Dans la culture occidentale, de nombreux récits mettent en garde contre les malheurs qu’entraîne la défiance du divin. Aujourd’hui, nous étudierons deux tableaux qui illustrent l’un d’eux : Apollon vainqueur de Pan, de Jacob Jordaens, et Apollon et Marsyas de Bartolomeo Manfredi.
Le concours musical entre Apollon et Pan (Marsyas)
Une histoire de la Grèce antique raconte qu’un jour, Athéna jouait de la flûte lorsqu’elle a vu son reflet dans l’eau. Jouer de la flûte déformait tant son beau visage qu’elle jeta la flûte de dégoût.
Le satyre* Pan (également connu sous le nom de Marsyas) trouva la flûte et souffla à l’intérieur. Comme elle avait appartenu à une déesse, la flûte produisait sans effort des sons magnifiques. Marsyas a cru que la magnifique musique que la flûte produisait était le fruit de son propre talent, et il défia Apollon, dieu de la musique et de la danse, de participer à un concours musical contre lui.
Apollon accepta le défi de Marsyas à condition que le gagnant puisse punir le perdant comme il le souhaitait. Suivant les différentes sources, les juges étaient soit les Muses (filles de Zeus et de Mnémosyne), soit le dieu Tmolus et le roi Midas, un mortel. Dans le tableau de Jordaens, ce sont Tmolus et le roi Midas qui sont les juges représentés.
Apollon joua magnifiquement de sa lyre, suivi de Marsyas, qui joua aussi magnifiquement de sa flûte. Cependant, au deuxième tour, Apollon surpassa son concurrent en retournant sa lyre en sens inverse ou en chantant l’air tout en jouant. Marsyas ne pouvait faire ni l’un ni l’autre.
Les Muses s’accordèrent à dire qu’Apollon était le meilleur musicien. Le dieu Tmolus déclara n’avoir jamais entendu de son plus céleste que la musique d’Apollon. Cependant, le roi Midas n’était pas d’accord et déclara que ce jugement était injuste. Pour ce blasphème, Apollon transforma les oreilles du roi Midas en oreilles d’âne.
Apollon fut considéré comme le vainqueur. Pour avoir défié un dieu, Apollon punit Marsyas en le clouant à un arbre et en l’écorchant vif.
Une illustration de ce blasphème
Jordaens et Manfredi ont tous deux illustré les conséquences de défier un dieu.
Jordaens, un peintre flamand du XVIIe siècle, a représenté quatre personnages sur le flanc d’une montagne. Apollon est à l’extrême gauche, tenant sa lyre. Selon un poème d’Ovide, Apollon porte des robes de couleur pourpre de Tyr, mais Jordaens l’a représenté en robes tirant sur le rose – à moins que la couleur originale ne se soit estompée.
Tmolus se trouve à la droite d’Apollon, le couronnant vainqueur. À ses côtés se trouve Marsyas, dont le visage est déformé alors qu’il continue à jouer de la flûte. Le roi Midas se trouve à l’extrême droite. Selon le site Web du musée du Prado, Apollon pointe du doigt le roi Midas pour lui donner des oreilles d’âne.
Manfredi était un peintre italien de la fin du XVIe et du début du XVIIe siècle et un membre important des Caravaggisti, un groupe de peintres suivant le style très contrasté du peintre Caravage. Il a représenté Marsyas subissant le châtiment qu’entraîne la défiance d’un dieu.
Marsyas est à gauche. Il est attaché à un arbre, avec une peau d’animal autour des reins. Apollon se tient à droite de Marsyas. Il porte la couronne de laurier du vainqueur et est vêtu d’une robe pourpre.
Apollon commence à écorcher Marsyas. Il regarde calmement mais intensément le satyre, et son action de lui entailler la peau semble se faire avec lenteur. En réaction à la douleur, Marsyas se penche en avant, les veines de son cou se révélant. Les coins de sa bouche se dessinent vers le bas, ses sourcils se soulèvent et ses yeux s’agrandissent à mesure que le couteau parcourt sa course.
