Près d’un quart de la population vieillit en bonne santé au-delà de 85 ans, sans problème de mémoire ni troubles cognitifs. Cette observation est tirée d’une étude réalisée dans les dix provinces canadiennes en 2008 et 2009. Des résultats qui suscitent, dans la communauté scientifique, une réflexion légitime : si cela est possible pour certains, pourquoi pas pour tous ?
On sait aujourd’hui qu’il est possible, dans certains cas, de retarder la survenue de la maladie d’Alzheimer suffisamment longtemps pour que les symptômes n’apparaissent jamais, ou alors très tardivement. Et ce, en appliquant des mesures de prévention assez simples. Ainsi en intervenant sur neuf des principaux facteurs de risque identifiés dans cette maladie, il est possible de diminuer de 35 % les nouveaux cas d’Alzheimer, selon l’article publié le 16 décembre dans la revue de référence The Lancet.
Il s’agit du faible niveau d’instruction, du tabagisme, de l’inactivité physique, de la dépression, de l’hypertension artérielle, de l’obésité, du diabète, de la baisse de l’audition et de l’isolement social. Ces facteurs de risques sont aussi, par définition, des facteurs de… prévention, comme je l’ai expliqué lors de la journée d’étude consacrée à l’impact de l’environnement sur la santé, organisée par MGEN le 8 décembre. On les retrouve aussi dans l’ouvrage que j’ai coordonné à l’usage des professionnels en gériatrie, Gérontologie préventive, éléments de prévention du vieillissement pathologique (Elsevier-Masson).
1 Français sur 3 seulement pratique une activité physique suffisante
De fait, moins de 37 % des adultes et moins de 32 % des personnes âgées de plus de 65 ans sont suffisamment actifs, selon le constat dressé par l’Anses en février 2016. Ces comportements diminuent fortement l’espérance de vie, du fait des complications qu’ils entraînent. Ainsi, un adulte de 50 ans fumeur, hypertendu et qui a trop de cholestérol, a une espérance de vie réduite de 10 ans, selon une étude publiée en 2009 dans le British medical journal. S’il est en plus obèse et diabétique, il faudra retrancher 15 ans. Il y a donc des choix à faire si l’on veut rester en bonne santé.
Malgré tout, on peut noter qu’aujourd’hui, une personne de 75 ans a les mêmes caractéristiques en termes de santé, d’espérance de vie, d’activité et de présentation physique que quelqu’un de 60 ans dans les années 1950.
Le conseil le plus efficace, sans doute, concerne l’exercice physique. Tout le monde sait que rester trop longtemps assis est très mauvais pour la santé. L’exercice le plus simple est bien sûr la marche. L’objectif recommandé est de 10 000 pas par jour, soit 6 à 8 kilomètres, comme le montre l’étude réalisée par deux chercheurs américains. Si vous faites moins de 5 000 pas par jour, vous êtes considéré comme inactif. C’est le cas de… 75 % des français ! Donc habituez-vous à descendre une station avant votre destination ou à faire le tour du quartier, sans but précis, avant de rentrer chez vous. Évitez les ascenseurs. Au-delà de deux étages montés à pied par jour, chaque étage supplémentaire fait reculer vos problèmes de mémoire d’une demi-année, selon une étude publiée en 2016.
Lire 30 minutes par jour fait gagner 2 ans d’espérance de vie
Autre conseil, lisez ! Une étude publiée en 2016 a montré que lire au moins 30 minutes par jour (soit l’équivalent d’un chapitre dans un livre) fait gagner 2 ans d’espérance de vie et diminue la mortalité de 20 %. A l’inverse, ne pas lire multiplie par 3,7 le risque de maladie d’Alzheimer…
En ce qui concerne le sommeil, moins de 10 % de la population est capable de récupérer parfaitement… avec des nuits de moins de 6 heures, comme montré dans cette étude et dans celle-ci. Il est donc fort probable que vous fassiez partie des 90 % restants. Votre besoin en sommeil est, sans doute, de 6 à 8 heures par jour. Ceux qui ne dorment pas assez augmentent leur mortalité de 19 %, et ceux qui dorment trop de 37 %, selon une étude parue début décembre. Si vous manquez de sommeil, la sieste peut être une bonne solution. Elle doit durer entre 10 et 30 minutes et, idéalement, se situer entre 13 heures et 16 heures.
