je souffre comme ça ? »
Duan Jinggang a trouvé une réponse dans un essai récent intitulé « Pourquoi l’humanité existe-t-elle ? » de M. Li Hongzhi, le fondateur du Falun Gong, une pratique spirituelle comprenant des exercices méditatifs et des valeurs anciennes centrées sur les principes de vérité, de compassion et de tolérance.
Dans cet article, M. Li écrit que le but de l’existence d’une personne n’est pas de réaliser des exploits mais plutôt d’éliminer son karma ou ses péchés.
« Si dans la souffrance, les êtres humains peuvent encore préserver leur bienveillance, encore éprouver de la reconnaissance, être bons, ils s’élèvent, » écrit‑il. « Il est certain que la souffrance peut effacer les péchés, si dans la souffrance et les difficultés une personne peut préserver sa bienveillance, elle accumule des mérites, ce grâce à quoi elle peut se sublimer. »
L’idée que l’on peut acquérir une force intérieure par la souffrance est un message qui a interpellé Duan Jinggang, chrétien depuis son adolescence.
« C’est comme l’acier », confie‑t‑il. « C’est le fait d’être trempé de nombreuses fois qui le rend invincible. »
Depuis l’Antiquité, la souffrance est un thème omniprésent dans toutes les confessions. Jésus a été cloué sur une croix et les premiers chrétiens ont dû faire face à des vagues d’hostilité avant que leur foi ne devienne majoritaire. Dans la Chine communiste, les quelque 100 millions de pratiquants de Falun Gong sont devenus la cible d’une persécution généralisée en 1999. Des millions d’entre eux ont été détenus et torturés, et un nombre incalculable de victimes sont mortes de prélèvements d’organes forcés.
« L’histoire est un cycle qui se répète », pense‑t‑il.
Humilité
Zhao Xin a été un des leaders étudiants des manifestations de la place Tiananmen en 1989 pour réclamer des réformes politiques. Il vit aujourd’hui aux États‑Unis et a été détenu et emprisonné au moins sept fois en raison de son activisme. Il a été torturé à plusieurs reprises et a failli mourir.
Il pense que les réflexions de M. Li sur l’existence humaine sont révélatrices, notamment pour ce qui est du lien entre l’homme et le divin.
« Que ce soit en Chine ou ailleurs, même les moines et les sages accomplis des temps anciens n’ont pas été capables de répondre à ces questions fondamentales », a‑t‑il déclaré à Epoch Times. « Comment cet univers a‑t‑il vu le jour ? Pourquoi les êtres humains existent‑ils ? Personne n’a pu y répondre. Et presque personne n’a expliqué pourquoi les êtres humains sont dans cette société. »
Après avoir étudié l’article pendant plusieurs jours, Zhao Xin, également chrétien, estime qu’il faut le lire avec un esprit d’ouverture, peu importe que cela corresponde ou non à nos conceptions.
« Il y a tellement de choses que nous ne savons pas », déclare-t‑il. « Nous devons reconnaître les limites de nos vies, de notre compréhension et de nos capacités. »
C’est également ce que pense Zhao Zhongyuan (sans lien de parenté), un docteur en médecine chinoise très apprécié des hommes politiques et des militaires chinois à Pékin. Il fait le rapprochement avec le système médical ancestral qu’il pratique.
Souvent, les gens rejettent la médecine traditionnelle chinoise, qu’ils jugent trop hermétique et ne veulent croire que ce que leurs yeux leur montrent. Mais pour lui, le niveau de compréhension d’une personne est limité par sa propre capacité. Selon lui, les gens ne devraient pas passer à côté des paroles de M. Li mais devraient au contraire prendre le temps de réfléchir à quel point les capacités de perception de l’être humain sont limitées.
« La médecine chinoise fonctionne en travaillant sur les circuits énergétiques d’un patient, qui est quelque chose que l’on ne peut ni voir ni toucher. Mais cela ne veut pas dire que la médecine chinoise n’est pas efficace », explique-t‑il, se déclarant lui‑même bouddhiste.
« Il y a peu de choses que l’on peut voir avec les yeux, donc ce qui n’est pas visible n’est pas forcément inexistant. Le spectre lumineux visible à l’œil nu est très étroit. Il en va de même pour la gamme de fréquences que l’on peut entendre. »
Une sonnette d’alarme
Ye Ning, avocat à New York, a lu l’article de M. Li trois fois la nuit de sa publication, le 20 janvier, jour du nouvel an chinois.
Pour lui, l’article est comme une « puissante dose de médicament qui réveille les gens de leur état de somnolence ».
Selon M. Li, l’univers passe par le processus de « création, stabilité, déclin et destruction », de la même manière que les gens sont soumis à « la naissance, la vieillesse, la maladie et la mort », et le monde humain se trouve actuellement dans la dernière période de la phase de destruction.
Ye Ning, également chrétien y voit « une sonnette d’alarme pour les gens ». Il s’est confié à Epoch Times : « Si quelqu’un ne cherche pas à faire preuve de bonté et à s’améliorer intérieurement, mais continue à commettre le mal, il ne lui reste plus beaucoup de temps. »
Selon lui, depuis la Seconde Guerre mondiale, le niveau moral du genre humain s’effondre à un rythme effréné.
« Nous assistons à un progrès sans nom dans les hautes technologies et la révolution technologique est vertigineuse. Les nouvelles découvertes et inventions ont permis aux gens de vivre une vie d’abondance matérielle, mais les normes spirituelles et morales sont en chute libre. »
L’influence du totalitarisme communiste chinois est en partie responsable, déclare-t‑il. « Mais ce n’est pas non plus un problème uniquement chinois – c’est la question du chaos qui précède la destruction. »
Le message d’avertissement a également trouvé un écho favorable auprès de Wang Jing, une dissidente chinoise désormais basée aux États‑Unis et qui gère un site Web consacré aux droits de l’homme en Chine.
Wang Jing est devenue pétitionnaire quand elle a voulu obtenir justice pour sa sœur, poignardée à mort à l’âge de 19 ans alors qu’elle travaillait dans une entreprise pétrolière publique. Elle a passé des années à se battre en vain, perdant ses illusions sur le régime chinois, et elle a décidé d’aider ses compatriotes à défendre leurs droits.
Selon elle, l’avertissement lancé par l’article de M. Li consiste à expliquer aux gens qu’il y a un choix à faire entre le bien et le mal, et que c’est aussi une question de vie ou de mort.
« Même si les gens meurent, ils ont toujours une âme. Et lorsque les gens entrent dans la phase de destruction, le Créateur ne garde que ceux qui sont bons », explique‑t‑elle à Epoch Times. Pour elle, cela signifie faire passer les besoins des autres avant les siens, même au prix de sa propre sécurité.
Li Yuanming, Xue Mingzhu, Linda Lin et Hong Ning ont contribué à cet article.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.