S’abstenir de blasphémer et reconnaître le divin
La culture moderne remet ouvertement en question le divin. Que ce soit dans les sciences, le monde universitaire ou les arts et la culture, les croyances traditionnelles envers le divin, le ciel, Dieu, les anges, etc. sont remises en question.
Remettre en question le divin porte toutefois à conséquence. Marsyas n’a pas réalisé que la flûte était une création d’inspiration divine ou que le son qu’elle produisait découlait de sa nature divine. Sa vanité – l’un des défauts de caractère les plus dangereux – l’a incité à défier Apollon, la représentation divine de la musique.
Bien entendu, Apollon a remporté le défi. Les simples mortels pensent pouvoir défier le divin, mais ne peuvent jamais vraiment rivaliser. En tant que dieu, nous pouvons présumer qu’Apollon savait qu’il allait gagner. Alors pourquoi avoir participé au concours ?
Peut-être Apollon avait-t-il voulu donner une leçon à ceux qui, plus tard, voudraient défier les cieux. Dans le tableau de Jordaens, on voit Apollon transformer les oreilles du roi Midas en oreilles d’âne.
Apollon aurait-il puni le roi Midas pour avoir osé se ranger du côté de ceux qui défient les cieux ?
Est-il possible qu’Apollon ait transformé les oreilles du roi Midas parce que, incapable de reconnaître la beauté de la musique céleste, le roi Midas ne méritait plus des oreilles humaines ? Si c’est le cas, alors être digne d’être humain serait directement lié à la capacité à reconnaître et à apprécier le divin ou ses manifestations divines.
Bien sûr, ce sont ceux qui défient directement le divin qui reçoivent le châtiment le plus sérieux. Parce qu’il a défié les cieux, Marsyas est attaché à un arbre – qui, selon moi, représente la terre – et doit souffrir. En défiant les cieux, Marsyas est emprisonné et torturé sur terre. Apollon, en revanche, est encadré par les cieux, ce qui réaffirme sa nature divine et céleste.
Manfredi ne dépeint pas Apollon comme prenant plaisir à punir Marsyas. Au contraire, Apollon semble faire calmement, mais méticuleusement, ce qu’il doit faire en tant qu’être du ciel : malmener ceux qui défient les cieux. Et le châtiment de Marsyas pour son péché est sévère.
Le roi Midas et Marsyas étaient tous deux des mortels vaniteux. Au début, ils n’étaient pas affectés par leur orgueil démesuré, mais ils ont fini par en souffrir.
Pour ceux qui reconnaissent le divin
Il ne s’agit pas ici de nous en prendre à ceux qui, selon nous, défient le divin. Cela suggérerait que nous sommes nous-mêmes divins – une prétention qui est, en soi, blasphématoire.
Mais si un lien nous relie au divin, et si nous devons être à la hauteur pour être reconnu en tant qu’être humain, ne devrions-nous pas essayer de reconnaître et d’apprécier l’aspect divin des choses ?
Est-ce que nous devrions passer plus de temps à célébrer et à encourager l’appréciation des cieux et du divin, tout en laissant Dieu s’occuper des mises à l’épreuve ? Devrions-nous repopulariser, encourager et apprécier les leçons de morale qui prévalent dans les histoires traditionnelles autour des phénomènes divins, afin d’être à nouveau dignes de notre humanité ?
Les arts traditionnels contiennent souvent des représentations et des symboles spirituels dont la signification peut être perdue pour nos esprits modernes. Dans notre série « Atteindre l’intérieur : ce que l’art traditionnel offre au cœur », nous interprétons les arts visuels d’une manière qui peut être moralement perspicace pour nous aujourd’hui. Nous ne prétendons pas fournir des réponses absolues aux questions auxquelles les générations ont été confrontées, mais nous espérons que nos questions inspireront un voyage de réflexion dans le but de devenir des êtres humains plus authentiques, plus compatissants et plus courageux.
Eric Bess est artiste figuratif en exercice et candidat au doctorat à l’Institut d’études doctorales en arts visuels (IDSVA).
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