Comment arrêter le fléau du démarchage téléphonique ?

Par Ludovic Genin
21 novembre 2024 08:56 Mis à jour: 25 novembre 2024 07:57

Assurance santé, contrat d’électricité, rénovation énergétique… Trois Français sur quatre sont sollicités chaque semaine par des démarcheurs téléphoniques sur leur portable, selon l’UFC Que Choisir, ce qui les plonge souvent dans « un état de stress » face au risque d’arnaques.

En juin, un vaste réseau de fraude au démarchage, actif dans la moitié nord de la France et qui aurait soutiré à ses victimes plusieurs dizaines de millions d’euros, a été démantelé par le parquet de Rouen et la répression des fraudes.

Le 14 novembre, le Sénat renforçait sévèrement l’arsenal de lutte contre le démarchage téléphonique en faisant du « consentement » du consommateur un préalable à toute proposition commerciale inopinée.

De nombreux élus ont relevé « l’inefficacité » du dispositif « Bloctel », une liste d’opposition téléphonique entrée en application en 2016, qui devait permettre aux consommateurs, à leur demande, d’être épargnés du démarchage.

Pour s’en prémunir, plusieurs outils sont proposés par les opérateurs et UFC Que Choisir, ainsi que les conseils de ne pas répondre et de bloquer systématiquement les numéros dévolus au démarchage téléphonique.

Le stress du racolage quotidien du démarchage téléphonique

En 2022, 47.620 consommateurs ont signalé avoir été victimes de démarchage abusif auprès de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

Le « démarchage » et les « ventes hors établissements » représentent la deuxième catégorie d’amende la plus délivrée par la DGCCRF, qui s’élève, en 2022, à près de 3,5 millions d’euros.

« Le problème ne vise pas seulement les personnes âgées et les téléphones fixes. Il s’étend à tous les âges et touche également les mobiles », a déclaré Cédric Musso, directeur de l’action politique à l’association de consommateurs UFC Que Choisir.

En 2020 a été adoptée la loi Naegelen, qui encadre le démarchage téléphonique et lutte contre les appels frauduleux, via la mise en place de plages horaires dédiées aux appels, l’interdiction du démarchage dans le domaine de la rénovation énergétique ou des formations, ou la régulation des sollicitations clients. Mais de nombreuses failles permettent aux démarcheurs de continuer leurs appels intempestifs.

Un vaste réseau de fraude démantelé dans le Nord

Ce sont les plaintes de nombreux clients « faisant état de pratiques commerciales frauduleuses à leur domicile » qui ont conduit le parquet de Rouen à ouvrir une enquête en juin dernier, confiée aux gendarmes et aux agents de la répression des fraudes de Seine-Maritime.

Les investigations ont révélé une fraude d’une telle ampleur qu’une cellule nationale d’enquête a été mise sur pied en mars dernier sous l’égide de la direction générale de la Gendarmerie Nationale.

Trois sociétés, pilotant treize agences réparties dans la moitié nord de la France, avaient été identifiées. Dans le cadre de démarchages à domicile, les commerciaux de ces sociétés prétextaient divers motifs liés à la fourniture d’énergie (relevé de compteurs, bilan de consommation, etc.) pour recueillir les coordonnées bancaires et la signature des consommateurs, explique M. Teillet.

À l’insu des victimes, ces sociétés contractaient divers contrats commerciaux (assistance, abonnements, etc.) pour un préjudice évalué à « plusieurs dizaines de millions d’euros », souligne-t-il.

Une grande opération a été déclenchée dans sept départements du nord de la France, mobilisant une centaine d’enquêteurs. Les perquisitions effectuées dans les différentes agences et aux domiciles des dirigeants ont permis de saisir près de 3 millions d’euros d’avoirs criminels, plus de 100 tablettes numériques, 14 montres de luxe et des pièces de collection, détaille le communiqué du parquet de Rouen.

Les sénateurs interdisent le démarchage téléphonique sans consentement

La proposition de loi du sénateur Horizons Pierre-Jean Verzelen a été adoptée le 14 novembre par les sénateurs, proposant « d’inverser le principe » du démarchage téléphonique, en obligeant les professionnels à obtenir le « consentement » préalable de tous les consommateurs.

« Ce texte vise à changer de braquet » sur « un sujet qui fait, à bas bruit, le quotidien de nos concitoyens et qui en exaspère à peu près 65 millions », a expliqué le parlementaire, pour justifier sa démarche.

« Ce sera désormais à chaque professionnel de recueillir préalablement le consentement du consommateur », au « cas par cas », a détaillé la secrétaire d’État à la Consommation Laurence Garnier.

Pour limiter les contournements de ce nouveau régime, le Sénat a également adopté un amendement du groupe écologiste pour interdire aux entreprises de conditionner l’achat d’un bien ou d’un service au consentement au démarchage téléphonique. « C’est évident que des petits malins vont tenter par tous les moyens d’obtenir que leur clientèle consente au démarchage », a alerté la sénatrice Mélanie Vogel.

Comment se prémunir des appels intempestifs ?

Liste « rouge » ou « anti-prospection » chez les opérateurs, ou encore Bloctel, le service gratuit mis en place par les pouvoirs publics, plusieurs solutions existent pour prémunir les usagers du démarchage téléphonique.

Sur Bloctel, un service de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), l’inscription se fait gratuitement sur le site dédié ou par voie postale. Le consommateur peut enregistrer jusqu’à huit numéros de téléphone fixe et/ou mobile qu’il souhaite inscrire sur la liste d’opposition.

Face à ce phénomène persistant, la Direction des fraudes reconnaît toutefois que « certaines personnes inscrites sur Bloctel signalent encore des appels non sollicités » car « malgré les avancées indéniables des professionnels dans le respect de la réglementation, certains, peu scrupuleux, tentent de contourner la loi ».

De nombreux élus pointent « l’inefficacité » du dispositif. Si plus de six millions de Français y sont inscrits, « cela représente seulement 9 % des Français et 10 % des lignes téléphoniques », a relevé la rapporteure centriste Olivia Richard, mobilisée contre ces « irritants du quotidien qui nous empoisonnent la vie ».

En complément de Bloctel, certains opérateurs proposent également leurs propres services pour bloquer les appels malveillants. Comme la liste « rouge », qui permet à une personne que son nom, adresse et numéro de téléphone fixe ne soient pas publiés dans les annuaires papier ou électronique, ou la liste « anti-prospection » qui permet à toute personne physique de s’opposer à ce que ses nom, adresse et numéros de téléphone fixe ou mobile soient publiés dans les annuaires et utilisés à des fins de prospection.

« Pour figurer dans ces listes, le consommateur doit contacter son opérateur ou le faire directement au sein de son espace client », rappelle l’Autorité de régulation des communications électroniques (Arcep).

Des associations de consommateurs comme l’UFC Que Choisir ont également lancé leur outil propre, à l’image du site respectemesdata.fr pour protéger ses données et se prémunir contre le démarchage téléphonique.

Enfin, reste la bonne méthode de ne pas répondre et de bloquer les numéros sur lesquels les démarcheurs sont autorisés à appeler et commençant par 0162, 0163, 0270, 0271, 0377, 0378, 0424, 0425, 0568, 0569, 0948, 0949 pour la France métropolitaine, 09475 pour la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy, 09476 pour la Guyane, 09477 pour la Martinique, 09478 et 09479 pour La Réunion et Mayotte.

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