Avez‑vous déjà senti vos propres épaules se détendre en voyant un ami se faire masser les épaules ? Pour ceux qui ont répondu oui, félicitations, votre cerveau utilise son pouvoir pour créer un effet placebo. Pour ceux qui ont répondu non, vous n’êtes pas les seuls, mais heureusement, on peut entraîner son cerveau.
Depuis les années 1800, le mot placebo est utilisé pour désigner un faux traitement, c’est‑à‑dire un traitement qui ne contient aucune substance physique active. Vous avez peut‑être déjà entendu parler des placebos sous le nom de « pilules de sucre ».
Aujourd’hui, les placebos jouent un rôle crucial dans les études médicales dans lesquelles certains participants reçoivent le traitement contenant les ingrédients actifs du médicament et d’autres un placebo. Ce type d’études permet aux chercheurs de savoir quels médicaments sont efficaces et dans quelle mesure ils le sont. Il est toutefois surprenant de constater que, dans certains domaines de la médecine, les placebos eux‑mêmes apportent une amélioration clinique aux patients.
En tant que psychologues intéressés par la manière dont les facteurs psychologiques affectent les conditions physiques et les croyances en matière de santé mentale, nous aidons nos patients à guérir de diverses menaces au bien‑être. L’effet placebo pourrait‑il nous apprendre quelque chose de nouveau sur le pouvoir de notre esprit et la façon dont notre corps guérit ?
Les effets placebo dans la vie réelle
Aujourd’hui, les scientifiques définissent ces effets placebo comme des résultats positifs qui ne peuvent être expliqués scientifiquement par les effets physiques du traitement. La recherche suggère que l’effet placebo est dû à des attentes positives, à la relation entre celui qui prescrit et le patient et à tous les gestes rituels entourant les soins médicaux.
La dépression, la douleur, la fatigue, les allergies, le syndrome du côlon irritable, la maladie de Parkinson et même l’arthrose du genou ne sont que quelques‑unes des affections qui réagissent positivement aux placebos.
Malgré leur efficacité, l’utilisation des placebos fait l’objet de polémiques et de débats dans la médecine d’aujourd’hui. Dans la pratique médicale courante, ils sont rarement utilisés à dessein. Mais sur la base d’une nouvelle compréhension du fonctionnement des aspects non pharmacologiques des soins, de la sécurité et des préférences des patients, certains experts ont commencé à recommander d’augmenter l’utilisation des placebos en médecine.
La Food and Drug Administration (FDA) exige que tous les nouveaux médicaments soient testés dans le cadre d’essais contrôlés aléatoires pour prouver leur efficacité face à des traitements par placebo. Il s’agit d’un élément important pour garantir l’accès du public à des médicaments de qualité.
Mais des études ont montré que l’effet placebo est si fort que de nombreux médicaments n’apportent pas plus de soulagement que les traitements placebo. Dans ces cas, les concepteurs de médicaments et les chercheurs considèrent parfois les effets placebo comme une nuisance qui masque les avantages thérapeutiques du médicament fabriqué. Cela incite les fabricants de médicaments à essayer de supprimer les placebos pour que les médicaments passent les tests de la FDA.
Les placebos constituent un tel problème pour l’entreprise de développement de médicaments qu’une société a mis au point un script de coaching pour décourager les patients ayant reçu des placebos de faire état de leurs bienfaits.
Traiter la dépression
Avant la pandémie de Covid‑19, environ 1 adulte américain sur 12 a reçu un diagnostic de dépression. Pendant la pandémie, ce chiffre est passé à 1 adulte sur 3. Cette forte hausse explique en partie pourquoi 26,25 milliards de dollars de médicaments antidépresseurs ont été utilisés dans le monde en 2020.
Mais selon le psychologue et expert en placebo Irving Kirsch, qui étudie les effets placebo depuis des décennies, une grande partie de ce qui rend les antidépresseurs utiles pour soulager la dépression est l’effet placebo – autrement dit, la croyance que le médicament sera bénéfique.
La dépression n’est pas la seule maladie pour laquelle les traitements médicaux fonctionnent réellement au niveau du placebo. De nombreux cliniciens bien intentionnés proposent des traitements qui semblent fonctionner en se basant sur le fait que les patients vont mieux. Cependant, une étude récente a révélé que seul un traitement médical sur dix était étayé par des preuves de haute qualité, selon le système de classement d’une organisation internationale à but non lucratif. Près de 70 % des études examinées reposaient sur des preuves de qualité modérée ou faible et 22 % sur des preuves de très faible qualité. Cela signifie que de nombreux patients voient leur état s’améliorer même s’il n’a pas été prouvé que leur traitement était meilleur que le placebo.
Comment fonctionne un placebo ?
Le pouvoir du placebo se résume au pouvoir de l’esprit et à la capacité d’une personne à l’exploiter. Si un patient souffre d’une céphalée de tension et que son médecin de confiance lui donne un médicament dont il est sûr qu’il le traitera, le soulagement qu’il attend est susceptible de diminuer son stress. Et comme le stress est un facteur déclenchant des céphalées de tension, la magie de la réponse placebo n’est plus si mystérieuse.