Pour l’alimentation, il est important de manger suffisamment de fruits et légumes – le slogan fameux des « 5 fruits et légumes par jour ». Ceci, associé au fait de faire de l’exercice, de ne pas fumer et d’avoir une consommation modérée d’alcool vous fait gagner 12 à 14 ans d’espérance de vie en bonne santé. Parmi toutes les formes d’alimentation, celle qui a été le plus étudiée et qui donne les meilleurs résultats est le régime méditerranéen, caractérisé par une forte consommation de légumes, fruits et céréales, d’acides gras insaturés (huile d’olive) associée à une faible consommation de graisses saturées ; une consommation modérée de poisson ; une consommation faible à modérée de produits laitiers ; une faible consommation de viande et volaille ; une consommation régulière et modérée de vin aux repas. Ce régime bien suivi peut réduire le risque de maladie d’Alzheimer de 40 %. Un point clé est constitué par les légumes à feuilles vertes (épinards, salades, choux, blettes…) qui sont excellents pour la mémoire.
Des astuces tirées de mon expérience de gériatre et des études scientifiques
Tirés de mon expérience de gériatre et d’études scientifiques publiées, d’autres astuces peuvent être utilisées assez facilement pour se prémunir contre le vieillissement en général, et Alzheimer en particulier. Je les cite de manière exhaustive dans mon livre, publié chez Robert Laffont, 101 conseils pour être bien dans son âge et dans sa tête.
Votre code postal est plus important, pour bien vieillir, que votre code génétique… En effet il existe un lien important entre votre lieu d’habitation et votre espérance de vie. Un élément d’explication – mais ce n’est pas le seul – est bien sûr la pollution de l’air et la présence de particules fines. Ainsi, vous avez un risque de maladie d’Alzheimer augmenté de 7 % si vous habitez à moins de 50 mètres d’un grand axe routier, selon l’étude publiée dans The Lancet en février.
S’entraîner à reconnaître les odeurs, c’est bon pour la mémoire. Il existe d’ailleurs aux États-Unis un test permettant de faire un diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer sur cette base. Baptisé « sniff test », il consiste à mesurer la distance à partir de laquelle une personne réussit à sentir l’odeur du beurre de cacahuète, aliment courant dans ce pays. L’odorat serait en effet atteint tôt, dans cette pathologie.
Jouer à la marelle, bon pour l’équilibre
Vous connaissez peut-être le jeu Pokémon Go ? Il s’agit de chercher dans le monde réel plus de 150 créatures virtuelles appelées Pokémon, dont le célèbre Pikachu. Cette quête vous amène à marcher sans avoir l’impression de faire un effort. Et jouer à la marelle – oui, comme les gamins dans la cour d’école – c’est bon pour l’équilibre.
Si le chocolat est bénéfique pour les neurones, attention aux calories qui, elles, menacent votre santé. Pour éliminer 4 carrés, il faut compter 10 minutes de course !
Gonfler des ballons, c’est excellent pour améliorer sa capacité pulmonaire. Portez-vous volontaire lors des fêtes et des anniversaires.
Il est moins dangereux de faire pipi dans des toilettes sales que de trop se retenir. Prendre la mauvaise habitude de se retenir d’uriner quand on en a envie entraîne à la longue une hypertonie du sphincter de la vessie. Celle-ci ne se vide plus totalement, ce qui finit par entraîner une incontinence urinaire.
La mémoire, au contraire des piles Wonder et de leur fameux slogan publicitaire, ne s’use que si l’on ne s’en sert pas. Si vous avez le choix, sachez que le bridge et les échecs sont plus efficaces pour la préserver que les mots croisés et le sodoku.
Mesurer sa vitesse de marche, reflet de la réserve musculaire
Il est important, aussi, de savoir dessiner une horloge et de s’entraîner au calcul mental. Ces épreuves sont d’ailleurs utilisées pour évaluer le risque de maladie d’Alzheimer. Il peut être utile, encore, de mesurer sa vitesse de marche. Celle-ci reflète la réserve musculaire et diminue avec l’âge. A 1 mètre par seconde et au-delà, c’est très bien. En dessous de 0,7 mètre par seconde, vous êtes considéré comme fragile et à risque de déclin cognitif, de perte d’autonomie et d’entrée en institution. Dans la maladie d’Alzheimer, la vitesse de marche diminue en moyenne 7 ans avant l’apparition des premiers troubles cognitifs.
Il est intéressant de danser le tango. Il s’agit d’une activité complexe, avec de nombreux avantages en termes de santé. Elle a même été développée sous forme de tango-thérapie pour les personnes atteintes de la maladie de Parkinson.
Jouer de la musique semble aussi être très intéressant, en particulier pour préserver la mémoire et l’audition. En écouter a une action bénéfique sur la douleur, le stress, l’anxiété, l’hypertension artérielle et la fréquence cardiaque. On peut recommander Mozart, le compositeur dont les morceaux ont été les plus utilisés dans les études qui montrent ces bienfaits.
En matière de prévention, il n’est jamais, ni trop tôt, ni trop tard !
Christophe Trivalle, Médecin gériatre, coordonnateur du diplôme inter-universitaire Maladies cardiovasculaires du sujet âgé, Université Paris Sud – Université Paris-Saclay
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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