Supposons maintenant que le médecin donne au patient un médicament de marque coûteux à prendre plusieurs fois par jour. Des études ont montré qu’il est encore plus probable qu’il se sente mieux, car tous ces éléments transmettent subtilement le message qu’il doit s’agir d’un bon traitement.
Une partie de la beauté des placebos est qu’ils activent les systèmes de guérison existants dans l’esprit et le corps. On sait aujourd’hui que des éléments du corps, que l’on croyait autrefois hors de contrôle, peuvent être modifiés. Un exemple légendaire est celui des moines tibétains qui, en méditant, génèrent suffisamment de chaleur corporelle pour sécher des draps mouillés par des températures de 4 degrés Celsius.
Un domaine appelé médecine corps‑esprit s’est développé à partir des travaux du cardiologue Herbert Benson, qui a observé ces moines et d’autres experts maîtriser les processus automatiques du corps. Il est bien connu dans le domaine médical que de nombreuses maladies sont aggravées par les changements automatiques qui se produisent dans le corps sous l’effet du stress. Si une interaction placebo réduit le stress, elle peut réduire certains symptômes d’une manière scientifiquement explicable.
Les placebos fonctionnent également en créant des attentes et des réponses conditionnées. La plupart des gens connaissent le conditionnement pavlovien. On fait sonner une cloche avant de donner aux chiens de la viande qui les fait saliver. Finalement, le son de la cloche les fait saliver même s’ils ne reçoivent pas de viande. Une étude récente de la Harvard Medical School a utilisé avec succès le même principe de conditionnement pour aider les patients à utiliser moins de médicaments opioïdes contre la douleur après une opération de la colonne vertébrale.
En outre, de multiples études d’imagerie cérébrale démontrent des changements dans le cerveau en réponse à des traitements placebo efficaces contre la douleur. Il s’agit d’une excellente nouvelle, compte tenu de l’épidémie actuelle d’opioïdes et de la nécessité de disposer d’outils efficaces de gestion de la douleur. Il est même prouvé que les personnes qui réagissent positivement aux placebos présentent une activité accrue dans les zones du cerveau qui libèrent des opioïdes naturels.
De nouvelles recherches suggèrent que même lorsque les gens savent qu’ils reçoivent un placebo, le traitement inactif a des effets sur le cerveau et des niveaux d’amélioration signalés.
Les placebos sont non toxiques et universellement applicables
Outre les preuves de plus en plus nombreuses de leur efficacité, les placebos présentent de multiples avantages. Ils n’ont pas d’effets secondaires, ils sont bon marché, ne créent pas de dépendance. Ils donnent de l’espoir lorsqu’il n’y a pas de traitement chimiquement actif spécifique disponible. Ils mobilisent la capacité d’une personne à guérir par de multiples voies, y compris celles étudiées dans le domaine de la psycho‑neuro‑immunologie. Il s’agit de l’étude des relations entre le système immunitaire, les hormones et le système nerveux.
En définissant le placebo comme l’acte de créer des attentes positives et de donner de l’espoir par le biais d’interactions psychosociales, il devient clair que les placebos peuvent améliorer les traitements médicaux traditionnels.
Utiliser des placebos pour aider les gens de manière éthique
L’effet placebo est reconnu comme étant suffisamment puissant pour que l’American Medical Association considère qu’il est éthique d’utiliser des placebos seuls pour favoriser la guérison ou avec des traitements médicaux standard si le patient y consent.
En clinique, les médecins utilisent les principes du placebo de manière plus subtile que dans les études de recherche. Une étude réalisée en 2013 au Royaume‑Uni a révélé que 97 % des médecins ont reconnu dans un sondage avoir utilisé une forme de placebo au cours de leur carrière. Cela peut être aussi simple que d’exprimer une forte croyance dans la probabilité qu’un patient se sente mieux grâce au traitement prescrit par le médecin, même si le traitement lui‑même n’est pas chimiquement puissant.
Il existe même désormais une société internationale pour les études interdisciplinaires sur les placebos. Elle a rédigé une déclaration de consensus sur l’utilisation des placebos en médecine et des recommandations sur la manière d’en parler avec les patients. Dans le passé, les patients dont l’état s’améliorait grâce à un effet placebo pouvaient se sentir gênés, comme si leur maladie n’était pas réelle.
Mais avec l’acceptation et la promotion croissantes des effets placebo par le milieu médical, nous pouvons envisager une époque où les patients et les cliniciens seront fiers de leur capacité à exploiter la réponse placebo.
Elissa H. Patterson est professeur adjoint clinique de psychiatrie et de neurologie à l’Université du Michigan et Hans Schroder est professeur adjoint clinique de psychiatrie à l’Université du Michigan. Article original sur The Conversation.
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